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p r e f f i v e & eiiiichic de tous les termes de la Relig
i o n , des Sciences & des Ar ts, ee qui inoutre
q u e les Arméniens étoient autrefois bien plus habiles
V O Y A G E
qu'ils ne font aujourd'hui. Enfîîi c'eli un
g r a n d mérite chez eus d'entendre cette langue ;
e l l e ne fe trouve que dans leurs mei l leurs manuf
e r i t s . Les Vertabiers fout faerez, mais ilsdifent
r a r e m e n t la MelTe , & font propronient deftinez
p o u r la predication. Leurs fermons roulent fur
des paraboles mal imaginées , fur des pallkges
d e l'Ecriture mal entendus & mal e.xpliqttez, &
f u r quelques hilloires vrayes ou taulfes qu'ils fçav
e n t par tradition ; cependant ils les prononcent
a v e c beaucoup de gravite , & ces difcQurs leur
d o n n e n t prefque autant d'authorité qu'au Patriarc
h e ; ils ufurpent fur tout celle d'excommunier.
A p r è s s'£tre exercez dans quelques villages , un
a n c i e n Vertabiet les reçoit Doàcnrs avec beauc
o u p de ce'remonies, & leur met entre les mains
l e bâton palloral. La ce'remonie ne fe paffe pas
f a n s innome , car le degré de Dofteur étant
r e g a r d é parmi eux coinme un Ordre facré
ils ne font aucun fcrupule de le vendre de même
q u e les autres Ordres. Ces Docteurs ont le priv
i l e g e d'être affis en| prêchant & de tenir le bât
o n paHoral ; au lieu que les Evcques qui nefont
pas Dofleuts prêchent debout. Les Vertabiets
v i v e n t de la quête que l'on fait pour eux après
l e fcrmon , & cette quête ell comidérable , fur
t o u t dans les lieux où les Caravanes fe repofent .
C e s Prédicateurs gardent le célibat & jeûnent fort
n g o u r e u f e r n e n t les trois quarts de l'anne'e, car ils
n e mangent alors ni oeufs , ni poiffon , ni laitage.
Quoiqu'ils parlent dans leur fermons , moit
i é langue litterale & moitié langue vulgaire , ils
n e lailfent pas fouvent de prêcher en languevulg
a i r e pour mieux fe faire entendr e : mais la M é f -
i é , le chant de l'Eglife , la vie des Saints , les
p a r o l e s dont on fe fert pour l'adminiflratiou des
S a c r e m e n s , font en langue littérale.
L e s Cnrez & les Prêtres fecnliers fe marient
d e menie que les Papas Grecs , & ne fçanroient
paCfer à de fécondés noces ; auffi choiliffent-ils
des filles dont Je teint promette une longue vie
& _ u u e forte fanté. Ils travaillent tous à quelque
m e t i e r pour gagner leur vie & pour entretenir
l e u r famille, & cela les occupe fi fort qu'à peine
I ç a v e n t - i l s faire les fonflions Eeclefianiques.
P o u r a p p r o d i e r de l'autel plus purement , ils font
obligez decoucherdans l'Eglife la veille des jour s
q u ' i l s doivent celebrer.
L e s Religieux Arméniens font ou Sciiifmatiques
on Catholiques. Les Schifinatiques fuivent
l a Regie de Saint Baffle ; les Catholiques celle
d e Saint Dominique. Leur Provincial ell nomm
é par le Gc-néral des Domini c a ins oui fe tient à
R o m e . Euviion Tau 1320. le P. BmheUm
D o m i a k a i n réunit beaucoup d'Armenieiis
l ' E g l i f o Roma ine que le Pape J e a nXXl I . goiiv
c r i j o i t alors , & ce grand Miliîonaire y établit
p l u l i c u r s Couvent s de fon Ordre; il y en a encor
e quelques uns dans la Province de Nac/mn
e n t r e Tauris & Erivan. Mr. Tavernier en a
c o m p r e jufqucs à dix, autour de la ville deNaclivan
& de l'ancienne Juli'a qui n'en eft qu'à une
J o u r n é e , tous ces Mona/lcres font gouvernezpar
des Dominicains Arméniens. Pour former de
bons fujets on envoyé de temps en temps à Roiiie
d e jeunes enfans de cette nation que l'on éleve
d a n s les Sciences & dans l'efpric de l'Ordre de
Saint Dominique. Chaque Monaf ler e cil dans
b o u r g , & l'on compte dans ce quartier-là\„.
viroii fix mille Catholiques. Leur Archevcoue,
qui prend le titre de Patriarche , va fe faire confirmer
à R o m e après fon é l e f t i o n, & l'on fuit dans
f o a Diocefe le Rite Romai n en toutes chofes
e x c e p t é la Meife & l'Office que l'on chante eii
A r m é n i e n , afiia que le peuple l'entende. Ce perit
troupeau vit faintemeat , il eil bien infiruit
& il n'y a pas de meilleurs Chrétiens dans tout
l ' O r i e n t .
L e s Arméniens SchiÜTiatiques font aiTcz à
plaindre , ils jeûnent comme les Religieux deh
T r a p p e , & tout cela ne leur fervira de rien s'ils
n e fe rangent du bon parti. lis font maigre dm
j o u r s de la femaine , le Mercredi & le Vendredi,
& ils ne mangent ni poiiTon , ni oeufs ni huile
, ni laitage. Les Carimes des Grecs font des
temps de bonne chere, en comparaifoii de ceux
des Arméniens : outre leur longueur extraordinaire
, il ne leur elî permis dans ce temps-là quede
inanger des racines, & m ême il leur ell deflendti
d ' e n mander autant qu'il faut pour fatisfaire leur
a p p é t i t . L'ufas^e des coquillages , de l'huile,
d u vin leur eR interdit, excepté le Samedi Saiiii,-
ils reprennent ce jour - l à le beurre , le fromag
e & les oeufs. Le jour de Pâques ils mangent
d e la viande, mais feuleinent de celle dont011
a tué les animaux ce jour - là , & non pas les
j o u r s precedens. Pendant le grand Carême ils
n e mangent du poiiïbn & n'entendent la MeiFo
q u e le Dimanche. Elle fe dit à midi , & ils Iî
n o m m e n t la Mejfe bafe , parce que l'on tire un
grand rideau devant l'autel, & que le Prêt re, que
l ' o n ne voit pas, ne prononce tout haut quel'£-
voiigile & le Credo. Les fidelles ne communient
que le Jeudi Saint à la Meife qui n e fe dit qu'î
m i d i ; mais celle du Samedi Saint fe celebre à
cinq ou iix heures du foir . & l'on donne auffi
la C ommu n i o n . En fui t e l'on rompt le Carême,
c o m m e l'on vient de dire, en mangeant du poiif
o n , du beurre ou de l'hutle. Outre le grnnd
C a r ê m e , ils en ont quatre antres de huit jourî
chacun pendant le reite de l'année ; ils font inllituez