
3 3 V O Y A G E
p o n r engager k s Officisrs Chretiens au fervice
d u Grand Seigneur. Le Sultan peut avoir auj
o u r d ' h u i cinq, ou (ix Capitaines renci;ats qui
l o n t fort experimetitei ; niais les Matelot s ¡"norent
la m.inceuvre, & les Canoniers font trcsi
n a l - a d r o i t s . L e iueceireut de M e z omo r t o n'e'toit
p.is fort effimé. Adraman Pacha qui fut nomme
G é n é r a l de la mer après la mort de ce dernier,
é t o i r capable de perfeftionner la maniéré des
1 u res, li les envieux ne l'avoient pas fait ctrang
l e r q u e l q u e temps après fou élévation. • Il étoit
c o n n u parmi les T u r c s fous le n o m dn Pacha de
R h o d e s , & chez les Chrét iens, fous celui du fils
d e la bonchere de Marfeille. On le prit tontjeun
e fur un vaiirean de cette ville armé en conrfe,
& il eut le malheur de fe faire Mahometan: il
p i f f o i t chei les T u r c s pour un h omme fort équit
a b l e & fort delîntetefl'é. On affnre qu'un jour
f a i f a n t la police à Scio, il demanda àqui appart
e n o i e n c trois on quatre bourriques chargées de
p i e r r e s & attachées à la-porte d'une maifon; &
ayant appris que leurs maîtres dejeunoient tout
p r è s de là, il pourfuivit Ci tournée; mais à fon
r e t o u r , indigné de trouver encore ces pauvres
a n i m a u x à l'attache , fans qu'il parût qu'on eût
pris foin deles faire rcp.i!tre, il fit appeller leurs
m a î t r e s & leur di t , qu'il étoit ¡ulle que les ânes
mangeaiTent à leur tour ; les païfins en tombèrent i
d ' a c c o r d ; mais ils furent fortfurpris, quand il }
l e n t commanda de prendre chacun fur leurs dos
l a charge de pierres, tandis que les ânes manger
o i e n t . On fait un femblable conte de Sultan i
M o u r a t .
L a charge de Capîtan Pacha ell une des "plui
b e l l e s de l'Empire. Il ell grand Amiral & Général
des Galeres: fon pouvoir elt fi abfoln , lorfqu'il
c l t hors des Dardanelles , qu'il peut faire étrang
l e r les Vicerois & les Gouverneurs qui font fur
l e s côtes , fans attendre l'ordre du Sultan : le
G r a n d Vilir eft le fcul Miniftre qui foit au-delTus
d e lui ; fa charge eft la fécondé de l'Empire, &
il ne rend compte qu'au Grand Seigneur. Non
f e u l e m e n t les Officiers de marine , mais tous les
G o u v e r n e u r s des Provinces maritimes reçoivent
f e s ordres. J'ai eu l 'honneur de vous d i re, M o NS
E I G S E U R , qu'il n'y avoir à Conftantiuople
q u e 2 S. ou 30. vaiiTeaux de guerre.
P o u r ce qui eft des Galeres , on les diftingue
e n deux claiTes, celles de Conf tant inople, & cell
e s de l'Archipel. CellcE de Conftantinople ne
t i e n n e n t la mer que pendant l'Eté. Ou les défarm
e au retour de la campagne pour les enfermer
dans l'Arfenal de Caffum Pacha: la plûpart des
• Enjanviei 1706. Le ^retexre fut qu'il n'avoir pas fait ctfindrc
aJTcK ptomptcnicni t'incCRdie qui arait endommagé quelques
Deys ou Capitaines font des Renegats, Ontrp
corps de la galère, l'artillerie & le bifcuit rp,
pereur donne encore les foldats , le relie de v
q n i p a g e q u i conlîfte en !00 rameurs, & i, e
pour cfpalmcr. Si les Capitaines font aflh
pour fubftituer leurs cfclaves à ces rameu
f o n t des profits confidérables , ils tirent doii>'
m i l l e livres pour la paye des rameurs, & proj,; î
e n c o r e des journées de leurs efclaves qu'ils
ravai 1er fur terre amant qu'ils peuvent pcnda
l e relie de l'annee. Quand il n'y a pas alfesder '
m e u r s , on loue a Conliantinopledes efclavesd i
p a r t i c u l i e r s pour faire la campagne; mais 01, „
t i r e pas grand fervice de tous ces malhenrent qii
n ont nulle experience , & la plûpart perilfciitl,
mer. Vous faveï. mieux que perfonne, M os.
S E I G N E U R , que le fervice de mer deniiiidt
b e a u c o u p plus de pratique que celui de tmt
P o u r renforcer les foldats des Galeres, lesTiircs'
y niC-lent quelques Janiffaires.
riciit!
G a l e r e s de l 'Archipel doivent être prêtes i
. . en tout temps. Les Capitaine!
f o n t payez iur les affignations des Iftes, Silsfa
o b l f e e i de fournir les forçats & les foldats ; c ,
l e Grand Seigneur ne leur donne que le eorpsic
l a g a l e r e , l'Artillerie & les agrets. Pour eonfti.
ver leurs efclaves , ils évitent le combat auoiil
q u ' i l s peuvent ; & la plûpart même n'ont ni It
- ' qu'ils doivent entreteif
L e .
f e mettre
n o m b r e de galeres qu'ils "dt
l e u r s équipages complets , parce que le Capta
P a c h a , pour quelque fomme d'argent qu'on fçiit
Im donner apropos , fait fouvcnt femblantdeii'y
pas prendre garde ; par confeqnent la difcipliiit
m i l i t a i r e n'eft obfervee que très-légérement.
L e s Beys de Rhode s & de Sci o doivent eiitmetlir
fcpt galeres d.ans chacune de ces Mes. Celli
de Cypre lix. Ceux de Metelin , de Negrepont,
d e S a l o n i q u e , de la Caval e ' , chacun une. Andres
& Syraenfemble n'en fourni ifent qu'une; de mim
e que Naxi e & Patos. Le Capitan Paeha vient
pendant l'Eté faire fa ronde dans l'Archipel poiit
exiger la capitation, & pour prendre conuoilTaiic
e des afi-aires qui s'y font paflTées : Il lient ordinairement
fes grands jours dans nn Port de l'Ille
de Paros appelli Drio ; il eft là comme dans It
c e n t r e de l'Archipel. Les AdminiftrateiirsdcsMts
y viennent faire leurs prefents & porter les femmes
aufquelles châque Ille eft taxée: e'eft dans
c e même endroit que le Capitan Pacha juge cil
dernier reftTort toutes les aft'aires tant civiles que
- • - • elles.
l ' h o n n e u r d'etre
f p e â !
miifons du côté ds l'Aifenjl.
u n profond re-
LETD
U L E V A N T , if«« X/r.
L E T T R E X I V .
Ì9
LA RELIGION, DES MOEURS ET DES MANIÈRES DES fUR'CS.
M O N S E I G N E U R ,
l'ai eu l'honneur de vous entretenir dans ma
dernicre Let t re, du Gouvernement & de la Politique
des T u r c s ; leur Rel igion , leurs M oe u r s , &
leurs manières feront la matière de celle-ci.
De toutes les faujïes R e l igions , la Mahometal,
e eS la plus dangerenfe , parce qu'outre qu'elle
Halte beaucoup les f ens , elle eft d 'ai l leur s conforme
en pluieurs points an Chriftianifme. L e Maliometifme
ci l fondé fnr la connoilfanee du vrai
Dieu Créateur de toutes chofes , fur l'amour du
ptocliain, fur la propreté du corps , fur la vie
tiaiiquille. On y abhorre les Idoles , & leur culte
yell fcrupuleufement detfendu.
».Mahomet nâquit idolâtre parmi les Arabes en
Î7C. il étoit naturellement plein de bon fens ; à
Dieu ne plaife que je veuille ici faire fon éloge,
niais je ne fçanrois m'empécTier de le rega'rder
tomme un génie fuperieur, & d'admirer que fans
lefeeoursde la G r a c e , cet homme ait pu revenir
de l'idolâtrie. O n dit que Sergius, Moine N e -
fioticn éehappé de Conftantinople, avoir contiibud
à le défabufer des erreurs du Paganifme,
mais Mahome t n'avoir pas lailTé de fecouer un li
imi préjugé , & d'ouvrir les yeux pour tâcher
Redécouvrir la vérité.
H paroît par l 'Al c o r a n , que ces deux hommes
ont tiré de l 'Ecr i tur e fainte ce qu'ils ont propofé
de meilleur: mais comme dans leur temps il y
avoiten Arabie beaucoup plus de Juifs que de
Ciitêliens , ils s'attacherent moins au Nouveau
Tedament qu'à l'Ancien , afin d'engager les
Jnifs dans leur fef le, fans .en trop éloigner les
Chrétiens. Si Mahomet n'avoit pas eu la fol i e de
raoloir palfer pour l 'Envoyé de Dieu, fa Rel igion
ii'eûtgueresdilferé du Socinianifme; mais il vouai
jouer un rôle extraordinaire en faifant croire
qu'il avoit commerce avec les Etres fuperieurs.
Comme il n'avoit ni mi l l ion, ni l e don des mirafc,
il fut obligé pour établir fon fyftême , de
lonidreaux lumieres de la raifon, lapolitiuue&
l> fourberie. Ses cnthouiîafmes, ou feints, ou
aurez parl'epilepfie , perfuadérent à la mnltitu-
" " 'il étoit infiniment au-deffus des autres hom-
, & qu'il étoit infpiré du Ciel . Sa femme &
fes amis difoient tout haut qu'il étoit l'interprète
du Seigneur, & qu'il n'étoit venu au monde que
pour aiinoneer fes ordres : le pigeon que l'on
foit dreffi à voltiger au-deffus de fa tête ne fert
pas peu à appuyer le myftere ; & cet oifeau
tïailTatiïe de Mahomet,
paffoit pour l'Ange Gabriel qui venoit parler à
l ' o r e i l l e de l'Envoyé.
P o u r ne pas trop effaroucher les Idolâtres, i!
n e voulut paroître ni Jui f , ni Chrétien ; & pour
m e n a g e r les Juifs & les Chrétiens , il adopta une
partie de la croyance des uns & des autres. Il enf
e i g n a qti'il y avoir trois fortes de Loi écrite,
c o m m u n i q u é e s aux hommes par le Seigneur, &
dans lefquelles 011 pouvoir fcfanver ; parce qu'ell
e s ordonnent de croire en un fenl Dieu Createut
& Juge de tous les hommes. La premiere Loi ,
d i f o i t - i l , ftit donnée à M o y f e j mais c omme elle
e'toit trop gênante, peu degens ponvoient l'acc
o m p l i r exaftemenr. L a feconde eft cel l e d e j e f t s -
C h r i f t , laquelle , quoi -que remplie de grace , eft:
e n c o r e bien plus difficile à obferver, par rapport
a fon oppofition à la nature corrompue. C'eftp
o n r q u o i , condnuoit-il, le Seigneur qui eft plein
de mifericorde, vous envoyé par mon miniftere
u n e Loi facile & proportionnée à vos foibleffes ,
a f in qu'en la fuivant exaâcmem , chacun de
v o u s puiffe f e rendre heureux en ce m ond e & en
l ' a u t r e .
C o m m e je ne connois pas l e géni e de lalangnè
A r a b e , m fes délicateflTes, l'Alcoran me femble
u n livre mal compofé, qui parmi de bonnes chof
e s contient une infinité de contes puériles & friv
o l e s ; quoique cependant l'exercice de la Relig
i o n Mahometane, à quelques bagatelles près quf
regardent le f o in que chacun doit prendre de fon
corps , paroiftê beaucoup mieux entendu. Penté
t r e que pour fe rendre maître de l'imagination
des Idolâtres , frappée des figures de bois & dé
p i e r r e , Mahomet crût qu'il étoit-nécelTairedeles
flatter par des images agréables de l'autre monde,
& que pour les approcher de la rai fon, il falloit
entrer dans leur goût , en faifant efperer des plailirs
fenfuels après la m o n , à des gens qui pendant
leur vie n'en avoient pas c o n n u d'autres. Ce livre,
t e l qu'il eft, renferme toutes les Loi s Ecclelîaftiques
& Civiles des Mahometans, & il leur apprend
tout ce qu'ils doivent croire & pratiquer.
I l s n'oferoient l'ouvrir fans l'avoir porté for la
t ê t e , ce qui eft parmi eux la plus grande maraue
d e vénération qu'ils puiiTent donner ; & leur
p r i n c i p a l e occupation eft de le lire , fuivant le
précepte qui dit: Auachez-mus fotiietit ilnltSi:-
re dît lime qui vùns a été envoyé , ^ piez iuccffamml,
farce pte l'ermfin diurne dufid'é. Ill
í b n t
' I I I