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l ï i V O Y
amis , (car c'ctoit là le complîincnt ordinaire)
H nous fit nffûrcr qu'il parloit bien la langue des
Curdes; qu'il trotiveroit de fes amis dans les montagnes
où nous allions , & que nous n'avions
rien à craindre étant aecompagnci de l'Evëque &
de lui. Nous entrâmes dans de belles vallées, où
1 tuphr a t e ferpente parmi des Plantes merveilleuf
e s , & nous filmes eîiarmcï d'y trouver cette belle
e f p e c c d e Pimprcxlk i fltur rouge , qni fait un
des principaux ornemeus des jardms de Paris, &
<jue l'on a apportée depuis long-temps de Canada
e n France. Ce qui nous fit plus de plailir , c'ell
«¡ne les plantes y étoient avancées , & nous nous
flatious de les trouver en bon état dans les montagnes
; mais à mefure que nous montions ,
nous ne découvrions que peloufe & neige. Les
forêts en font bannies pour le relie des fiécles
cependant le payfage ell agréable, & les railfcaux
qui tombent de tons côtcz font un fpcftacle divertiffant.
On voit j e ne fça! combien de fontaines
fur le haut de ces montagnes ; les nues coulent
tout lîmplement , les autres bouillonnent
dans de petits bafilns bordel de gazon. Nous choilîmes
un des plus jolis gaions pour e'tendre nôtre
nappe , & pour nous dclalTer avec du vin du
Mouailere qui valoit mieui que tout le vin d'Erzeron.
Là revenus de la peur que ce nom de
Curdes n'avoir pas laiflï d'exciter en nous, nous
puilîous à pleines taiTes dans les fources de l'Euphtate
, dont nôtre neSar temperoit la fraîcheur
eiceflive.
Il n'y avoit qu'une chofc qui tronbloit nos
îtinocens plaifirs , c'ell que de temps en temps
nous voyions venir à nous certains députez des
Curdes , qui s'avançoient à cheval la hmce eu
arrêt pour s'informer quelles gens nous étions
J e ne fçai même fi la peur ou le vin n'en faifoit
pas paroitre dens pour un , car à mefure que la
peur s'emparoit de nôtre ame, il falloir bien
avoir recours an cordial. S'il eft permis de boire
un peu plus qu'a l'ordinaire c'eft eu pareille renc
o n t r e , car fans cette précaution l'eau de l'Euphrate
auroit achevé de glacer nos feus. Enfin
comm.e il nous fembla que la dépuration augmentoit
à vue d'oeil, l'Evéque & le vieillard s ' t
vaucérent à quelqties pas , nous faifaus ligne de
]a main de relier où nous étions. Nous fûmes ravis
d'être difpenfei d'aller faire la reverence I KS
députez. Après les premiers complimens , qui
n e furent pas bien longs , ils s'avancèrent tous
cnlemble vers nous., & commencèrent à raifoniier
fort gravement fur je ne fçai quelle matiere.
t o m m e les gens qni craignent s'imaginent toûjonrs.
qu'on parle d'eux , & que d'ailleurs les
Curdes. nous honoroient de temps en temps de
leurs regards , nous afleaions auOE beaucoup de
gravite ¡^ & ne doutant pas que l'Evêque ne leur
A g e
dît que nous cherdiions des Plantes , nous jm.f
ms celles qui étoient fous nos yeux & faiSoJ,'
femblant de difconrir à leur fnji
nous parlions de la trifte fituatii
trouvions, & i,.-,us nous expliquions en mm
litin de peur que nos Interprétés qui éteia,,
S o f t " ' -i«!!.
L a conférence de l'Evêque & des Curdes ne liif.
foit pas de nous inquicttet pat fi longueur. 1[,
avoit bien loin de là au Monaflere ptnir fe rai i
accomumcz aiaire des Eunuques , Il auroieiu poiii
eù envie de nous mctamorphofer ainl!, dans l',f,
perance de nous vendre mieux ? Nous fû
peu ralfurez quand nôtre Drogmau Armiiiiffl
vint, no'js dire que les Curdes avoient donné u,
fromage a l'Evêque, En même temps le vieill,,
s'avança pour prendre un flacon d'eau de vieqfl
leur prefenta. Non.s fîmes demander à cel
homme de quoi il s'agiffoit, il répondit en fi,,
riant que les Curdes croient de méchantes geis
mais que nous n'avions rien à craindre; que]',,!
cieiine amitié qni é:oit entre eux , & la venératioj
qu'ils avoient pour l'Evêque , nous mettroiein i
couvert de tout. En effet après qu'ils entent bi
l'eau de vie, ils fe retirèrent & l'Evêque rcvinr
a nous, avec un yifigc fort gay. Nous ne manflui.
mes pas de le taire remercier de Kins les Ciinsqii'il
s etoit donné pour nous garentir des infultcs de
ces loups ravilfans , & nous continuâmes à fiire
nos oblervations fur les plantes. Il y en a de fin
belles autour de ces fources. Leur concours fiiili
branche de l'Euphrate , que nous- avions preftit
toujours fnivie depuis le Monaftere , & qui vi
pafler à Elija. Ony prend des Trui tes avec la imiii,
dont nous fîmes, grande chere tout le jour, nui!
nous les trouvâmes fi molles le lendemain , qit
lions n'en voulûmes pas goûter, Jufques-là iioiii
ruines bien contens de nôtre journée Nous lîmes
Dans le f„„j
ou nou
demander à l'Evêque s'il ne feroit pas poilb
l e d aller voir l'autre branche de l'Euphrate laquelle
va fe joindre à la premiere , à Mcrmm-
« » î II nous dit en riant qn'il ne connoillbit pis
les Curdes de ce quartier-là, & que nous n'vï«-
rions que des fources femblables à celles qnelioii!
venions de quitter. Nous le remerciâmes trèshumblement
, mais il auroit bien pû fe difpenfcr
de nous jetter dans de nouveaux embarras.
Ce bon homme , par honnêteté comme nous
le jugeâmes par la fuite s'avifa d'aller faire fa
adieux aux Curdes, & de leur diftribuer les rcttei
de nôtre eau de vie , nous aurions fort appronïi
fon procédé fi nous n'avions pas été de la partit,
& qu'il n'elSt pas f.tllu s'approcher de lents pavillons.
Ce font de grandes tentes d'une efpeeede
drap brun foncé , fort épais & fort groffier qui
ftft
D U L E V A N T , LMri XVIII.
de couvert à ces fortes de maifons portatives,
: l'enceinte, qui fait le corps du logis, eft un
ré long fermé par des treillis decanues delà
bautenr d'uii homme, tapiiFez eu dedans de boniiis
nattes. Lorfqu'il faut déménager ils plient
Itur m.i!ibn comme un paravent, & la chargent
¡vec leurs ullencilles & leur eiifaiis fur des boeufs
ifur des vaciies. Ces eufans font prefque nuds
Jiiis le f roid, ils ne boivent que de l'eau de glac
e , ou du lait bouilli à la fumée des bonzes de
vache que l'on amaiTe avec beaucoup de foin ,
car autrement leur cuifiue feroit très-froide. Voila
comment les Curdes vivent en chalTant leurs
irnupeaiix de montagne en montagne. Ils s'arrêleiit
aux bous pâturages , mais il faut en décamp.:
r au commencement d'Odobre & paiTer dans le
Curdiilan ou dans la Mefopotamie. Les hommes
font bien montez & prennent grand foin de leurs
clievaux; ils n'ont que des lances pour armes. Les
finîmes vont , partie fur des- chevaux , partie fur
des boeufs. Nous vîmes fortir une troupe de ces
ientpour voir l'Evêque, & fur
is pour des Ours que l'onme-
Iques-unes avoient une bague
des narines; on nous allûra
iicées. Elles paroiilènt fortes
lies font fort laides,&ont
u certain air de ferociti
1 1 7
Froferpioes quivcnc
itnous qui paffioi
[I promener. Qii,
m leur perçoit mv
qucc'étoientdcsFia
igoureufes , mais t
im la phifionomie un cer
Elles ont les yCux peu ouve:
mement fendue, les cheveu)
• teint farineux & couperofé,
Nous voici pourtant , fans y penfer.
¿'érudition. Qui le croiroi t , Monfeignei
«s Froferpines &des Curdes ? La mon
ktlesfourcesde l'Euphrate doit être un
liions fcptentrionales da Taurus
Strabon ; & ce Mont Taurus avec fcs bri
fe Chênes occupe prefque toute l'Alie
bouche extrec
o m m e j a y , à
Géographe nommeleAi&wi/ir^ii
. - emen^ctlui
l'Euphrate. Les Anciens l'oi
en pays
r , parmi
agne où
; des difuivant
iichcs &
d'où fort l'Euphrate. Les Anciens l'ont appelle'
vwdes. Strabon s'explique s'explique plus plus clairement clairen
dans
autre endroi t , où où il il ditpofitivementque ditppfitivementqiv
l'Eu-
Ne&l'Araxes-fortenttousdeux Mont Abos,
iti eft une portion du Mont Taurus. Pline affûre
i^e l'Euphrate vient d'ane Province appelle'e la
" Ue dans la grande Armenie que Domitiiis
Corbulo, qui avoit été fur les lieux , appelle le
^^Ii! S a , & que Nut ianus , qui avoit fiuiîi vu ce
^ys-là, nomme CapoUs. Euliathe , fur Deiiys
^"iegete, la nomme Achos.
Mitridatc pafla par les fources de l'Euphrate
'^'enfuyant dans la Colchide , après avoir été
par Pompée, fl y a beaucoup d'apparence
ne t'aâion fe pafTa dans ia plaine d'Erzeron ; car
«deux branches de l'Euphrate dont on a parlé ,
, 'ent être appellees fes fources par les Hirto-
^ens, Procope n'a pas connû ces fources , il k s
fait fortir de la même montagne que cclIcs d
Tigre, Il y a , dit-il , une montagne en Armeni
à cinq milles & demi de Theodofiopolis , d'où for
' " uves ; celui qui paifcà droii
& l'autri •
que lesfc
deux cei
it deux grands fi-
'appeclle ll 'EÉuplh rati
étoient éloignées d
Ti g r , St r abon
rccs de ces rivieres
cinquante milles,
de deux mille cinq cens (lades. Pompée ,
comme dit Florus, fut le premier qui fit drelfer
un pont de batteaux fur l'Euphrate, dansletems
qu'il pourfiiivoit Mitridate. Ce fut apparemment
vers le coude que cette riviere fait après que fes
deux branches fe fout jointes à Mommacotuni.
Quelques années auparavant Lucullus avoit facrifié
un Taureau à cette fameufe Riviere pouren
obtenir un palfage favorable.
O n croit ordinairement qu'Erleron eft l'ancicnne
ville àc Thodojì^eìis, neautmoins lachof
e ne paroit pas trop allurée , fi ce n'eft. que l'onfuppofe,
comme cela fe peut , que les habitans
A'Artzt fe fuflént retirez à Theodofiopolis après
qu'on eut détruit leurs maifons, Cedren rapporte
que ions l'Empereur Conftantin Monomaque
ourut vers le milieu du onliétne fiecle,.
étoit un grand Bonrg plein de richeifes,
non feulement par les Marchand du pays-,,
A r t î e
habité
mais auffi par plulieurs autres Marchands ou Facteurs
Syriens , Arméniens, & autres de différentes
nations , qni comptant beaucoup fur leur
grand nombre &,fur leurs forces , ne voulurent
pas fe retirer avec leurs effets à Theodofiopolis
pendant les guerres que l'Empereur eilt avec les
Mahometans. Theodofiopolis étoit une grands
& pulifante ville qui paflbit pour imprenable
dans ce temps-là, & qui étoit fituée tout proche
d'Artze. Les Infidèles ne manquèrent pas d'aflàéger
ce Bourg ; les habitans fe défendirent vigouqm
femcnt pendant f : j o
toits de leurs maifons d'où
jetter des pierres & des fléchi
ral'des affiégeans , voyant I
ce & appréhendant que 1;
y fit mettre le feu de toai
riche butin à fa réputation
périt cent quarante mille
par le feu. Les maris ,
dans les fiâmes avec leur
fans. Abraham y trouva
ferrements que le feu n'a
fit fortir plufieurs chevs
Zonare raconte
deftruaion d'A
rètri
lelfo
Pia.
•.bin
Gedr.
f o
fe de 1;
de The
qn'Artz
en avon
crois qi
environ
fur les
ent de
Abraham Généopiniâtre
réfiftane
ne fût fecouruë,-
facrifiant nn fi
. aft^ûre qu'il y
¡mes, ou par le fer OU:
dit-il , fe précipitoient.
femmes & leurs enbeaucoup
d'or & des.
'Oit pù dévorer. Il en:
IX & autres bêtes de.
peu près la mêmechoe
, mais il ne parlepas.
idofiopolls. Cet Auteur aflTûre feulement
étoit fans muraille , & que fes habitans.
it fortifié les avenues avec du bois-, je,-
Is coufnméreut tout celui qui étoit aux,
:ar depuis ce temps-là refpece s'en eft;
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