
I J S V O Y A G E
1 ,
de noii"; , non« firent demander pourquoi nous
n'avions p-is des hubics à la fraiiquc, & des clupc.
uix. Nous îcur répondîmes qu^ nous venions
de Turquie où l'on clt fort mal reçu avec un pareil
équipage. Cela les fit rire. On nous prefenta
d'allez bon vin, & nous continuâmes nôtre
route encore pendant une hciiro audelà du village
, pour aller camper jafques au haut d'une
inontagnc couverte do Chinjs , d'0r»7i.-î.'/.v, de
FrctJis , de Sorbiers^ & de Cbarraes à gr.itzdes &
à petites feiiilies.
Nous nous flattions de paiTcr la nuit dans un
gîte aufiî agréable , mais nos voituriers nous en
iirem partir à onze heures du loir, ànous firent
traverler , pendant une nuit trcs-lbmbre , des
montagnes affreufcs. Dans la Îliilon des neiges
peu de gens rilquent cette route. Pour moi je
m'abandonnai entièrement à la conduite de mon
cheval , & je m'en trouvai beaucoup mieus que
lî j'avois voulu le conduire. Un automate qui
fuit naturellemenc les;loii de la Mecanique , le
tire bien mieux d'atïàire , dans ces occaiîons, que
le plus habile Mécanicien qui voudroit mettre en
uGîge les réglés qu'il a appriles dans foii cabinet,
fût-il de l'Académie Royale des Sciences. Enfin
nous nous trouvâmes fur les cinq heures du mat
i n , le 90. Juillet , dans une plaine auprès de
CaraksCis, chctif village far un petit ruiflcau. Là
nous fûmes les maîtres à nôtre tour , comme la
raifon le deraandoit , & nous obligeâmes nos
voituriers à s'arrêter pour avoir le plàiùr de dormir
; mais bon Dieu que ce plailir fut court ! le
démon de la Botanique qui nous agitoit nous
éveilla bien-tôt; nous nous repentîmes pourtant
d ' ê t r e reliez , car nous ne tlmcs pas grand_ butin
dans cette plaine. Le fleuve Zengui qui vient du
lac d'Erivan & qui va palfer par cette ville , y
f e r p i n t e ; mais il n'eft pas conlidérablc.
Nous partîmes le 51. Juillet à cinq heures du
m a t i n , pour traverfer des montagnesaffez agréables,
quoique fans arbres : aulîi commençâmesnous
à fentir la fumée des bouzcs de vaches en
approchant de Blfni, & cette odeur nous incommoda
fort dans un Couvent de Moines Arméniens
où nous dînâmes. Leur cour elt toute
pleine de cette belle efpecede Crejfon que Zanoni
a pris, fans raifon, pour la premicre efpece
de Thlafpi de Diofcoride. Ces bons Religieux
nous reçurent fort honnêtement, mais nous ne
trouvâmes pas chez eux les mêmes agrémens que
chez les Moines Grecs. Les Arméniens font plus
graves, & d'ailleurs nous n'avions pas le mot à
dire chez eux , au Heu que nous barragouVnions
quelque peu le Grec vulgaire chez les Caloyers,
dont la vivacité e(1 tout-à-fait réjouïlîantc. Le
Couvent de Bifni efl le mieux bâti que nous ayons ,
yû dans tous ces quartiers , il elt folide , & de j
bonnes pierres do taille. Les ruines qui font
environs, marquent qu'il y avoic autrefois ¿¡iê
ville conlidérablc , & quoique le village foit 0.
l i t , nous l'aurions pris p o u r ' , H'efoi
qu'il ell fur le fleuve Z^a^/«. Pour le Monailers
o n le croit de fopt ou huit cens ans de fondation
Nous en partîmes à midi , & palfâmes fur un^
autre montagne pour nous retirer encore dim
un Monadtrc d'Arméniens à- iagovai village pini
petit que Bifni., à l'entrée de la grande plaine de
Trois Eglifes, où. nous prétendions trouver
Paradis Terreftre.
O n partit à trois heures lé lendemain au ma
t i n , dans, l'impatience de voir, [ce fameux boïi
que les Arméniens vifitent avec plus dedevotio
que les Romipeics ne vilîtoient Rome dans |
temps de Rabelais. Les Trois Eglifes nefontqu',
ijx heures^ de chemin d'Yagovat. Les Arménien
appellent ce bourg hchniad^m , c'efl à dire
deficHis du Fils unique à. ce qu'on nous di,
parce qu'ils croyent que le Seigneur apparutàSaïc
Grégoire en ce lieu-ln. Nous n'en doutâmes pit;
car nous n'entendions pas un fcul mot d'Anne'
m'en vulgaire ni littéral. Quoique nous ne foi
lions- pas fort avancez dans- la connoiûancedelj
langue Turque , comme pourtant nous fçavi
compter jufques à dix , nous comprîmes tac .
ment que uich que (îgnifie trois joint à kl'4i
-mot corrompu' ¿'Ecclejia, devoit fignificr W
Eg/ifes y & c'ert le nom que les Turcs y ontdaj'
né ; mais ils dévoient plûtôt avoir ,appelle cc
bourg les Quatre Eglifes, puifqu'i! y en a qiuit;
qui paroilTent bâties depuis long-temps. Les Gravanes
y féjournent pour taire leurs dévotioss
c'efl à dire pour s'y conteiler , communier,5
pour recevoir la benedidtion du Patiiarche, Ci
Couvent eft compofé de quatre corps dclù-i
bâtis en manière de cloîtres, difpoléz fur e
quarré fort long, comme il eit ici gravé. Lcsc-'i
Iules des Religieux & les chambres que l'on do»
ne aux étrangers, font toutes de même figure
termiiîécs par un petit dôme en forme de Ciiloia'
dans la longueur de ces quatre cloîtres. Aie!
cette maifon doit être régardée comme un
Caravanferai où les Moines ont leur logeiiiciii
L'appartement du Patriarche , qui eil à droii^
en entrant dans la cour , eil un corps déliai
plus élevé & de plus belle apparence que les iw
très. Les Jardins en font agréables , bien cntti
tenus ; & généralement parlant les Perfaiis l'o^
bien plus habiles jardiniers que les Turcs.
Perfe on plante les arbres en allignement ; O;
ordonne aflez-bien les Parterres ; les compas
mens font d'un bon goût , & les plantes y fo"
difpofées & efpacées avec propreté ; au lieu f
tout elt en confufion chez les Turcs. L'enceim
des Jardins du Patriarche , de même que la pi'