
D U L E V A N T . Lettre V. 7 1
L E T T R E V.
ïï^ESCRî'PrîOU "DES ISLES "D'ANTITJROS, DE T JROS,
£ T DE NAXiE.
J . O N S E I G N Z U R , . . "
Quoique l'Automne foit une iàifon très-agréàblc
kms l'Ai-chipel, néanmoins le ciel, qui commen-
•oit à Te brouiller, fembloit nous menacer d'orales
& de tempêtes : c'eft ce que nous appréhendions
Mcore plus que toute autre avantnre ; & comme
les tempêtes fuivent ordinairement les changemens
ks ûilbns; la crainte des pluyes,.qui enXevant
j e manquent pas de tomber au commencement de
Septembre, nous fit faire plus de diligence que nous
u'euffions fait dans un autre temps. Nôtre deiTein
écûit de voir tout l'Archipel, s'il eût été poffible,
& depuis nôtre fortie de Gahdie, nous n'en avions
encore vû que quatre Ifles. Nous partîmes donc
Serpho pour Siphaiico, & nous nous embarquâmes
pour l'Ifle d'Antiparôs, laquelle en eft éloignée
de 18. milles.
a Aiuiparos eft un écueil de 16. milles de tour,
j j a t , bien cultivé, lequel produit aflcx d'orge pour
îioatrir 60. ou. 70; .familles enfermées dans un.méchant
village à un mille de la mer, & qui payent
700. éciis de taille réelle, & foo. écus de capitation,
quoique tout leur negoce ne confifte. qu'en
peu de vin & de coton. On y élit tous les ans deux
Conluls, quelquefois un feul à qui on donne dix
écus pour prendre le foin des affaires de l'Ifle.
Pour le fpirituel , elle dépend de l'Archevêque
Grec de Naxie; mais il a de très-mauvais parroilfieiis,
car la plupart des habitans del ' i i l e font des
Coriàires Fiançoi s & Maltois, qui nefontiii.Grecs
ni Lutins.
Le meilleur bien de l'Ifle appartient au Monaflié-
.e de Brici de Siphanto , d'où l'on envoye deux
Caloycrs pour faire la récolté : ce bien étoit d'un
revenu coiiliderable , avant que les Vénitiens en
eullènt brûlé les Oliviers ; mais ils n'épargnércnt
-as même les fabliéres des maifons pendant la
guerre de Candie, dans les lieux où leur fiote hivernoit.
A l'égard de la bonne chere , on ne la
coimoît pas dans Autiparos, fi ce n'eft en maigre;
•^ar la viande de boucherie y manque fouvent : un
l'y trouve ni lièvres, ni perdrix; mais feulement
'es lapins & des pigeons fauvages. L'épouvante
étoit fi grande lorfque nous y arrivâmes, qu'on
lavoit laiilé ni napes, ni ferviettes dans les maiions
: on avoit tout enterré à la campagne à lavûë
A nos , flAUrOS, Stefb. nAEAP02, Strai. Oiiade
l'armée Turque, qui éxigeoît la capitation. II
faut avouer que ,1e bâton des Turcs a de grandes
.vertus : toute une Iflc frémi t quand on parle de la
b baftonnade : les plus aifez n'ofciit p^u'oitrc que
dans une pofture fort humiliée , la tête couverted
' u n bonnet. craifeux ; & la plupart de ces malhcu'
r e u x , pour ne pas s'expofcr à une fi "rande honte,
f e retirent dans des cavernes. Les turcs, qui fe
doutent bien qu'on a' caché ce qu'il y a de meill
e u r dans le pays, foàt donner des coups de bâton
aux Officiers qui font^en charge, & cette ccremonie
dure jufques à ce que l'eurS femmes ayent apport
é leurs dorures & celles de leurs voifines. Dieu
fçait de quelles lamentations ces démarches font
accompagnées: bien fouvent lés T u r c s , après s'être
faifis des j o y a u x , mettent à la chaîne les maris., les •
f e m m e s , & les enfans. .
L e port d'Antipai'OS n'eft bon que pour des
barques & pour des tartanes ; mais- dans le milieu
d u canal, qui cfl: entre cette Ifle & celle de Paros,
l e . fond y efl fort proorc pour les plus gros vaiffeaux
:.,ce canal qui n'a qti'unanille de large entre
les écueils de Strongilo & Defpotico, fitucz un peu
à côté de fon ouverture, cft plein de plufieurs autres
petits écueils qui n'ont pas de nom.
C e t t e Ifle, quelque méprifable qu'elle paroiflè ,,
renferme une des plus belles chofes, qu'il y ait
peut-être dans la nature , & qui prouve une des
grandes veritez qu'il y ait dans la Phyfique, fça--
voir la vegetation des pierres. Nous voulûmes nous
en convaincre par nous-mêmes, & nous nous f î -
mes conduire fur les lieux pour y philofopher avec
plus de certitude. Cet endroit admirable eft à quatre
milles du village, à près d'un mille & demi de
la mer , à la vûë des Illes de Nio, de Sikino &
de Policandro , qui n'en font qu'à 3^-. ou 40.
milles. .
U n e caverne niftique fe prefcnte d'abord, large
d'environ 30. pas, voûtée en arc furbaiifé & fer- •
mée par une cour qui eft l 'ouvrage des bergers : ce
Heu ert partagé en deux par quelques piliers natur
e l s , fur le plus gros defquels, qui paroît coimne
une tour attachée au fommet de la caverne, on lit
une infcription fort ancienne & fort maltraitée :
e l le fait mention de quelques noms propres que les
gens du pays, par j e ne fçai quelle tradition, prennent
pour les noms des confpirateurs, qui en voulolent
à la vie d'Alexandre le Grand ; & qui après
a v o i c .
b La FalacluCi •