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lier lapartie, j s crois que nous aurions mieux fait.
pourquoi iMtcr contre un ûble li terrible & cont
r e line peloiife li courte que les mooions les plus
anamez n'y Içauroient hroutter? cependant le chagrin
V O Y A G E
de n'avoir pas tout vû nous auroit trop inquietei
dans la luite, & nous amions toûjoiirscrù
d'avoir manque les plus beaux eiiJroits. Il eft nature!
de fe llatter, dans ces fortes de recherches,
& de croire qu'il ne taut qu'un bon moment
pour découvrir quelque chofe d'extraordinaire &
qui deMommase de tout le temps perdu. D'ailleurs
cette neige qui fe prefentoit toujours devant nos
yeux, & qui fembloit s'approcher, quoiqu'elle
e n n i t t r e s - e l o i g n é e , avoit deijrallds artraits pour
n o u s , & nous fafcinoit continuellement lesyeus,
plus lions en approchions, moins cependant nous
découvrions de Plantes.
Pour éviter les fables qui nous fatiguoient liorn
b l e m e n t , nous tirâmes droit vers de grands rochers
entaffei les uns lur les autres, comme fi l'on
avoir mis Ojja fur Pil.on, pour parler le lan™«
d'Ovide. On paire au dcffous c omme au travers dîs
c a v c r n ç s , & l ' o n y c l t ii l'abri des injures dutems,
excepté du rroid ; nous nous en appercûmes bien,
mais ce froid adoucit un peu l'altération où nous
étions. Il fallut en déloger bien-tôt , de peur d'y
gagner la pleurelie; nous tombSines enfuitedansun
chemin très-fatiguant , c'étoient des pierres femblables
aux moilons que l'on employe à Paris pour
la maçonnerie, & nous étions contraints de fan
ter d'un pave fur l'autre. Cet exercice nous paroilloit
très-incommode, & nous ne pouvions
nous enipicher de rire de nous voir obligez à
faire un h mauvais manège; mais franchement
on ne noit que du bout des dents. N'en pouvant
plus je commençai le premier à me repofer , cela
lervit de prétexte à la compagnie poui: eu faire
Comme la converfation fe renoueq
i n d o n e f t
nffis, l'un parloit des Tigres qui fe promenoii
nenoient
fort tranquillement , ou qui fe jouoient nt à à ii
une
dillance allez raiionnable de nous. Un autre
fe
plaiguoit quefes eaux nepaffoient pas, & qu'il
pouvoir plus refpirer. Pournioije n'ai jamais tant
appréhendé que quelque vailleau limphatique ne
f e cailât dans mon corps. Enfin parmi tous ces
petits contes avec iefquels nous tâchions de nous
a m u f e r , & qui fembloieut nous donner de nouvelles
forces, nous arrivâmes fur le midi dans un
endroit plus réjouïllant , car il nous fembloit que
nous allions prendre la neige avec les dents. Nôtre
joyc ne fm pas longue , c'étoit une crétc de
rocher qui nous déroboit la veue d'un terrein
éloigné de la neige, de plus de deux heures de
chemin , & ce terrein nons parut d'un nouveau
genre de pavé. Cen'étoient pas de petits cailloux,
mais de ces petits éclats de pierres que la gelée
fait brifcr & dont la vivc-arite coupe comme cel
le de la pierre à fuCl. Nos Guides d i f o i ^ qt" :
et,lient nnds pieds, & que nous ferionsbien-tô dè
meme, qrfil le faifoit tard , & que nous nous»
drions indubitablement pendant la nuit, ou q S
moins nous nous caffetions le col dans les îeiie
bres 11 mieux n'aimions nous repofer pour fer".
tees. Apres avoir jétté les yeux fur nos montres
qui étoient tort bien réglées, nousalfûrâmesno
(luides que nous ne palferions pas au delà d'an
tas de neige que nous leur montrâmes, &q„ine
paroiffoit gneres plus grand qu'un gâteau; n «
quand nous y fûmes arrivez nous y en trot vamm
plus qu'il n'en falloir pour nous ralraîeWr càt
tas avoit plus de ,0. pas de diametre Chacun en
•-•ngea tant & fi peu ^qn' i l j-oulut , & d'un commun
confet
plus loin. Cette ......
d'épaiileur; & comme
nous en pilâmes un grc
pliines nôtre bouteille.
d'he
comme
t réfolu qu'on n'iroit pas
avoit plus de quatre pieds
ille étoit toute criftalifee,
' "oi^n"
combien- la "neige" fonifie quand mT'm"„°gc'
Quelque temps après on fent dans l'ellomac t S
chaleur pareille à celle que l'on fent dans lès
quand on l'y a tenue un demi qnatt
, & bien loin d'avoir des tranchées,
la plufpart des gens fe l'imaginent oii
en a le ventre tout
donc avec une vigne
accompli nôtre voeu
faire que de nous ret
Comme un bonh
de quelq
" " c Pfiit'
de pierres. Nous y courûmes tous
tréfor , & certainement la découvi
plaifir C'étoit rnie efpece admirable de /^craique
infolé. Nous defcendîmt!
t admirable , ravis d'avoir
& de n'avoir plus rien à
er au Monaftere.
ir eft ordinairement ftiïi
re, je nefçai commentj'apperçeûs
rdure qui briiloit parmi ces débris
afcudk ic TeUfhiura , à laquelle nous ne
ne fut pas de longue d
dans des fables qui com
à
lus fit
& qu
preir
outri
y
lient pour le
Quand ne
ufqi
que nous i
parce qu'il falloit
nir fur les bords d
de voir de plus près. C'eft
qne celle de cet abîme, & D
fon de dire que ces fortes de li
grandeur du Seigneur. Oi
vigueur préteiidui;
rée. Nous retombâmes
oient le dos de l'abîme
•ins auffiflcheuxqueles
voulions gliffer, nons
a la moitié du corps,
illions pas le bon ch^.
Jurner fur la gauche pon
l'abîme q -- - • •
cher de frémir quand on le de'cou
fouh.
le etFroyabh
vid avoit bie
ux montroii
poi
•oit
mpe-
& la
D U L E V A N T ,
t5te touriioit pour peu qu'on voulût en examiner
les horribles précipices. Les cris d'une infinité
de Corneilles qui volent inceiliimment de l'un à
l'autre côté, ont quelque chofe d'eft'rayant. On
n'a qu'à s'imaginer une des plus hautes iVIontagiies
du monde , qui n'ouvre fou fein que pour
faire voir le Ipedlacle le plus atfreux qu'on puiffe
fe réprefel Tous ces précipices f ont taillez
à plomb ,
& les extréir Ib
hériffée
noirâtres
s i
fottoit quel
c fu:
qui les falî
il I
debo ••
tes midi nous nous
us ne pouvions pas
mais il fallut faire
les noms de Marfort
p.
les fil heures
trouvâmes très épuifez , & i
mettre un pied devant l'autri
de uéceflîté vertu , & mérit
t f , ie U Botamque.
Nous nous aperceûmes d'un endroit couvert de
peluufe, dont la pente paroiifoit propre à favorifer
nôtre defcente, c'eft-à-dire, le chemin qu'avoit
tenu Noé pour aller au bas de la Montagne.
Nous y courûmes avec emprelTement, on s'y repofa
; on y trouva même plus de Plantes qu'on
u'avoit fait pendant toute la journée ; & ce qui
nous fit plaifir , c'eft que nos Guides nous firent
voir de là , quoique de fort loin , le Monafiere
où nous devions aller nous défalterer. Je lailTe à
deviner de quelle voiture Noé fe fervit pour defcendre
, lui qui pouvoir monter fur tant de fortes
d 'animaux, puifqu'il les avoit tous à fa fuite.
Nnus nous laiil'âmes glilTer fur le dos pendant plus
d'une heure fur ce tapis vert ; nous avancions chemin
fort agréablement, & nous allions pl
de cette façon - là que fi non
fetvir de nos jambes. La nui
comme d'éperons poi
ulu
f o i f n
fai
On continua donc à glifler autant que le t.
le permit ; & quand nous rencontrions des cailloux
qui meurtrilloient nos épaules , nous gliffioiis
fur le ventre, ou nous marchions à reculons
à quatre pattes. Peu à peu nous nous rendîmes
m Monaf tere , mais fi étourdis de coups & fi fatijiiiez
de ces alleûres , que nous ne pouvions
teinuer ni bras ni jambes. Nons trouvâmes ailcz
bonne compagnie dans ce Monaftere , dont les
portes font ouvertes à tout le monde , faute de
liittans pour les fermer. C'étoient des gens du
village qui s'y étoient venus promener j ils étoient
fur leur départ & malheureufement pour nous ils
" ' • • • Il fallut donc envoy,
ruiireau, i
que nôtr
de
bouteill
IX pir
n'avions pour
; de cuir qu
Quel fupplic
uften-
: tel
lin de nos Gnides fur qui le fort tmiiba pot
'et remplir !• Il eut à 1:
pteinier, mais perfo
ir ce-
- l'al-
; le plailir
paya bien cher, ladefce du Monaftei
feau étant de près d'un quart de lieue perpendicu'
Lettre X I X .
ihemin ft
' J t
•tiieriiK. On peut juger de là
•e agréable. Il faut demi hcnte
de temps pour ce ige , & la premiere bouteille
fut prefque beûi
parut du nedar ; il fallut donc attendre encore "demi
heure pour en avoir autant : Quelle mifere !
Nous montâmes à cheval pendant la nuit pour
aller au village chercher du pain & du vin, car
après ce manège nous avions le ventre alfez vuid
e ; nous n'y arrivâmes que fur le minuit, & celui
qui gardoit la clef de l'Eglife où nons devions
fouper ik coucher, dormoit tout à fou aife à l'autre
bout du village. On fut trop heureux , à cette
heure-là, de pouvoir trouver du pain du vin.
Après ce leger repas nous ne laiflâmes pas de
dormir d'un profond fomineil , finis réve , fans
inquiétude , fans indigeftion, & mime fans fentir
les piqueures des confins.
Le lendemain 12. Août nous partîmes d'Acourlou
à fix heures du matin , pour retourner aux
Trois Eglifes , où nous n'arrivâmes- que le 13.
après avoir paffé l'Arase à gué ; ce qui nous fît
perdre bien du temps , car cette riviere eft connue
pour-indocile depuis le liecle d'Augnile ; elle eft
trop rapide pour fouiFrir des Ponts , & autrefois
elle a renverfé ceux que les Maîtres du monde y
avoientfait conftruire. Cet Araxe, fur les bords
duquel on a vû les plus fameux Conquerans de
l'antiquité, Xerxés, Alexandre, Lucullus, Pomp
é e , Mithridate, Antoine ; cet Arase, dis-je, féparoit
l'Arménie du pays des M-'des , ainfi les
Trois EglifesSErivan fe trouvent dans laMedie.
Les anciens Auteurs font venir, avec raifon ,cette
riviere de ces fameufes Montagnes où l'Euphrate
a fes fources , car nous la trouvâmes à Af -
faiicalé proche d'Etzeron d'où l'Euphraten'eft pas
éloigné, commenous l'avons remarquéplus haut.
Les Géographes qui difent que l'Arase coule da
Mont Ararat , fe trompent fort ; ils ont pris le
ruilTeau d'Acourlon pour l'Aras , lequel eft plus
large entre le Mont Ararat à Erivan , que la
Seine ne l'eft à Paris.
L e 14. Août nons féjournâmes aux Troi s Eglifes
pour y attendre fix chevaux que nous avions
envoyé chercher à Erivan . dans le deffein de nous
en retourner à Cars Nous eûmes le chagrin de
partir fans compagnie , car toutes les Caravanes
qui étoient aux Trois Eglifes alloient à Tauris ,
& quelqu'honiiêtes gens que foient les Perfans,
nons ap,rehendions fort leurs frontières , & fur
tout le voilinage de Cars. Il tomba ce jonr-là tant
de neige fur le Mont Ararat, que fon petit fommet
en étoit tout blanc. Nous rendîmes graces
au Seigneur d'en être revenus, car peut-être que
nous nous ferions perdus, ou que nous ferions
morts de faim fur cette Montagne. On partit le
lendemain à fii heures du matin , & nous marchâ