
D U L E V A N T . Lettre VI. 8 7
rorfaires ou des Bandits, oblige à s'enfuir dans les
rochers à l'approche du moindre bateau. On envove
du bifcuic à ces bergers tous les uois mois : à
oe i i i e trouvait-ils de l'eau dans cette Ille, qui eit
Lircaiit fertile en belles plantes & couverte de
Leutifques, de Kermes., de Cilles. Elle appartient
à la communauté d'Amorgos.
Comme le mauvais temps nous retint à Stenofa
plus qne nous ne croyions, & que nos proviÇons
coiiiiueiiçoient à manquer , nous fûmes réduits à
ftire du potage avec des limaçons de mer, & nous
eûmes allez, de temps pour les- dillêquer : ils valent
beaucoup mieux, que les yeux de bouc, lî on les
miinge cruds, & font prefe'rables aux limaçons de
terre, fi on les fait bouillir dans l'eau ; ce fitt le
ffiul ragoût que cette Ifle nous fournit ; car nous
n'avions ni filets, ni hameçons pour pêcher, & les
bergers nous prenant pour des bandits , n'oièrent
de&udre de leurs rochers, quoique nos matelots,
qui ne fçavoieut où trouver de l'eau douce, eulfent
ai'boi'é tous les guenillons blancs qui étoient dans
le bateau, pour leur faire connoître que nous
étions gens de paix.
Les limaçons de mer font de même genre que
ceux de nos jardins ; lem- coquille cil à peu près
dcmémeforme & de même groffeur, mais elle a
près d'une ligne d'épaiiTeur : c'eft une nacre luifante
Cil dedans, le dehors ell le plus fouvent couvert
d'ime écorce tartarcufe & grifâtre, fous laquelle la
nncre cft marbrée de taches noires difpofées comme
cil échiquier : il s'en trouve quelques-mies i-ms
écorcc, à fond rouiîàti-e & à taches noirâtres : la
fpirc cil plus pointue que celle des limaçons ordinaires;
ce poiffon qui eft long-tonips hors de l'eau,
fepromene fur les rochers & tire fes cornes tout
comme le limaçon de terre ; elles font minces,
longues de cinq ou Jlx lignes, compofées de fibres
longitudinales à deux plans extenies & internes,
entrecoupées de quelques anneaux ou mufcles annulaires
: c'eft par le jeu de ces libres que ces cornes
rentrent ou fortent au gré de l'animal ; le devant
de ce limaçon eft un gros mufcle ou plaftron,
coupé en deiTous en manière de langue , vers la
racine de laquelle eft attaché le fermoir; ce fermoir
eft line lame ronde, mince conuTie une écaille de
fsrpe , luifante, fouple, large de quatre lignes,
roulîatre, marquée de plnfieurs cercles concentriques
: le plaftron eft !î attaché par fa racine contre
la coquille, que l'animal n'en fçauroit fortir qu'après
qu'on Ta fait bouillir ; on le tire alors tout
entier, & l'on apperçoit que- cette racine eu fe
courbant s'applique fortement au tournant du li-
®iiçon : dans fa fuiface intérieure , le plnQron
qui e(l creufé en gouttière , foûtient les vifceres
ûe l'animal enfermez dans une efpéce de bourfe
touriiée en tirebourre, où aboutit le conduit de la
couche.
L'ille de StenoCi ne meriteroit pas qu'on en fît
*rT*RMtCA incana, pinniilis cùilatU. Coioll. In'flitiit. Rci
mention fans quelques plantes rares qu'elle produit
, & fur tout une efpéce de a Ptarmka que
nous n'avons point vue autre part dans nôtre rou- •
te : cette plante cft li rare que je ne fçaurois
m'empccher d'en donner ici la figure & la defcription.
Sa racine eft ligneufe , grifôtre vers le collet,
épaiife de 3. ou 4. lignes, accompagnées de fibres
rouilâtres, longues d'environ demi pied , tortues
& chevelues : elle pouffe pluiieurs têtes, d'où naiffent
en foule des feuilles très-blanches, longues de
deux pouces &<lcmi, fur la côte dcfquelles font
rangées tantôt alternativement, & tantôt par paires
, d'autres feuilles de deux ou trois-lignes de.
long, fur une ligne & demie de large , découpées
en manière de crête de coq, cotoneufes, blanches,
aromatiques, ameres ; de ces îêtes naiffent des tiges
hautes de neuf ou dix pouces, épailTcs d'une
ligne, cotoneuiès aufîî, blanches, garnies de qiielques
feuilles femblables aux inférieures, mais plus
petites ;. chacune de ces tiges cft terminée par un
bouquet, large d'un pouce & plat eu deiîus, compofé
de plufieurs fleurs fort ferrées les unes contre
les autres, foûtenuc's par des-queues inégales ; le
calice de ces fleurs eft long de deux lignes, fur une
ligne de large à plûlleurs écailles, blanches, velues,
pointues, lefquelles embraffent des fleurons & des
demi fleurons à la manière ordinaire : les fleurons
font jaune-pâle, découpez a j-. pointes; les demi
fleurons font de même couleur, larges d'une ligne.
Toutes ces pièces font portées fur des embryons,
lefquels dans la fuite deviennent des graines plates,
longues de demi ligue, un peu plus étroites, bruines,
avec une bordure blanchâtre, feparées entr'elles
par de petites feuilles membraneulés, plièes en
gouttière. "
Cette belle plante nous confola de l'ennui que
nous avoit caufé le trifte féjour de Stenofa. Le
vaid du Nord nous fit abandonner une fécondé
fois le deifein d'aller à Patmos. Pourquoi lutter
contre Eole; il nous jetta du côté d'Amorgos,
iûe qui mérité bien l'attention des voyageurs ;
mais comme la mor étoitl grolTe , nous rélàchames
à Nicouria roche cicarpée à un raille d'Amorgos.
ISÎICOURIA eft un bloc de mïirbre au milieu
de la mer peu élevé, mais d'environ cinq milles de
tour , fur lequel on ne voit que des chèvres affe-i
maigres, & des perdrix rouges d'une beauté furprenante
, qui nous dédominagerent de la mauvaife
chere que nous avions faite à Stenofa : nos Grecs
en iirent un grand carnage ; quelques fechcs &
coriaces qu'elles'itiiErnt, elles nous parurent aufll
dclicieufss que eell'es du Perigord. Far rapport aux
plantes nous ne fîmes pas ^ande fortune fur cet
écueil : en voici pourtant deux qui ne font pas décrites
^ quoi-<]u'oiles uaiilènc dans quelques autres
l i k s de la Grèce.
b«b. 37.
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