
34- V O Y
habit ne marque point la taille , qui ert pourtant,
c e qu'elles ont de plus beau. Cet habit eft trèsiimple
: c'eft une jupe de drap rouge, tirant fur le
gril'deliii , fort plillee, fufpenduc fur les épaules
par deux gros cordons, & qui leur laiilc le fein
tout découvert.. Les Dames de l'Archipel portent
des caleçons : les Candiotes n'ont que la chemife
fous leur jupe leur coiffure eft de la même iimplicité
: elles couvrent leur céte d'un voile blanc ,
qm_ tombe d'aliez, bonne grace fur leurs épaules :
d'ailleurs ces Dames font fort mai propres. On
voit fort peu de Turques dans les rues , encore ontelles
le vifage couvert, & font toutes envelopées
dans une veite de drap. Les Juives paroilfent allez,
ragoûtantes. Les Négrelfes font les plus, laides
femmes de l'IiTe.
Il n'y a pas de gens au monde plus familiers que
les Grecs ; par tout où nous paiCons, ils venoient
f e mêler parmi nous, femmes, iilles , garçons ,
vieillards ; on examinoit nos habits, nôtre linge,
nos chapeaux; tout le village s'alfembloit, partie autour
de nous, partie fur les terralfes. Ce n'étoit
p;is pour !
mains ; m;
•Ycrfi p our
tagne
l i t i 1
ous infukcr , ce font de fort bons huis
comme nous prenions fouvent la traaller
chercher nos plantes dans les mon-
' on n'a jamais vû d'étrangers, la curiô-
? lesportoit à nous venir voir. Après avoir bien
confideré nôtre équipage, on commencoit à rire :
eux de nos manières & de nos habits, nous de
leur fotife. Tout cela fepaifoit dans les rues, tandis
que nos guides étoient occupez à nous chercher
un gîte : le gîte trouvé nous commencions à
marcher , efcorteî de la moitié du village : ordinairement
on faifoit une ftation devant la porte
de la maifon, pour attendre qu-on eût diffipé la fum
é e , & qu'on eût chaiïe les mouches, les.couiîns,
les punaifes, les puces, & les fourmis.
^ O n profitoit de ce temps-là pour les confultations
: les malades étoient porte?, au milieu de la
rué, de même que.du temps d'Hippocrate, Nous
iious fervions fouvent des premières plantes qui fe
préfentoiènt, & lorfque le befoin le demandoit,
nous- leur faifibns préfent de quelque vomitif pour
emporter-le levain des maladies les plus fâcheufes :
le plus fouvent c'étoit à des Grecs. Onménageoit
beaucoup les Mufulmans, fur tout dans les lieux
par où. nous prévoyions d'être obligez de repallèr.
Qui fçait s'il ne leur auroit pas pris envié de nous
donner la baftonade, ii nos remedes leseuilenttrop
fatiguez ? l'exemple du Pacha de Candie nous avoit
frappé, & nous n'aurions pû en ce cas-là recomziiencer
nos travaux de iix femaines. Sur les terres
des Tur c s on applique fort gravement les-coups
de bâton fous la plante des pieds ; ils les comptent
avec les grains de leur chapelets, & fans s" '
mer de quelle faculté l'on eli, ils vous régal nforli
...
core, fouvent de. quelques coups de bâton fur les
i^aules.
grave ÌI
a tous nio. 1
en criant, \
s la-
A G E
Quoique nous euffions laiifé nôtre ;
Paris, on ne lailîoit pas de nous fatiguer
mens : on couroit après nous en foule,
a Médecins , donnez-nous qnelq.ues flaMes
nos maux. Si nous reftions fur les grands chemins I
pour en décrire ou pour en deffiner quelqu'une oal
nous amenoit auilltôt des enfans ou des vieillards!
miüades : nous leur donnions des remèdes & des I
avis avec piaiiîr ; ce qui nous faifoit perdre bien du I
temps : mais ouu-e la confolation que nous avions I
de faire du bien, nous profitions de ces occafions I
pour apprendre les noms vulgaires des plantes qui I
fe prelentoient. Je regardois le cerveau de cesf
pauvres Grecs, comme autant d'infcriptions \
tes, lefquelles fervent à nous conferver les noms |
citez par Théopiirafte & par Diofcoride ; quoique I
fujettes à diverfes altérations, elles dureront Gins F
doute plus long-temps que les marbres les phis l
durs, parce qu'elles fe renouvellent tous les jours,.!
au lieu que les marbres s'eftacent ou fe détruifent. |
Ainii ces fortes d'infcriptions confcrveront dans les 1
iîécles à venir, les noms de plufieurs plantes con- [
nues de ces habiles Grecs, qui vivoient dans des |
temps plus fçavans & plus hei
apris de cette manière plus de foo. decesnomsviil-1
gaires, qui par leur rapport avec les noms au' , _
décident fouvent des plantes les plus familières aux I
premiers Botaniftes.
C'étoit principalement aux Papas & auxCaloyers |
que nous nous adreffions pour cela: nous les regar-l
dions comme defcendans en ligne droite de ces fages
Curetes, qui renfermoient dans leur tête toute!
la fcience de leur temps : ceux-ci pourtant foi
francs ignorans, qui fçavent un peu mieux fe met-1
tre à leur aife que leurs voifins ; auflî poifédent-ils 1
le plus, beau & le meilleur bien de l'Iile. S'il y n i
un bon fond, une plaine fertile, de beauxOli\'
des Vignes bien cultivées, il ne faut pas demander!
à qui elles appartiennent, on trouve bien-tôt lemo- f
naftére : s'il n'y a pas de mouaftèrc, le Papa
loge pas loin de là. Toutes les belles fermes dé-1
pendent des couvens ; c'eft peut-être ce qui a ruiné I
le pays, car les Moines ne font guères propres à I
foutenir un Etat. Il eft vrai que ces Moines Grecs 1
font de bonnes gens; ils ne.s'occupenc qu'à labou-1
rer la terre , & ne fe mêlent pas de medecine ; ces
Rèligieuï font très-maigre chère ; le gibier du pays
feroit inutile, s'il ne s'y trouvoit d'autres perfonaes |
pour en faire ufage.
Les bourgeois de Candie fe traitent fort bien
b on nourrit dans l'Ifle beaucoup de volaille , de |
pigeons, de boeufs, de moutons, & de cochons,
O n y voit quantité de tourterelles, de perdrix rouges,
debécaifes, debecfigues, de lièvres ,, pointcie |
lapins. La-- inde de boucherie y eft très-boni.. .
'
hormis du.
nt l'hyvcr : faute de pâturage , on eft
obligé dans, cette ilufon
i de.faire paître les troupeaux,
D U L E V A
L , « , le long de la mer parmi les jonc s , où Hs
tainent fi migres, que leur cbur n'eft que de
Î fihfl'e Les Grecs ne s'en emtarraflent giie'res :
ft nrgoutcnt avec des racinesj & c'eft cc qui a
lieu au proverbe , qui dit que les Grecs
V miHent où les ânes meurent de tiim : cela eft
la lettre, les ânes ne mangent que les teml-
I, ' des plantes, & les Grecs emportent jufques à la
due Nous admirions quelquefois leur genre de
nos matelots paffoient les journées entières a
: de mauvais bifcmt, & de ces moufi
croiliciit fur des rodiers couverts de
Ide Sefanie :
Ipate
: dn
i t ,iur LU
e dclaMef-
1 : c'eft nne
ilie manger qui
s falées, qm
Ouoïqu'i" n'y ait pas dans cette Me la moiti
mde qu'il faudroit pour la cultiver, elle produ..
•iicaïuiioins plus de grains que fcs habitans n'en conlioinment.
Non feulement elle abonde en vins ;
I i m i s elle fournit aux étrangers, des huiles, de la
• de la foye, du miel, de la cire, des troma-
'du Ladanum. On y cultive peu de Coton &
: le Froment y elt excellent, fur tout
DUS de Candie & dans la pla
lis on n'y fçait pas fliire le p;
; inolalfc, éerafée, & fi peu cuite q^uelie s'at-
I tache aux dents. Les François y font ^ trcsrbon
Ipaiu, bien cuit & bien levé, dont les Turcs font
Les vins de Candie font excellens , rouges,
I blimcs & clairets. » Il n'ell: pas furprenant que
I l'on vove des médailles des plus anciennes frappees
•au nam des Cretois, fur le revers defqiielles on ait
reptéfenté des couronnes de b Lierre entremêlées
I de grappes de railin : les vins de ce climat
l iant de verdeur qu'il en faut p.
I qiieiir : cette liqueur bien loin d être fa
I couipagnée de cc baume délicieux qui fi
autre vin à ceux qui ont bien gouf.-
I Candie. lupiter ne beuyoit pas d'autre
qu'il rcglioit dans cette Ifie. Qnoiqi
foieiit pleins de feu, ' Gabcn ne liifl.-
r leur li-
,, cft acnéprifer
i les vins de
ncaar, lorfj
e ces vins
t pas d'y i
b Quidqui 1 Creta t
dem geaeiis alibi genius. n'ijl.
infini , prrta, ,
l.
:oiivei d'aft-eî tetapcrel pour en permettre l'ufagc
à ceux qui avoient la fièvre. ^
Les Turcs ne fçauroient s'empechcr de boire de
(i bon vin, au moins pendant la nuit, & lorfqu'ils
s'en mêlent, c'eft à fond de cuve. Les Grecs en
boivent jour & nuit fins eau, & à petits coups,
trop heureux d'enfevelir de temps en temps dans
cette boiObn le fouvenir de leur milére. Quand
•on vcrfe de l'eau fur ces vins, le verre paroît tout
rempli de nuages, traverfci de filets ondoyans &
comme crepe'i , formel par la grande quantité
d'huile ethércc, qui domine dans cette liquenr. 11
l'eroit aifé d'en tirer d'excellent efptit de vin ; cependant
J l'eau de vie que l'on boit en Candie , de
b Laraavitis mira fòli induljientîii. Soiin.
c fsrawf,;!. î. in Lib. iJi/.p«. rie wí7hj
f Vent du Sud.
N T. 'Lettre IL
même que par tout le Levant , eft déteftable : pour
faire cette liqueur, on met de l'ean fur le marc des
raifins, que l'on charge après if. ou 20. jours de
digeftion, avec des pierres plates fort lourdes, afin
de l'exprimer : on diftile cette piqueté à moitié, &
l ' on jette le rcfte : pour mieux faire, ilfaudroitjctter
le tout ; car leur eau de vie n'a point de force
& ne feiit que le brûlé;elle eft rouflâtre, &fe corrompt
facilement.
L a laine de Candie non plus que celle de Grcc
e , ne peut fervir qu'à des étoffes groifiéres, à des
liziéres, ou à des matelas. La foyc de cette Ifle
feroit parfaitement belle fi on avoit l'adrcife de la
fliconner. Le miel en eft excellent , & fent le
T h ym dont tout le terroir eft couvert : fou odeur
n'accommode pas tout le monde, il eft doré & plus
liquide que celui de Narbonne. La cire & le Ladanum
de cette Iflc ne font pas à mépriièr. On
eftime les fromages des montagnes de la Sphachie.
e Athenée aifûre qu'on faifoit en Crète des fromages
minces & larges pour brûler dans les facrifices ;
apparemment qu'ils étoient excelicns , puifqu'OE
n'einployoiE rien que de bon dans ces cérémonies.
Quoique la Candie foit un riche pays, cependant
les meilleures terres de l'ifie né font guéres bien
cultivées, & même les deux tiers de ce .Royaume
ne font que montagnes féciies, pelées, défagréables
, efcarpées , taillées à plomb & plus propres
pour des chèvres que pour des hommes.
O n rcfpire un fort bon air en Candie ; il n'y a
que le f vent de terre à craindrc : on a penfé deux
ou trois fois abandonner la Canéc où ce vent eft
tout à fait fuftbcant. On a remarqué plus haut,
que fouvent il étouffoit les gens en pleine campagne
: nous eûmes grand, peur de pareil accident en
venant du cap Mélier à la^Caiiée. A l'égard des
eaux, on n'en fçauroit trouver de plus belles ni de
meilleures. Tout-bien confideré l'on peut direqne
cette g Ifle eft placée fous un beau ciel : auffi l'appelloit
on autrefois f l f l e hcurcufc : il n'y a pas jufques
aux pierres qui n'en foient eftiinables..
L a plupart des villages y font bâtis de marbre
blanc, mais il eft tout brut & ne paroît pas plus
que nôtre iraoilon : on n'employé le marbre que
parce qu'il eft plus conunun que les autres pierres
, par la même raifon que le fer eft plus rare en
Amérique que l'or & l'argent. Que diroient les
Diptsnes, les Dédales, les Scyllis, les Ctéliphons,
les Métagénes , s'ils voyoient blanchir le inarbre
avec de la chaux ? Excepté Dédale, li tous ces habiles
fculpteurs & architeâes étoient Crétois, & les
deux derniers avoient bâti le Templ e de Diane à
Ephéfe : ces grands hommes n'einployoient pas la
boue au lieu de mortier, comme les Grecs d'au-
E 2 jo u r -
g Macar
Noi lil•i•lí c
PBÍyhiJÍ. enp. J 1
.;5. ».,. (,». ss.
i.MsKafai, ïSiyor apeilacam prodi-
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