
D U L E V A N T . Lettn XVl l L i\9
les mois de Juin , Juillet & Aoilt font les mois
les plus favorables pour les voleurs; ils trouvent
par tout à nourrir graifcment leurs ciievaux, &
••â de quoi ils fe foucient le plus ; car ces gensline
marchent pas commes des gueux. Du côté
dcTocat & dans la Geòrgie Turque on moiiTonneàla
fiude Juillet, au Heu qu'aux environs d'Ericron
on ne coupe les bleds qu'en Septembre. De
toutes les Caravanes celle de Tcflis paife pour la
moins dangereufe.
£n attendant qu'elle fût aifemblée nous ne
Krdîmes pas nôtre temps. Quand nous n'étions
pas eh campagne nous allions faire la converfainn
chez k Confuí Anglois où il y a toûjours
bonne compagnie. Non feulement c'eft le reriilcvous
des plus gros Marchands Arméniens, mais
cücorc de tous les étrangers : Mr. Prefcot cil: un
dfs plus honnêtes hommes du monde , bien faifant,
& qui nous prcvenoit fur tout ce qui nous
pouvoit faire plaiiir ; j'apprehende même que
ies gens du pays n'abufent de fes bontez, car ils
l'obfedent continuellement. Quoiqu'il ne foït
us de la Communion Romaine, il rend toutes
irtes de bons offices aux Miffionaires ; il 3es
.oge fouvcnt chez lui & leur facilite l'entrée &
13 fortiedu pays avec beaucoup decharité. Nous
spprîmes qu'à trois ou quatre journées de la ville
il y avoit de bonne mines de cuivre , d'où l'on
liroit la plus grande partie de celui qui fe tra-
Mille dans le fauxbourg des Grecs , & que l'on
répand en Turquie & en Perfe. OnnousaiTûra
aadî qu'il yavoitdcs mines d'argent autour d'Erwon,
auiîi-bien que fur le chemin ordinaire de
cette ville à Trebifonde. Nous ne pûmes pas
voir CCS dernieres mines , parce que le Beglierktyvoulut
prendre le plus beau chemin qui en
sii affei éloigné. Pour celles qui font autour
i'Erzeron, nous ne trouvâmes perfonne qui ofât
iioûsy conduire : le Beglierbcy même ne nous
tflnfellla pas d'en approcher , à caufe de la jalouiie
des gens du pays, qui s'imaginent que les
{(rangers n'y vont que pour enlever leurs tréfors.
nous aiTùra qu'on y trouvoit du Lazuli parili
celles de cuivre , mais en petite quantité, &
Ça'ilétoit trop mêlé de marbre. Celui que l'on
mn du côté de Toulon en Provence dans la
montagne de C^rqueirano a le même défaut , mais
îwtainement ce n'eit pas la pierre d'Armenie,
«nime bien des gens le croyent. La pierre d'Ar-
Jfiiîc, comme il paroît par la defcription de
eft d'un bleu-celeQe , unie mais friable,
j-iìles d'auprès d'Erzeron &de Toulon fonttrèsf
« & plus dures même que le Lazul i , car ce
«eli proprement qu'un marbre pétri naturellcij^
nt avee du Lazuli. Peut-être que le Lazuli le
fill n'en, autre 'chofe qu'une efpece de vert-
'«•gnsoa de rouille naturelle. Pcut'éire auffi
que c'eft de l'or dcguifé par quelque liqueur corroiive
, comme le vert-de-gris n'eil qu'un cuivre
déguifé par le vin & le marc de raiíiní Outre que
le L-azuli fe trouve dans les mines d'or , il fem«
ble qu'il y ait parmi cette pierre quelques filets
d'or qui ne font pas corrompus, s'il faut ainfî
dire.
Nous demandâmes un jour à Mr. Prefcot,où
étoit mort Mr. Vernon fçavant Mathématicien
Anglois qui avoit fait de belles obfervaciohs agronomiques
en Levant, & dont Mrs. WheUv
& iS'/'a» parlent avec éloge. Le Confuí nous aiTûra
qu'il lui avoit prédit fouvent qu^il feroit malheureux
avec toute fafcicnce, s'il ne femoderoit»
Mr. Vernon étoir d'une vivacité admirable mais íí
s'emportoit trop facilement. En eifet Mr . Prefcot
fut prophete, & nôtre Mathématicien mourut i
Hifpaham des bleíTures qu'il avoît reçûes àla tête
dans une querelle qu^il eut avec un Perfan en
fortant de table. Mr. Vernon accufa le Mahometan
de lui avoir volé un fort bon couteau à l'Angloife
; le Perfan ne fit qu'en rire, foit qu'il eût
pris le couteau ou non ; l'Anglois en fut encore
plus ofFenfé. On s'échauffa là-deiTus, on en vînt
aux mains , & le Perfan frappa ñ rudement Mr -
Vernon fur la tête, qu'on fut obligé de rattacher
fur fon cheval pour le conduire à Hi fpaham où il
mourut quelques jours après fans fecours , car
il n'y avoit pas encore des Anglois établis en
cette ville. Ils y font fort puiiTans aujourd'hui,
& y vivent en grands Seigneurs.. Leur magnificence
va quelquefois jufqu'à la profufion furtout
quand la Cour vient les vifiter.
Pendant qu'on travailloit à faire nos baîots
nous herborifions fouvent avec plaiiir , fur-tout
daus la vallée des Quarante Moulins qui eft à une
promenade de la ville, à l'entrée de deux montagnes
fort cfcarpées , d'où coulent plufieurs belles
fources qui forment un ruiiTeau confiderabîe.
Non feulement ce ruiiTeau fait moudre pluiieurs
moulins , mais il arrofe encore une partie de la
campagne jufqu'à la ville. Nous eûmes le plaiiir
de proceder dans un de ces moulins à la nomination
d'un des plus beaux genres de Plantes
qu'il y ait dans tout le Levant ; auiTi lui doimâmes
nous le nom d'une perfonne fort eftimable
par fa fcience & par fa vertu. C'eft Mr . Morin del'Académie
Royale des Sciences, DoSeuren Médecine
de la Faculté de Paris qui par un bonheur
iingnlier a élevé cette Plante, de graine»
dans fon Jardin de TAbbaye de S. Viâor ,. j e dis
par un bonheur fingulier , car elle n'-a pas levé
au Jardin du Roi , ni dans quelques antres jardins
où je l'avois fait femer. Il femble qu'elle
foit glorieufe de porîer le nom de Mr. Morin^
qui a toûjours aime & cultivé la Botaiiique avec
paflîon,
L&.