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D U L E V A N T . Lettre XIX.
y ¿coieiit moins incommodes que dans les
lieux couverts , mais cela n'erapêchoic pas qu'iJs
i)cl"iiçaiTcnt beaucoup de nôtre fang; nous avions
tous les matins le vifage couvert de boutons,
iiîalgfc toutes nos précautions. Les parterres qui
fout fur la gauche de i'E^life font fort agréables.
Les Aniaranthes & les Oeillets en font Ics principaux
ornemens ; mais ces fleurs ,n'ont rien de
liii'galier ni qui mérité qu'on en porte les graines
en ce pays-ci , au contraire les curieux de Perfe
s'accommoderoient beaucoup mieux des efpeces
qu'on élevé en Europe. Nous ne cueillîmes dans
les parterres du Couvent que la graine de cette
belleefpece d e Perficnire d ont les feuilles font auili
grandes que celles du T a b a c , & que nous avions
ûbfervées à.Tef l i s dans le Jardi n du Prince. Voici
]j defcription d'une belle efpece de Lepidiurn à
feuilles de C reiTon frifé, qui croî t dans les champs
entre le M o n aQe r e & la riviere d'Aras.
La racine pique en fond, longue d'un pied ,
grolfe c omme le petit doigt , dure, iigneufe, blanche,
peu chevelue, & produit une tige haute de
¿ m ou trois pieds, aiîèj branchuë , vert-gai,
accompagnée e n bas de feuilles longues de quatre
pouces, iur deux pouces de large , tout-à-faic
iemblables à celles du Crcjjon frize , un peu plus
charnues, lifTes des deux côtez, vert-gai, découpés
en grolFes pieces jufques à la côt e , laquelle
coinmcncc par une queue aiTez longue. La dernière
piece eil plus grande que les autres, arrondie
& frizée de même que celles qui font fur le
relie de la queue, Iciquelles font quelquefois indfc'es
plus profondément . Les feuilles qui nailfent
le long des tiges font encore d é coupé e s plus.menu.
De leurs aiiTelles naiffent des branches allez étendues
fur les cô'tez , garnies de bouquets de feui i les
dont la plupart ne font pas découpées, .aiTez femblables
à celles de Vlberis commun. Les branches
fubdivifées en plufieurs brins tous chargez
de fleurs blanches. Chaque fleur eft à quatre
es longues d'une ligne & demie, arrondies à
lapointeÔc fort pointues à leur naiflance. L e calice
eft à quatre feuilles auiïl ,. le piiHle qui efi
long de demi ligne, coupé enfer de pique, devient
UQ fruit de m ême forme, plat-, & partagé en deux
loges dans fa longueur. Chaque loge renferme
une graine rouiTe, tirant fur le brun, longue de
flemi ligne , applatic. Toute là plante a le goût
l'àcrcté du CrcjJ'û-a Alemis.
Pendant nôtre fcjour aux T roi s Eglifes, nous
fîmes che r che r , mais inut i lement , des voituriers
pour nous conduire -xwlsfÎQVit Ararat. Perfonnene
voulut être de lapartiej les voituriers étrangers
"e veulent pas , à ce qu'ils difent, s'aller perdre
liiins les neiges : ceux du pays étoient employez
pour les Caravanes, & ne vouloient pas aller fa
t'S'^er leurs chevaux dans un endroit fi affreux.
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C e p e n d a n t cette montagne ÎÎ famcufe n'cfl qu'à
deux petites journées du Mona i l e r e , & nous conn
û m e s bien dans la fuite qu'il n'eibpas poffible de
s ' y engager, par la raifon qu'elle cd; tout e découv
e r t e , & que l'on ne fauroit monter que jufque s à
la neige. Ce n'eft pas une grande mervei l le, quoiq
u ' e n difent les Religieux , de ne pouvoir pas en
a t t e i n d r e le f omme t , puifqu'il eft ¡arefque à moit
i é couvert de neige glacée depuis le déluge. Ces
b o n n e s gens croyent, comme un article de foi ,
que l 'Arche s'y arrêta. S'il eft vrai que ce foit la.
plus haute montage d'Armenie , fuivant le jugement
des gens du pays, il. eft très-certain auffi que
c ' e f t la plus chargée de neige. Ce qui fait paroître.
l ' A r a r a t plus élevé , c'eft qu'il eft planté fcuI e a
f o r m e de pain de fucre au milieu d'une des plus
g r a n d e s plaines que l'on puiftTe voi r . U ne faut pas
m ê m e juger de fa hauteur par la quantité des neiges
qui le couvrent, puifque la neige fe confèrv
e dans le plus fort de l'Eté fur les moindres collines
d'Armenie. Quand on demande aux Moines
A r m é n i e n s , s'ils n'ont pas des reliques de l'Arc
h e , ils répondent fagement qu'elle eft encore
e n f e v e l i e dans les fondrières des neiges du Mone
, Ararat..
N o u s allâmes le 8. A oût à Erivan ville coniîd
é r a b l e & Capitale de l'Armenie Perfienne , à
trois heures de chemi n des T roi s Eglifes. Ce n'c>-
t o i t pas feulement dans le deiîein de voir la Plac
e , mais aufl!Î pour prier le Patriarche de nous
f a i r e donner des voituriers pour le M o n t Ararat,
f u i v a n t le confeil des Rel igieux des-Trois Eglifes»
& certainement nous n'en aurions pas t rouv é fans
u n ordre de fa p.irf. La ville d'Erivan eft remplie
d e vignes.&: de jardins, bâtie fur une-col l ine qui
eft au bout de la plaine; les mai fons mêmes s'étendent
dans une des plus belles vallées de Perfe, &
d o n t les prairies font entreinêlees d'arbres fruitiers
à devignobles. Les bourgeois d'Erivan font aiTez
fimpics pour croire que leurs vignes font encore:
d e l'efpece de celle que N o e y planta. Quoiqu'il
en foi t , elles produifent de fort bon v in, & cela
f a i t mieux leur éloge , que. fi on les faifoit defc
e n d r e de celles, du bon Patriarche. La vallée efl
a r r o f c e par de belles fources, & les maifons de
c a m p a g n e y font prefque auiFi nombreufes qu'aux
e n v i r o n s de Ma r f e i l l e . Il n' y a que le haut des c o 1-
l i i i e s qui déshonore le pays par f a fecherel le, mais
la vigne y feroit des. mervei l les s'il y avoit aflcz
d e monde pour la cultiver. Les meilleures terres
f o n t couvertes de grains , de Cnton & de Ris,
c e dernier eft principaleiiient deftiné pour Erzer
o n . Les maifons d'Erivan ne font qu'à un étage
en terrafTe, bâties de bouc & de torchis à la manière
des autres villes de Perfe. Chaque maifon
eft enfermée d. ans une enceinte ifolée , quarrée,
a n g u l e u f e ou arrondie , haute d'environ une toi-
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