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!
V O Y A G E
a i f e , depuis près d'an fiécle, de les voir moins
r e f p e a e z , de crainte qu'ils ne fe r e n d e n t plus red
o u t i b l c s .
Q u o i q u e la plupart de l'infanterie Turque
p r e n n e le n o m de Janiffaires, il eft pourtant l'ûr
q u e dans tout ce grand Empire , il n'y en a pas
p i n s de ï ingt-cinq mille qni foient vrais Janifl'air
e s , nu Janiffaires de la Porte. Autrefois cette
m i l i c e n'ctoit compoKe que des enfans de Trib
u t q u e l'on inftruifoi tdaus la Rel igio] ! des T u r c s ;
p r e l e n t e m e n t cela n e f e prat ique plus, & oniaifle
k s gens en repos fur cet article, depuis que les
O f f i c i e r s prennent de l'argent des T u r c s pour les
f a i r e entrer dans ce corps.
I l ii'étoit pas permis autrefois au.K Janiffaires
d e fe ma r i e r , les T u r c s étant perfnadei que les
f o i n s du m é n a g e rendent les foldat s m o i n s propres
à la -prof e f f ion des ariues. Aujourd'hui fe marie
q u i veut avec le coufentement des Chefs qui ne
l e donnent pourtant pas fans argent. La princip
a l e raifon qui détourne les JaniOEiires du mar
i a g e , c'eft qu'il n'y a qne les garçons qui parv
i e n n e n t aux Charges, dont les plus recherchées
l ' o n t d'etre Chefs de leurs chambres : car toute
c e t t e milice loge dans d e grandes cazernes diilrib
u é e s en 161. chambres. Chaque chambre a fon
C h e f qui y commande ; mais hors de la calerne ,
il ne fait foné l ion que de Lieutenant de compag
n i e & reçoit les ordres du Capitaine.
C h a q u e chambre d'ailleurs a fon Porte-enfeig
n e , fou Depenfier, fou Cuifinicr, fon Porteur
d ' e a u . Au-deffiis des Capitaines il n'y a q u e le
L i e u t e n a n t Généra] des Janiflaires , qui obéi t à
l ' A g a . Outre la paye ordinaire , l 'Empereur donn
e tous les ans aui Janiffaires un Jiifte-au-corps
d e drap de Salonique, & tous les jours il leur
f a i t dillribuer du ris , de la viande , & du pain.
L a Chambre les loge moyennant un demi pour
c e n t fur la paye qu'ils tirent en temps de paix
& de fept pour cent en temps de guerre. Cette
p a y e n'eft que depuis deux afpres p a r jour jufques
a douze , & n'augmente même que peu à peu à
m e f u r e qu'ils fervent ; lorfqu'ils font eftropiei
ils d evi ennent morte-payes. Le Bonnet de cérém
o n i e des Janifliiires eft fait comme la manche
d ' u n e cafaque ; l'un des bouts fert à couvrir leur
t è t e , & l'autre pend fur leurs épaules ; on atraer
fur le f r o n t une e fpécede tuyau
lOTg de demi pied, garni de fauf-
Q u a n d les Janiilaires marchent
a r m é e , le Sultan leur fournit des
p o r t e r leur bagage , & des cha-
•s tentes : fçavoi r un che-
: h a m e a u pour vinpr.
c h e à ce bo__
d ' a r g e n t doré
l i s pierreries
p o u r aller à
c h e v a u x pou
m e a u x pour porter 1
1 pour dix foldats
A l'avenement de chaque Sultan fur le Thr ô
o n augmente leur paye d'un afpre par jour. '
L e s Chambres héritent de l a dépoui l l e de ceux
» eamdJsî,
qui meurent fans enfans, & les a n t r e s , n,„; „ „
a y e n t des enf ans , nelaiffentpas de l e e n S " ' f *
c h o f e à leur Chambre. Parmi les 7?,
n ' y a que les Solacj & les P e y „ qui f ô «
g a r d e d e l ' Emp e r e u r : les autre's n e v omr s Î " "
j o i n t s de Divan , & pour empêcher les dei y '
qui pourroient arriver dans la cour • „ j
m e n t on les met en fentinelle aux portes S '
c a r r e f o u r s de la ville pour y faire le ,ni „ t '
le monde les craint & les r e f p e a e , S oiîî
n ' a i e n t qu'une canne à la mai n ; c a r T » ? '
d o n n e leurs armes que lors qu'ils vonteneii,!"
g n e La plûpartdes Janiftiiircs ne mai ,™2'
d éducat ion , étant tirez du corps des S '
g l a n s , parmi lefquels leur impatience ou
q u autre défaut ne leur a pas permis de r
c o u r e n t tons vers leur Maître-dè-cLiub e
p o u r leur faire connoître qu'ils font foas à
f f d i f l K i n , leur donne à chacun en paffi,, ^
c o u p de main derrierc l'oreille. On leurfai ,
d e u x lermens lors de leur enrollement ' 1 .
m i e r ell de fervir fidellement leGrand S igi i
le fécond de fnivre lavolontéde leurs c m '
t o u c h a n t les affaires du corps. Il n'y a S
c o r p s dims la Turqui e quf foit li r n
des Janiffaires c'eft cette grande union qaif
t i e n t leur aulhonté, & qui leur donne nueioiit
f o i s la hardiefl-e de déposer les Sui ins. ' S
C o n f t a n t i n o p l e , ils font affûrcz que leurs cimr
a d e s , quelque part de l'Empire qu'ils foiesl,
n e manqueront pas d'approuver leur condiiile,
S Ils croient avoir fujet de fe plaindre , leur
m c c o n t e m e m e n t commence à e'clater dans li
c o u r du Uivan dans le temps qu'on leiirdiiiib
u e les . Jattes de Ri s préparé dans une des cnilin
é s dn Grand Seigneur ; car ils mangent fou
t r a n q u i l l e m e n t s ils font eontens ; & au coimiir
e Ils poul lent la J a t t e du bout du pied & Liienv
e r f e n t , s ils n e f o n t p a s fitisfaits du Miniflerc, Il
n y a point d'infolences qu'ils ne foient capables
d e dire dans ce temps-la contre les premiers Mim
i t r e s , étant bien perfuadez qu'on ne manqiieri
p a s deleurdomier làt i s faaion: c'eft à quoil'oil
t a c h e auffi de pourvoi r de bonne heure pour prév
e n i r leur foulevement , fur tout quand on leur
d o i t plufieurs payes. Les mutineries des JaniEr
e s lont fort a craindre : combien de foisn'ont-ili
p a s fait changer en un inftant la face de l'Empi-
: ? Les plus fiers Sultans & les plus habiles Mi-
- I t t r e s ont fouvent éprouve combien il étoitiijng
e r ç a i d'entretenir en temps de paîx u n e milice,
D U L E V A N T . Leurs XIll. 3f
i connaît li bien' fes intérêts. Elle dépofa Baet
11 eu 1511- Elle avança la mor t d'Amu-
• i l l ' l - en 'ÎSî - me n a ç a Mahomet III.
l't'lc dcshmiorer. Ofman 11. qui a ï o i t j u r é leur
cite ayant imprudemment fait éclater fon defi
i i i . ' c i i f u t indignement traitté , car on le fit
îiaiclier à c o u p s d e pieds depuis le Serrail jufqucs
,11 Château des fept t o u r s , où il fut é t r angl é l'an
M u f t a p h a I. que cette iufolentc milice
illir,j'la place d 'Ofma n , fut détrôné deux mois
flpiès par ceux-l à mêmes qui l'avoient élevé. Ils
rient aiilTi mouri r Sul tan Ibrahi m en 164.9. après
iViiiit traîné ignominieufement aux fept tours.
S o n l i l sMahomet IV. ne fut pas ii malheureux;
ipais on le depoffeda après le dernier iiége de
Vienne, lequel pourtant n'échoua que par lafau-
¡¡de Cara-Muf lapha premier Vilir. On préférai
ce Sultan fon frere Solyman III. Prince fans
uieiite, qui fut dépofé à f o n t o u r quelque temps
actes.
A l'égard de la Sultane mere, des Vifirs, dn
Caimacau , des premiers Eunuques dn Serrail,
du Grand T r e f o r i e r , & de leur Aga même , les
janilTaircs f e j o u e n t de leurs p e r f o n n e s ; & d emandent
leurs têtes au moindre mécontentement.
Tout le m o n d e fait comment ils traitèrent, au
commencement de ce iiécle l eMo u f t i Fefullach-
Eitendiqui avoir été Précepteur de S u l t a n Muf t a -
pha. Ce Pr ince qui l'aimoit aveuglément ne pût
cinpicher qu' i l ne fût traîné fur la claye à Andriiiople,
& jet t é dans la rivière. Le feul temperament
qu'on ait pû apporter jufques à prefent
pour reprimer l'infolence de ces foldats, a été
de leur oppofer les S p a h i s , & de les r e n d r e jaloux
les uns des autres ; mais ils ne s'accordent que
trop en certaines occafîons. O n a beau les faire
clianger de quartier ; c omme les abfents approuvent
toûjour s ce que leurs camarades ont f a i t , il
n'e» guetes poffible d'éviter leur furie , quand
ils fe mettent en tête qu'on leur a fait quelque
paude injultice. L'Hiftoire des T u r c s ne fournit
pasbeaucoup d'exemples , qu'on foit v e n u à bouc
de les appaifer i ims leur faire de g r ande s largelfes,
ou fans qu'il en air coût é la vie aux plus grands
Oficiets de l'Empire.
, 0 n n'a jamai s o f c confifquer l e T h r c f o r des Jauiffaires,
ni s'emparer des biens que leurs Offidets
polfcdent en propre en plufieurs endroits de
l'Alie, comme à Ca t aye , -à A n g o r a , à Caraiiïir
S dans d'aut res places. Quand le Général vient
s m o n r i r , leThrefor hérite de fes biens : c 'el l le
ieul O fEc i e rdont les d é p o u i l l e s ne f o n t point con-
'"luécs au profit de l 'Empereur. Ce Général a
avantage de fe prefentcr devant le Sultan, les
tas libres ; au lieu que le p remier Vilir & les au-
Grands de la Porte , ne paroiffent j ama i s en
" p r i f e n c e , que les bras croifez fur l'eftomac,
c e qui cft plutôt une pofturc fcrvilc que rcfpect
n e u f c .
A p r è s l'Aga des Janiffaires, les principaux Offic
i e r s de ce corps font ; le Lieutenant de l'Aga;
l e Gr and Prévôt , le Capitaine des Baillifs , qui
m a r c h e n t aux cotez de l 'Empereur les j o u r s de cér
é m o n i e ; les Capi taines defes Archer s à pied
C o m m a n d a n t de fes V a l e t s de pied .- ces dcrniet.s
m a r c h e n t , de m ême que les A r c h e r s à pied, aup
r è s de la perfonne dn Grand Seigneur lorfqu'il
v a par la vi l le. Ils n e font que foixantc, & i l s port
e n t des bonne t s d'or battu, garnis far le devant
d ' u n e p lume tout e d roi te. Pour les A r c h e r s à pied,
o u les Archers de la garde d u corps, ils font au
n o m b r e de trois ou quatre cens ; & les jour s de
b a t a i l l e , ils f o n t autour de Sa Hauteffe avec des
a r c s & des flèches feulement , pour ne pas ciïray
e t fon cheval. Leur habit eft u n dol iman ou fout
a n c de drap, rétroulTeepar les coins j u f q u e s à la
c e i n t u r e , & qui lailTe voir leur chemife ; leur
b o n n e t eft de drap terminé en point e , garni de
p l u m e s en manicred'aigret te. Ces Archers tirent
d e s flèches de la main gauche aulii-bien que de
l a droite: on leurapprend cet exercice, afín qu'ils
n e tournent jamais le dos au Gr and Seigneur.
Q u a n d ce P r i n c e paffedes rivières , ils nagent aut
o u r de fon cheval , & vont fonder le gué avec
t o u t e l'application poffible , auffi par rècompenf
e , à la premiere rivière que le Sultan paffe, il
l e u r fait diftribuer à chacun un ècu s'ils ont de
l ' e a u jufqu'au genou ; s'ils en ont jufques à 1«
d e u x écus, & trois quand l'eau
c e i n t u r e , i l s 1
p a f f e la ceinture.
O n tire encore du corps des Janiffaires , les
C a n o n i e r s , & ceux qui o n t foin des armes. Les
C a n o n i e r s font envi ron douze cens, qui reçoivent
l e s ordres du G r a n d Ma î t r e de l 'Ar t i l ler i e : ils log
e n t à T o p a n a dans des cazernes diftrîbuèes en
'52. chambres ; mais il s'en faut bien qu'ils ns
f o i e n t auffi habiles que les Chrétiens, pour la
f o n t e & pour le fervice de l'Artillerie. Ceux qui
p r e n n e n t foin des armes , font au nombre de fis
c e n s , divifez en 60. chambres , & ils logent dans
d e s cazernes auprès de Sainte Sophie; non feulem
e n t ils prennent foi n de la confervat ion des anc
i e n n e s armes qui font dans les a r f enaux , mais
e n c o r e de celles des Janiffaires & des Spahi s à qui
i l s les diftribucnt en bon état quand il faut aller
à l'armée.
O u t r e les Janirtaircs dont je viens de parler,
t o u t e s les Provinces de ce vafte Emp i r e f n n remp
l i e s prcfeniement de Fantaliins qui portent le
n o m de Janiffaires : mais ces Jani f fai res d u fécond
o r d r e ne font pas enrôlez dans le corps de Jan
i f f a i r e s d e la P o r t e , & n'ont rien de l'ancienne
d i f c i p l i n e des T n r c s . Tous les fcelerats qui veu- •
l e n t fe fouftraire à la iufticc ordinaire , & m ême •
E î le s
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