
o Y A G E
Quoique les Vénitiens ii'ayent pas de troupes rcgie'es.
daus cette lile"; eli cas d'allaniK pburtaiit
0[1 y poiirroit ramalîcr au premier lignai plus de,
ÍCOO. hommes : cliaque village entieticnt uiie
Compagnie de milice, à laquelle le Prince fournit
des armes, & que l'on fait exercer & paifer en revue
fort fouvent. Dans la derniere guerre Mczoiiiorto
Capitim Pacha écrivit au Proveditcur , à
la Nobleflè, c^ au Clcrgi de l'Ille , qu'il fcroit
mettre tout le pays à ti^u & à faiig s'ils ne Itti
payoient pas la capitation ; on répondit,qti'il n'avoir
qu'à venir la recevoir, & lorfqu'il parut
avec fes galeres, le Provedi.teurMoro, bonhomme
de guerre , fit fortir mille ou douze cens
hommes des retranchemens de la marine à San Nicolo
: ces troupes empieherent par letu- grand feu
que l'on n'abordât , & le Capitan Pacha voyant
; qu'on s'y prenoit de ii bonne grace fit retirer fesga-
, leres ; à la vérité, cette milice eft bonne pour canarder
dans des retranchemens, mais elle ne feroit
pas propre à tenir la campagne & à fc battre à
découvert. Pour fe rendre le maître de Tine, il
ne fiiudroit qu'amufer les troupes à Sarr Nicolo
pendant qu'on feroit une dcfcente aù port a Palermo
, qui efl le meillettr port de l'Ifle du côté ,du
nord; ces -troupes qui ruineraient le pays & qui ti-"
reroieiit facilement leur fubiîllanee de l'Ifle d'Andros,
affameroient bièn-tôt la fortereiFe, feul boulevarr
du pays ; car San Nicolo eft ouvert de tous
côtei. • ' :
Le liiauvais temps "ne nous permit gueres d'herborifer
dans le Titre ; nous y obfervâmes pourtant
quelques belles plantes, entre autres celle d'où
coule la Manne de Perfe ; mais nous ne
"pas aller voir les autres rafeteï de l'ifli
rne d'Eole, la tour delà Doraeïe "cfml'"
du Temple de Neptune, la MadonaCaîd" '
trop heureux de pouvoir traverfer le canal de IVl
cotje, où nous avions den'ein d'aller paffir le Rit
de I hiver, & ou nous n'arrivâmes pas fans dmi
a eaufe des. furieux firnts que àifoit notr ç qÎ
cela nous confirma dans la penfée de ceux ¡nii„,;
cru que l'Archipel avoit été nommé par les
a mer bEgee, parce qu'au moindre vent fis h .
bondijjent comme des chèvres, de même qtfoni'
remarqué plus iiaut.
Nous finirons cette lettre par la flation Geo«i,,
phiqiie,. que nous finies tour au haut de la fortiiÎii;
de l ine, d'où l'on découvre facilement les ijU
voilines,
Joura reile à l'oueil.
Syra au fiid-oueft.
Andros entre le nord-oueft , & le nord-norj.
ouett;
Paros au fud.
Delos entre le fnd-fud-eft & le fud.
Scio entre le nord-efi & le nord-nord-eil.
Le cap Carabouron au nord-eft,
" Scala-novaà,l'eft-nord-ell.
Samos entre l'eft & l'eft-nord-eft.
Nicaria i l'cll.
Fourni à l'eil-fud-elt.
Mycone au fud-ea.
Amorgo entre le fud-ell & le fud-fud-eil, -
Naxie entre le fud-fud-eft & le fud.
J'ai l'iiomieur d'être avec un profond refpeS, fc
L E T T R E I X .
' D E S C R I P T I O N 'DE S I S L E S 'DE S C I O , M E T E L I N TEN
E D O S , N ICARIA.
M O n s e i g n e ü e ,
L'Hiftoire de Scio eil d'une trop grande étendue
pour la pouvoir renfermer dans une lettre ,
j'aurai donc l'hoirneur de vous entretenir dans celle
ci feulement de ce qui s'y eif pafl"é de iros jours,
& de vous etrvoyer une fimple defcription de cette
Ifle.
Antonio Zeno Capitaine général de l'armée "Vénitienne
parut devant la ville de Scio le 28. Avril
1694. avec une armée de 14. mille hommes, &
commença d'attaquer le château de la marine ,
feule place de réfiftance dans tout le pays : il ne
tint pourtant que cinq jours, quoique deffendu par
a Palermo vital dt nâtsiiMej, îanhoimus, Sm •» ïKntir tmc
Ont dt iaiimeni.
huit cens Turcs, & fo-ûrenu par plus de mille lioin.
mes bien armez qui pouvoient s'y jetter fans oppohtion
du côté de terre- L'année fuivante le is.
Février les Vénitiens perdirent la place avec la mime
facilité qu'ils l'avoient prife , & l'abaiidoïKrent
précipitamment après la défaite de leur affilie
navale aux Mes de Spalmadori où le Capitan hch
Mezomorto commandoit la flote des Turcs : l'épouvante
fut G grande dans Scio qu'on y lailTilt
Canon & les Munitions ; les troupes fc fauvoioit
en defordre , & l'on dit encore aujourd'hui dans
l'Ifle que les foldats prenoient les mouches pou
des turbans.
Les Turcs y rentrèrent comme dans im pij!
de conquête ; mais les Grecs eurent l'adrelTe de
teb
Ai£.
D U L E V A
je,tot fut les Latins la fimte de tout ce qfi s'étoit
Sl"é quoique ceux-ci n'euifent eu aucune part a
L i p t i o " des Vénitiens : on fit pendre quatre perlòimes
des plus quahfiees du rite Latin & qui
«¡eut palK avec honneur par les principales eliai-
"s Pien-eJulKniani, Francefco Drago Burgheh,
Sominieo Stella Burgheli.Giouanni Cailelli Burghdi
• on defi"endit aux Latins de porter des cha-
Un'j; on les obligea de fe faire raier , de quitter
fh-ibit Génois , de defcendre de-cheval à la porte
deia ville,& de faluer avec refpe6l le moindre des
Mufulmans : les Eglifes furent abatues ou converties
en Mofquées : l'Evcque Latin Leonardo Ba-
Imriiii, & plus de 60. famiMes des plus apparentes
fniïirent les Vénitiens à la Morée ; cet Evêque y
moarot quelque temps après qu'on l'eut pourvû
d'ua nouvel Evêché ; le Ibupçon que les Turcs
avoicnt conçu contre lui & les Latins , d'avoir fa-
'vorifé l'expédition des Vénitiens, fut augmenté par
les marques d'eUinie que ceux-ci donnèrent à ce
frclat. Ces pauvres Latins que l'on fatigue tous
les jours par de nouvelles chicanes , à l'iniligation
des Grecs, prennent leur mal en patience, & aiïïftent
avec beaucoup d'édification aux Oifices divins
chei le Vice-conl'ul de France dont la chapelle eft
mnde à bien défervie.
L'cxereicc public de la Religion Catholique ctoit
le plus beau privilege que les Rois de France euffent
fiiit eonferver aux Sciotes : ils en ont été prive!
fous ombre de rebellion : on y faifoit l'office
divin avec les mêmes ceremonies que dans le centre
de la Chrétienté. Les Prêtres portoient le Saint
Sacrcment aux malades en plein jour avec des faneiax:
la proceffion de la Fête-Dieu y étoit folemndle,
le Clergé marchoit en chape avec le dais &
les eneenfoirs : enfin les Turcs appclloiçnt cette
10e la petite Rome. Oture les Eglifes de la camragnt,
les Latins en avoicnt fept dans la ville; le
Dome ou la Cathédrale eft devenue Mofquée, de
même que l'Eglife des Dominicains ; de l'Eglife
des Jeftutes dediée à Saint Antoine, on a fait une
iiôtelerie ; celle des Capucins , & des Recolets,
Nôtre D-ame de Lorette, Scelle de Sainte Anne
ont été abbatues : les Capucins avoient encore -à
foo. pas de la ville l'Eglife de Saint Roch où l'on
ciiterroit les François & les protégez , mais elle a
eu le même fort que les autres : les Eglifes de la
empagiie étoieirt S. Jofeph à deux milles de la ville
, Nôtre Dame de la Conception à deux tnilles
& demi , Saint Jacques à un quart de mille , la
Madona à un mille & demi, la Madona d'Elifée
à deux milles & demi, Saint Jean à demi mille.
Les Prêtres Latins avoient anfli la liberté de dite
la Meffe dans dix ou douze Eglifes Gréques ; &
quelques Gentilshommes avoicnt des chapelles
dans leurs maifons de campagne. Rome doniioit
deux cens écus à l'Evêque, qui d'ailleurs profitoit
Nouvellefolitudo.
N T. Lefin IX. 141
d'mi cafuel conliderable. Il refte encore à Scio 24.
ou 2f. Prêtres, fans compter les Religieux François
& Italiens, qui ont perdu leurs couvents. Après
la prife de Scio, les Turcs mirent les Prêtres
a la capitation; mais M' , de Riants Vice-conful de
France les en fit exempter : les Religieufes n'y
font point cloîtrées non plus que dans le refte du
Levant ; les principales font de l'Ordre de S-.unt
François ou de Saiiu Dominique, dirigées les unes
& les autres par les Jcfuites.
L'Evêque Grec cft fort riche, il a plus de 3C0.
Eglifes dans la ville , & tout le rcft'c de l'Ifle cft
plein de Chapelles; les Monafteres Grecs yjouïffent
de gros revenus ; celui de Saint Minas cft de
j o Caloyers , & celui de Saint George d'environ
vingt-cinq • le" plus confiderable eft Ncainoni,
c'eft-à-dire, Noumik filimde, iitué à s- milles de
la ville : nous y allâmes le cinq Mars 1701. Ce
couvent paye foo. ecus de capitation ; il renferme
i j o . Caloyers, qui ne mangent en communauté
que le Dimanche & les Fêtes, le refte de la femaine
chacun fait fa cuilîne comme il l'entend ; car la
maifon ne leur donne que du pain , du vin & du
fromage ;ainii ceux qui ont du bien font bonne chere,
& même entretiennent des chevaux pour leur
ufage. Ce couvent cft fort grand & reffemble plûtot
à un village qtt'à une maifon Religietife , 011
pretend qu'il polfede la huitième partie des biens de
l'Ifle, & qu'il a plus de cinquante mille écus de
rente. Outre les acquifitions continuelles que
la maifon fait par les legs pieux , il n'eft point de
Caloyer qui ne contribue à l'enrichir ; non feulement
ils doiment 100. écus pour leur reception,
mais en mourant ils ne fçauroient difpofer de leurs
biens qu'en faveur du couvent ou de quelqu'un de
leurs parens, qui ne peut hériter que du tiers, à condition
qu'il fe fera Religieux dans la meme maifon
: ils ont trouvé par là le feeret de ne rien perdre:
le coirvent ert fur une colline bien cultivée dans
une folitude defagreable au milieu de grandes montagnes
toutes pe'lées.
Quoique l'Eglife foit mal percée , elle palTe
pourtant pour une des plus belles qui foient dans
le Levant ; tout y eft gothique , excepté les cintres
des voûtes ; les peintures en font horriblement
groflieres , malgré les dorures qu'on n'y a
pas épargnées ; le nom de chaque Saint eft écrit
au bas d'e fa figure, de peur qu'on ne le confonde
avec fon voifin. L'Empereur Conftantin Moiiomaque
qui a fait-bâtir cette Eglife, comme I'afl"ûrent
les Moines, y eft peint & nommé. Les colonnes
& les chapiteaux font de jafpe du pays, mais
d'un mauvais profil ; ce jafpe eft une efceee de
brèche rouge-lavè , mêlé de quelques plages cendrées
aflèz mal unies, & il n'a rien d'éclatant ; il
n'eft pas rare autour du monaftere ; mais celui
qu'on einploye dans cette Eglife a été tire des an-
S 3 cicn