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D U L E V A N T , Lettre Xl^lll. ' r i ï
[fOiivoit . fuivant Plntarque , entre le R h ô n e &
MarfiiilIC' On découvre encore les traces de cet
ouviagi^ d u c ô t é d e Fos village auprès du Martini
qui a retenu le n o m de la FoJJe ae Marius^
. j i o n p a s celui des P^oc/Vkj-peuples d.'Afie au-
JciHis de Smyrne , qui s'établirent à Marfcille
pendant les guerres des Perfcs & des G r e c s . Mille
Lrdons, Monfei^neur, de cet t e digref l îon ; nous
[bintnes fi a c c o u t ume z à n o u s écarter en herborifant,
qu'il n ' e f i pasfurprenant que j e m'égarequelqiicfois
d ans les let t res q u e v o u s m'avez permis de
vous é c r i r e . ^
J e reviens à n ô t r e Caravane. Elle partit le 8.
J u i l l e t fur les neuf heures du mat in, & marcha
Iniques à une heure après midi à travers d e gran-
Jcs campagnes peu cultivées , mais excellentes à
ce qu'on nous dit. Nous y obfervâmes de fort
celles Plantes , comme nous avions fait le jour
precedent ; mai s voi l a tout , car on n'y voit ni
T i l l e n i v i l l a g e s , pas m ême l amoindr e broiTaille.
On dreiTa nos tentes auprès d'un ruilTeau qui fait
moudre u n moul in, j e n e fçai à quel ufage ; car
nous ne r e c o n t r âme s pas une ame pendant toute
Il journée.
La route du 9. Juillet fot bien plus agréable,
Qaoiqu'on nous eût fait partir à trois heures du
iratiu , nous nous retirâmes far les dis heures
iprcs avoi r pa0e par des m o n t a g n e s peu élevées,
k lefquelles on voit des Pins de lamcmeefpeteque
ceux de nôtre mont agne de Tarare. Ce
changement d e décoration ne laiiTc pas d e réjouïr
en voyageant ; Il n'y a rien de plus ennuyeux
(]iiede marcher dans ces grandes plaines où l'on
ne voit que la terre & le c iel , & 1:jis les Plantes
^u'oii y trouve j'aimerois mieux être fur mer,
je veux dire pendant le c a lme ; car j'avoue tout
Murellcment que dans la bourrafque o n donneluit
tout ce qu'on a au monde pour fe pouvoir
iraiifporter d a n s la plaine la plus ennuyeufc. On
ùiiipa ce jour - l à à Coroloucalefi village que l'on
XI appeller en François la T'ou.r de Coroiou.
iùtre moi j îon fut aiîez belle,* & comme l'éruliition
m e m a n q u e ici, car je ne fçai ce que c'eli
lueCoro/o« ni fa ToKr , vous me permettrez de
vous envoyer la defcr ipt ion d'une Plante qui fait
tncore a u j o u r d ' h u i les délices de Mr . le Premier
Medecin. Elle a for t bien levé , bien fleuri & bien
gfaiiié dans le Jardin du Roi . Il y a m ême appatciice
qu'el l e y durer a long-temps.
C'eft «ne OmbelUfcr , pour parler Botanique,
'ni la racine pique en fond jutqucs un pied
H e m i , grolfe au collet c omme le bras , parcaq
u e l q u e s autres racines de la groifeur du
pouce, peu chcvclucs , couvertes d'une écorce
ifunc, pleine de lait acre & fort amer. Les
fiiines d'ei ibas qui ont environ trois pieds d e larjf
lur autant de l o n e , font découpées li menu,
T o m , IL
q u ' o n ne fçauroit mieux les c omp a r e r qu*à celles
d ' u n e autre efpece de ce genre que D/^onfon a
wonwnét Cachrys ferni7ie fuyigûfo , ¡evi , foliis Feruhiceis.
Il fcmble même que la coirparaiforï
c l o c h e un peu , car il n'y a point d'efpece de
Ferule qui ait les feuilles ii menue s , & j'auroïs
m i e u x fait , fans fuivre l'exemple de Morifon,
d e comparer les feuilles de celle dont j e par le, à
c e l l e s àa Fenouil. Les tiges d e nôt r e plante s'élèv
e n t 34. pieds , groifes c o m m e le p o u c e , fermcsi
d u r e s , droites , folides , couvertes d'une fleur
f e m b l a b l e à cel l e des PruTies fraîches , liiTcs , can
c l e c s , noueufes , garnies aux noeuds de deux
o u trois feuilles beaucoup plus petites que les
a u t r e s ; & des aiiTelIcs de celles-ci naiifent ver»
l e haut trois ou quatre branches , lefquelles form
e n t une plante ailcz arrondie. Les extremitei
d e ces branches f o n t chargées d 'ombel les ou boaquu'ts
de dejni pied de diametre , compofez de
r a y o n s inégaux qui foûtiennent d'autres bouq
u e t s plus petits & c omme fpheriques, terminez
p a r des fleurs jaunes à 5. 6. o u 7. f e u i l l e s , long
u e s d 'une ligne & d emi , avec la point e tournée
e n d edans , ce qui les fait p a r o î t r e c omme échanc
r é e s . Les étamines & les f omme t s font de m ê -
m e couleur. Le calice qui d'abord n ' a que deux
l i g n e s de l o n g , grolTit à v û ë d'oeil à meiur e que
l e s fîeuis fe paiTent, & devient enfuite un fruit:
l o n g d 'envi ron 10. lignes fur 6. lignes de large,
c o m p o f é de deux parties arrondies fur le dos ,
g a r n i e s ' d a n s leur longueur de petites aîles ou
f e u i l l e t s membraneux & blancs comme le fruit
d u Lttjerpiûum. Il faut pour tant rapporter nôtre
P l a n t e au genre de Cackrys , parce que les part
i e s de fon fruit font Ipongieufes , épailies de
t r o i s lignes & remplies d 'une graine plus groiTe
q u ' u n grain d'orge. Les feuilles de cette Plante
f o n t un peu a roma t ique s , mai s ttès acres & trèsa
m e r c s .
L e 10. Jui l let nous partîmes à 5. heures après '
m i n u i t , & marchâmes jufqu'après midi par des
m o n r a g n f s agreables & bien fournies de Pins.
A h vérité nous n'étions pas trop at tent ifs à les
c o n l î d é r e r ; car nous découvrions de temps ea
t e m p s quelques pelotons de voleurs armez de
l a n c e s & de fabres. Ils n'oferent pourtant nous
a t t a q u e r , parce qu'ils nous crurent les plus forts;
c e p e n d a n t ils fe t rompoiei i t très-fort , & ils aur
o i e n t eu bon marché de nous s'ils s'étoient app
r o c h e z . Nous avions affez d e T u r c s dans nôtre
C a r a v a n e , mais les Arméniens , à ce que nous
a p p r î m e s par nos Drogmans , commençoienc à
p a r l e r entre eux d ' a c con.modemcnt , & li les vol
e u r s ne s'éroi-jnt pas écartez , on n'auroit pus
m a n q u é de leur envoyer un Député pour traiter
d e la rançon. Nous n'en fûmes pas qui t tes pour
c e t t e allarme. Nus marchands crurent que ces
Q vo l e u r s