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fer le bras de cette moribonde. Si le Medecin
dcmandoit à voir le bout de la langue ouàtâter
quelque partie, il fcroit poignardé fur le champ.
Hippocrate avec tout e fa fc'ience eût été bien embarrailé
s'il y eût eu des Ma fulmaue s defon temps.
P o u r moi qui ai été nourri dans fon école &fui -
vant fes maximes, je ne fçavois que] parti prend
r e chez les Grands Seigneurs, quand j'y étois
a p p e l l é , & que je travcribis les appartemens de
leurs femmes: ces appartemens font faits comme
les dortoirs de nos Rcl igieuf:s, k je crouv.ois à
chaque porte un bras couvert de gaze qui avançoit
par un trou fait exprès. Dans les premieres
viiîtes je croyois que c'étoient des bras de bois
o u de cuivre deilinez pour éclairer la nuit; mais
j e fus bien furpris quand on m'avertit qu'il fal-
Joic guérir les perfonncs à qui ces bras appart
e n o i e n t . i
. C'eft à tort que l'on prétend que les Juives peuvent
entrer dans tousles appartemens des Dames
d u Serrai! pour leur vendre des bijoux : elles ne
f ç a u r o i e n t avancer au delà d'une certaine fale
o ù fe fait ce commerce, & la porte ne leur en
efl. ouverte qu'après que les Eunuques les ont
bien & dûëment vifitées ; un homme qui leroit
f u r p r i s travefli en femme feroit égorgé dans le
m o m e n t , & une Chrétienne y feroit très-mal reç
û ë . Les Eunuques feuls font les melïiiges & les ]'
marchez : ils portent les bijoux, & rapportent [
l ' a r g e n t ; mais ils fçavent bien fe faire payer de
l e u r s peines. Après tout quel ufage peuventfaire
des fequins , ces Eunuques qui n'ont ni parens
n i amis, & qui ne fçauroient goûter d'autreplaiiir
que celui de toucher leur or & de le dévorer
avec les yeux? on dit pourtant que leur principal
e vûë eii de le garder pour fiiuver leurvie, lors
des révolutions qui arrivent à la mor t des Sul tans ;
mais rarement s'en prend-on à ceux qui gardent
les femmes.
L e s autres Officiers qui gardent le Serrail donj:
il nous refte à parler , font rintendantdes bains,
l e Grand Fauconier , dont les Officiers portent
Toifeau fur le poing de la maindroice; le Grand
Veneur qui a fous lui plusdcdouzecenspiqueurs
Qu valets de chiens ; le Gouverneur-des chiens
courans & des braques ; celui des levriers , des
dogues & des épagneuls; le Grand Ecuyer qui a
deux premiers Ecuycrs fous lui, iefquels commandent
à plufieurs Officiers, & ceux-ci à un
n o m b r e infini de palefreniers; car il n'y a point '
d e pays où les chevaux foientmieuxpenfez qu'en
T u r q u i e . On les nourrie d'un peu d'orge &de
paille hachée qu'on leur diftribuë foir & matiu
en petite quantité , ils paûTent le reiîede la journ
é e au filet & deviennent par-là capables des plus
grandes courfes ; on aiTure même que les chevaux
q u i vieiment d'Arabie & des environs de Babyl
o n e font des traittcs de trente lieues f ins débrid
e r : ils ont les jambes admirables ; maiiilsn'oRf
ni croupe ni encolure.
I I ne faut pas oublier deux autres fortes d'Offi.
ciers qui font d'un grand ufage au Grand Sei'
gneur tant dedans que dehors le Serrail; ce font
les Oapigis & les ChiaOux. Le corps des Capieis
o u Portiers eft d'environ quatre cens perfoimes
commandées par quatre Capitaines de la Porte
qui font de garde chacun à leur tour les jours de
C o n f e i l : la folde des portiers eñ de quinzeafpris
par j o u r , qui reviennent à dix fols denôtremonnoye
: leur habic eft femblable à celui des Janil'-
f a i t e s , mais ils n'ont point de cornes devant leur
bonnet. Cinquante de ces Capigis font de garde
tous les jours à la porte de la premiere cour du
Serrail , & il y en a autant à cèlle de la co\ir du
Divan. • Q u a n d le Grand Seigneur cit malfatisfait
de la conduite d'un Viceroi ou d'un Gouv
e r n e u r , il lui envoyé un de ces Capigis avec ord
r e de d emande r fa tête. Le Capigi la coupe apits
l'avoir étranglé ; la met dans du fel pour lacoiiferver
fi le chemin ell long, & la porte daasuii
fac au Sultan ; ainii ces Capigis font autant de
bourreaux". •
Les Chiaoux font employez à des commiffions
plus honnêtes , ils portent les ordres de l'Empereur
dans tous fes Etat s , & font chargez deslett
r e s qu'il écrit aux Princes fouverains ; ce font
comme les Exempts des Gardes du Grand Seigneur.
Leur corps eii d*énviron fix cens hommes
, commandez par un Chef qui s'appelle le
Chiaoux-Bathi : cet Officier fait la fonflion de
Grand Maître des cérémonies & d'Introduéieu:
des Ambaifadeurs. Les jours de Divan il fe trouv
e à la porte de Fapparrement du Grand Seigneur
avec le Capitaine des Gardes qui cil de fervice,
L a paye des Chiaoux ell depuis douze afpres pat
j o u r jufques à quarante : ils font à la difpoiirion
du Grand Vifir , des Vifirs , des Beglierbcis, &
mêmes des fimples Pachas ; mais ondiliiiiguepar
la pomme de leurs bâtons , ceux qu'ils fcrveut:
car cette pomme eil d'argent pour les premiers
O f f i c i e r s , au lieu qu'elle n'eIT: que de bois pour
les autres. La plupart des Chiaoux font l'office
de Sergens pour aiTigner les parties à coinparoître
au Divan, ou à s'accommoder entre ellesj mais
ils ne quittent jamais leur bâtou ni leur bonnet:
ce bonnet efl: for t grand, femblable au bonnet de
cérémonie des premiers Officiers de l'Empire.
Il ell temps, Monfeigneur, que je vous entretienne
des Officiers qui logent hors duPalais
d u Prince, & qui n'y viennent que lorfqu'ils
f o n t mandés , ou que le devoir de leur charge
les y appelle. Le Sultan mec à la tétedefesMinières
le Grand Vifir, qui eft comme fon Lieutenant
général avec lequel il partage, ou à qui