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L a capîtaciou eft divifée en trois claffes dans cette
Ille ; la plus forte cil de dix écus trois paruts ; la
moyenne de cinq écus trois parats, la moindre de
deux écus & demi trois parats ; les trois parats font
pour celui qui donne la quittance ^ les fennncs &
les filles ne payent point de capitation : pour diftinguer
ceux qui la doivent on prend avec un cordon
la mefure de leur cou, après quoi on double
cette mefwre dont on met les deux bouts entre les
dents de la perfonne en queition ; ii la tête paiFe
franche dans cette mefure, la perfonne doit payer,
aucontraire elle ne doit rien li la tête n'y pailè pas:
fur cent billets de capitation on en met quatrevingt
de cinq écus; dix de dix écus, &.les dix autre
font de deux écus & demi :• on ne paye, point
de taille réelle , mais feulement quelques impôts
ai-bltraires pour acquiter les dettes de la ville, dont
les affaires palîent par les mains de quatre nouveaux
députez élus tous les ans, & de huit des anciens;
dans chaque village on élit deux adminiftrateurs &
quatre anciens.
L e 12. Mars nous allâmes au nord de l'ifle
voir les ruines d'un ancien Temple à cinq milles
de -a Cardamyla village à i8. milles de Scio, au
delà du port Dauphin : Cardamyla & le port Dauphin
ont confervé leurs anciens noms ; pour ce
qui eft du Temple , on ne fçait pas à qui il étoit
confacré ; mais on n'y voit aucuns reftes de magnificence.
Il étoit bâti de gros quartiers de pierre
cendrée au fond d'une méchante cale dans une vallée
étroite & defagreable : b la ficuation du lieu &
les amours de Ncpmne avec une Nymphe de cette
Ille,. nous firent Soupçonner qu'il avoit été dédié
à ce Dieu; car pour lé Templ e d'Apollon, dont
parle Strabon, il étoit au fud de l'IUe, & par conlequent
fort éloigné de celui-ci ; au deilbus de ce
prétendu Temple de Neptune coule une belle fource
qui fort d'un rocher, & qui peut-être avoit donn
é lieu d'y élever cet édifice:,il n'yapas d'apparence
que cette fource ait été la fontaine d'Helene
d;ms laquelle, comme dit Etienne le Geographe,
cette PrinceiTe avoit accoutumé de fe baigner : la
cafcade en eft aiTez belle, car elle fort d'un rocher;
mais on n'y voit plus ces marclies de marbre dont
p:\rle M' . Thevenot, il ne paroît pas même qu'il
y en ait jamais eu de femblables ; ce voyageur avoit
ctc fans doute mal informé, ou pour mieux dire,
on avoit confondu dans le manufcrit d'où il a tire
fa principale defcrîption de Scio , la fource de
Naxos avec la fontaine de Sclavia qui coule fur le
jTiiirbre dans le quartier le plus délicieux de l'IUe,
& que l'on fait voir aux étrangers avecraifon comme
une des merveilles de Scio. c S'il faut donner
quelque chofe aux conjcâurcs , il n'cft perfonne
a H" K^iS'i^tÛM. Thucyd. lit. I.
Tà Xi^has 'ix"'-
b P-iufaa. in .^clmic.
• C EVi xai Kf^à E^ew if' Sif-ttlt iKiiftT», Sup'i,
d L b. 3. «/>. 3.
« ùn/^aTfiii Afx/^ifawii. I
] qui ne juge que Sclavia ne foit la fontaine d'Helc
n e , dont Etienne le Géographe a fait mention.
A propos de fontaines, nous n'oiamcs pas de
mander des nouvelles d'une autre fontaine de Scio"
qui au rapport de d Vitruve faifoit perdre l'cfpJ'
à ceux qui en buvoient, & auprès de laquelle on
avoit mis une épigramme pour avertir les paff
des méchantes qualitez de lès eaux : nous
parlâmes pourtant en pallant à « Mr. Ammii-a]],
qui a étudié à Paris & qui exerce la Mcdecine avec
applaudiiîcment dans Scio fa patrie ; il nous alîùfj
qu'on ne parloit plus de cette fontaine dans I'lfle
non plus que de la terre de Scio dont Diofcorid^
& Vitruve ont parle : il eft vrai que perfonuene
s'attache à l'hiftoire naturelle dans ce pays-là ; je
grec littéral même y eft très-ne^ligc. Mf Ain;ii¡.
ralli qui a traduit l'Anatomie de Bourdon eu cciic
langue ; les Papas Gabriel & Clement, font h
trois feules perfonnes de l'ille qui l'entendent; ¡li
eftiment les lettres Gréques de Budée, & les Poëfies
que M, . Menage a écrites en cette langue.
{ 'Cette liîe a produit autrefois de très-habih
gens : ion le Poëte tragique, Theopompc l'HiÎ
torien, Theocrite le Sophifte : les Sciotes prétendent
même qu'Homere , reconnu pour le Priiice
des Poetes étoit de leur pays , & en montrait
encore l'école au pied du mont Epos fur le bord
de la mer à près de quatre milles de la ville : c'eit
un rocher aifez plat , fur lequel autrefois on 1
taillé au marteau une efpece de baflîn rond, de
vingt pieds de diametre , & fur le bord duquel on
pouvoit s'aiTeoir ; du milieu de ce baffin s'éleve
une piece de rocher taillée en cube, haut d'ciiviroii
trois pieds, & lai-ge deux pieds huit pouces , fw
les cotez duquel on a fculpé anciennement des animaux
li défigurez qu'on n'y connoît plus rien, quoi
qu'on s'imagine d'y trouver quelque rapport avec
des figures de lions.
g 11 eft diíBcile de décider de quelle ville ctoii
Homero : fl -femble qu'il ait voulu cacher lui-même
le lieu de fa naiffance : car il n'en dit mot en
aucun endroit de fes ouvrages. ii Leo Allatius
très-fçavant homme, natif de Scio, n'a rien oublié
pour prouver qu'il étoit de cette Ifle; & tout bien
coniîderé , quoique fept grandes villes fe foient à
l'envi attribuées la naiiîance d'Homerc , ilyi
beaucoup d'apparence que ce grand homme devoit
être de Smyrne ou de Scio : peut-être que l'Ecole
d'Homere que l'on y fait voir comme \m illuftre
monument, fervoir à exercer ceux qui en vouloieiit
apprendre les vers; car les Homerides, du confentement
de tous íes Auteurs, étoient habitans &
citoyens de l'Ide : on les fait defcendre d'Homerc;
& dans cette fuperftition , ils pourroient avoir tait
tailf
Str.ii. -¡{trutn Cco^rAph. lié. :o.
p fiVra •!ri>.íi( ^npí^evri» wfpi O^JÍfoy.
2/íúfía, KoMpuy , SiKauit, Xlif , Aj-Vîf, Aa-."!-«'-
Gell. Sirak. \c'um Gti^r. Oh. i.
Il Ls» .AlÎM. Ae ptiria ¡¡m.
II