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feauîc qui l a rcndcnt'extrémcmcnt fertile, & je
d o u t e qu'il y ait un païs lar la terre où l'on recueille
autant de denrées tout à li fois. Outre
]a grande quantité de toutes fortes de grains
q u ' o n en retire , on y trouve des champs d'une
é t e n d u e prodigieufe, tout couverts de tabac. Ce
i e r o i t une plaifanie queftion à propofer en Botanique
j favoir li cette plame étoit dans le Paradis
Tcrreftre, car elle fuit en ce monde les dél
i c e s de bien des gens qni ne fauroient fe paifer
d ' e n faire uD' continuel ufage : cependant origin
a i r e m e n t elle vient d'Amerique ; mais elle fe
p o r t e auiTi-bien en Alie que dans fon propre pays.
X^e relie de la campagne des T roi s Eglifes eQ plein
<Je R i s , de C o t o n , de Lin , de Melon dePaft
c q u e s » & de beaux vignobles. Il n'y manque
q u e des Oliviers, & je ne fçai où la Colombe
qui fortic de l'Arche fot chercher un rameau
d ' O l i v i e r , fuppafe que l'Arche fe foit arrêtée fnr
l e Mo n t Ararat,"ou fur quelque autre montagne
d ' A r m e n i e ; - car on né voir pas de ces forcesd'arbres
aux environs, ou il faut que l'efpece s'en
foie perdue ; cependant les Oliviers font des arbres
immortels. On cultive aulTi beaucoup de
Riçïmis autour du MonaQere , pour en tirer de
3'huile à brûler; celle de Lin e(t employée pour
l a cuiline. Celt peur-être pour cette raifon que
1-e Pleurel i e ert ailez rare en Armenia , quoique
l e cliiîiat y foit inégal, &par.confequent propre
à produire cette maladie. Gefner remarque que
r i i u i l e de L in, bcuë à la place de celle d'amandes
douces , eft un excellent remede pour la
P l e u r e f i e .
A l'égard des Melons , il n'y en a pas de mcilleurs.
daiis tout le L evant que ceux des-Trois Eglif
e s & des environs. Pour trente fols nous en fais
o n s charger un de nos chevaux , & parmi ce
grand nombre il s'en trouvoit quelques-uns fbrt
i i j péri e a r s à ceux que l'on mangea Paris: mais ce
qu'il y a d'admirable, c'eft qu'ils|eng.raiirent, &
qu'ils, ne font jamais aucan mal , plus nous en
mangions , & mieux nous nous, portions. Ceux
q u ' o n appelle Melons À''eau ou Pajléques^ dans la
plus forte chaleur du jour , , font comme à la glace,
quoique couchex fur terre aa milieu des champs
o ù la terre eft très-chaude. On ne le^ cul t ive pas
dans des lieux aquat iques, comme on le croit en
c e pays-ci; maison ks appelle Melons d'eau, parc
e que leur chair ne fe fond pas feulement à la
b o u c h e , mais qu'elle répand uneiîgrande quantité
d'eau qu'on en perd la moi t i é , fur-tout quand
o n mord dans le fruit, comme font les gens du
pays ,qui Icspelent & les mangent ordinairement
comme des pommes. Nos Poires de Beurrék la
Mouille-bouche font feches en comparaifoa de ces
M e l o n s . Ce feroient les fruits les plusdélicicux
tia monde s'ils avoicnt autan: d'odeur & dégoût
que les autres Melons. La chaii: des Melows d'eaudevient
plus ferme dans leur parfaite maturité
k à proprement parler ne fe fond pas, maiscetic
eau délicienfequicil renfer-méedanslcs cellulcsdc
la chaic , fe vuide fi a b o n d amme n t , comme par
autant de petites fources , que bien fouvent les
Orientaux préferent ce fruit [aux meilleurs Me
Ions. Les Arméniens appellent Carpom les Melons
d'eau , mais ils ont pris ce n om des-Grecsqui
le donnent ¿.tous les f rui ts, & dans cc
fens-là veut dire un fruit par excelknce. On éleve
les meilleurs Melons d'eau dans ces terres falées
qui font entre les Trois Eglifes & l'Aras,
Après les pluyes. on voit le fel marin tout crilhi^'
life dans les champs , & qui craque m^mefous les
pieds. A trois o a quatre lieues des T roi s Eglifes
f u r le chemin de Tefiis , . il y des carrières de
f e l f o f f i l e , lefqucl les, fans .être épu-ifées ,en fourni«
roient faffifamment à toute la Perfe. On yeoupc
le ici eu gros qitarticrs c omme o n tailleles pierres
dans nos carrières, & l'on charge deux de ces
quartiers fur chaque Bufl-'. O u trouve quelquefois
des. troupes de ces aiiimaux qui fe fuivent ñu les
grands chemins, & qai ne portent point d'autre
m a r c h a n d i f e , car en Levant on compte lesBulies
parmi les .bétes de fommc. Les Orientaux s'imaginent
que le fel croît dans les car r ières,étque lej
e n d r o i t s où l'on en. a coupé depuis long-temps fe
remplilîcnt peu à peu : mais qui eft-ce qni a fait
ces obfervations avec exaiftitnde ? on m'en dit de
même à Cardone en Efpagne, où fe trouventles
plus belles carrières ou mines de fel qni foieiitdans
le rerte du monde. Cette montagne n'eft qu'un
bloc de fel qui paroît comme une roche d'argent
dans le temps que le foleil éclaire les endroits qui
n e font pas couverts de terre. Ceux qui travaillent
dans les-carrières de marbre font Jdans lámam
e prévention, & croyent, plutôt par tradition
que par bonnes raifons,. que les. pierres croilTcui
véritablement par un principe intérieur, comme
les Truiïès & les Champignons : ainli le préjug«
touchant la végétation des fofiiles cft bien plus
étendu qu'on ne s'imagine, mais, ce n'eft pas fur
ce préjugé qu'il en faut juger, c'eft fur des obfervations
bien vérifiées.
N o u s faifions aiTezbonnechere dans le Moiiaft
e r e des TroisEgl i fes o ù n o u s étions logez à iiôtrî
aife:. comme il n'y avoit pas beaucoup d'étrang
e r s , nous avions autant de chambres que nous
en voulions. Les Religieux, qui font la plupart
yerlabiets ,. c'cÛ. ál'cc D.oâeurs ^ boivent à la glic
e . & nous en i'aifoicnt donner fuffifammeiit,
mais ils.n'ont pas de fecret pour chafler les confins
de leur Couvent. Nous étions oblige?. la nuit de
quitter nos chambres & de faire portar nos niatelats
dans le Cloî tre ou autour de l'Eglife, faruQ
p a v é d e g r a n d s carreaux bien ent retenus . Les coufiiiî