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dims le Scrrail dii Grand Seigneur, on nevoitcheî
Son Excellence qne des piles d'uffiettes d':ii-gcnt, &
des buffets charge! de baffins, d'aigiiieres, de ¿)ucoupcs,
de vafes, de flacons de la même maticre ;
la magnificence & les manières polies & engageant
s du maître, y attirent toutes les nations du monde.
On ne peut trop admirer avec quelle fermeté
Mr. le Marquis de Ferriol foûtient la grandeur du
nom t rançois , dans une Cour où l'on ell expofe
tous les jours aux caprices des nouveaux Miniiires.
Tandis qu'on travailloit à nos habits à la Turque,
nous courions par tout pourvoir les beaute?
de la ville, vêtus à la Ftancoife, l'épe'e au côté
la perruque poudrée, & le chapeauretrouifé, quoique
rien ne choque plus les Mufulmans, fur tout
ceux qiu font un peu avant dans la terre ferme. On
a mis fur nn autre pied ceux de Conllantinople &
de Smyrne, ils fe font faits à nos maniérés si force
de nous voir dims nôtre équipage ordinaire : nous
n euflions tait aucune difficulté d'aller dans les rues
i m s Jamlfiires, li Mr. rAinbaflideur, parunediftuiihon
qu'il accorda à nôtre qualité d'employez
par Sa Majeflé, n'eût ordonné qu'ils nous accompagnaifent
par tout.
L e s rues de Conllantinople font très-mal payees
, quelques-unes mime ne le font point du
t o u t , la leule rué qui va du Serrail à la porte d'Andrinople
eft pratiquable , les autres font ferrées ,
obfcures, profondes, & reflemblent prefque à dej
coupe-gorges : on ne laiiiè pas d'y trouver de
temps en temps de bons édifices, des bains, des
bazars & quelques maifons de grands Seigneurs
bâties a chaux & à fable avec des encoigneures dé
pierre de taille, & dont les appartemens ont des ennlades
allez bien entendues.
L a ville nous parut mieux pcuDlée qu'on ne
dit, quoique les maifons n'ayent que deux étages
elles font toutes occupées & bien remplies. Après
y avoir fait attention, je ne doute pas qu'il n'y ait
autant de monde à Conllantinople qu'à Paris ; on
voit peu de Turques dans les rues, elks fe tiennent
dans leurs appartemens , fins fe trop embarraifcr
de ce qui fe palfe dans le refte du monde
excepté certaines fcnuiies de Pachas abfens lef
quelles ne haiiTent pas les étrangers ; mais leurs
intrigues ne font pas fans danger, & la cruauté
fticcede quelquefois à la tendrefle. Les maris pour
letir oter tout pretexte de fortir, leur ont perfuadé
qu il 11 y avoit point de paradis pour les femmes
on du moms que pour y aller, fuppofé qu'il y en
eut un , il n'étoit pas necelfaire de prier hors de
chez foi. Pour les retenir agréablement dans leurs
maifons, ils y font bâtir des bains, & les amufent
avec du caffé : mais cette précaution cft fouveiit
mutile; on y introduit de beaux garçonstraveftisen
femmes efclaves, qui portent des nippes & des bijoux
a vendre. Les Juives ne manquent pas d'adreilè
pour favorifcr les belles paffions, néanmoins les in-
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trigues y font plus rares que parmi nous &
part des Dames Turques font Obligées de
chez e les , & de s'y occuper à broder, fL
pouvoir faire mieux. Les Gréques, les'ju "
Arméniennes ont plus de liberté, mais elles l ,
tent pas auffi fouvent que nos femmes , pircc
les elclaves font toutes les agàires du dehors r,
me d aller au marché & en commiflion. P-ili,
roitro.t beaucoup moins peuplé, fi l'on ne reim,;
troit pas toute la journée dans les rués des f c Z
de toute lorte d'Sge & de condition ®
Plufietirs choies ont contribué à mieux pemw
Conllantinople que les autres villes de TirZ,
le negoce & les profits qu'il efl aifé d'y faire- lir'
perancede s'avancer dans une Cour, où ir,,',,
point de gens de qualité, & où par confeq,«,,
eft aflèz naturel de fe flatter qu'on s'y eleven 1
fon mérité & par fon argent; la inifere , „ iÇ
foulfre dans les Provinces, où les Pachas ont toi
jours exerce de grandes cruautez ; enfin ccpm!
digieux trafic d'cfclaves qui s'y fait inceifammen '
ces derniers s'y multiplient par le mariage, & fo„,
nilfent un grand nombre d'irabitans à la ville 1
fimble qu'on ait affeflé de tout temps d'amener
Conftantmople de puilfantes colonies, je ne m 1
pas des fatinlles Romaines que Conftantin eiMra
de s y établir ; Glycas alfurc que cet EmperS
ayant donne aux Senateurs qui l'avoient fuiyi |t
commandement de fes armées de Perfe , il retint
eurs anneaux qit'il envoya à leurs femmes poiir
les obliger de quitter R ome , de venir joindre lents
maris, & de s'attacher à fa Cour. Mahomet II
a);ant pris Amaftris appartenant aux Génois fit la
cotes cie la Me r Noire , en fit palfer prefque tons
jcs habitans a Conñantiiiople l'an 1460. En ifii
Selim s'etant rendu le maître de Taiiris en Petfe
en amena tous les ouvriers : Barberoufli y faifoit
lonycnt conduire les peuples de l'Archipel tloiitii
avoit fournis les Mes:en 1^37. il y fitpafliriiom
prifonniers de Corfou : dans les dernieres goene!
d Hongri^e combien n'y a-t-on pas amené dertn!
d e t o u r f e x e ? °
L e s premieres promenades qne les Etratirets
font dans Conftantinople, font ordinairement leftinees
a la viiite des Mofquées Royales : il y eiii
lept qui portent ce nom. Ces bitimens très-beau!
dans leur genre, font tout à fait finis, & parfaitement
bien entretenus, au lieu qu'en France nous
n avons prefque point d'Eglife achevée : filancfei
eltimée par fa grandeur & par la beauté de fou cintre,
le choeur eft imparfait;fi ces deux parties font
finies le troiitifpice n'eft pas commencé : la pl4-
part de nos Egliics fur tout dans Paris , font entourées
de bàtiinens profanes, on loge des finiillej
entières entre les arc-boutaiis, on profite du moindre
auvent pour y drelfer dés boutiques ; ces Egliles
n ont fouvent ni place ni avenue. Les Mofqii&s
de Conllantinople au contraire font ifolées & renfermees
dans des cours fpacieufes , plantées de
beaux
G-re^^u&s de ConsOintin^jite,
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