
H V O Y A G E
l'i I'
c e t t e fontane eft pique'o de cotton , quelques
T u r c s en ont de drap d'Angleterre du plus fin.
L e doliimn eft all'ei jullc fur la poi trine, & fe
b o u t o u n e avec des boutons d'argent doré ou de
f o y e , sros c omme des grains de poivre. Les manc
h e s font auffi fort j n i k s & ferrées fur les poig
n e t s avec des boutons de m i m e groffeur, qui
s ' a t t a c h e n t avec des ganfes de foye an lieu de
b o u t o n n i è r e s , de mime qae ceux du doliman.
P o u r s'habiller plus promptemeiit on n'en bout
o n n e que deux ou trois d ' e f p a c e en efpace : ces
m a n c h e s fe terminent quelquefois par un petit
r o n d qui couvre le deffns de la main. L e dolim
a n eli: fer r é par une ceintur e de foye de di.-i on
d o u z e pieds de long, fur un pied & u n quart de
l a r g e ; les plus propres fe travaillent à S c io. On
f a i t deux ou trois tours de cette ceinture , en
f o r t e que les deux bouts qui font tortille?, d'une
m a n i e r e allei agréable , pendent par devant.
I l s portent un poignard , & quelquefois deux
d a n s cette ceinture ; ce font des couteaux à gain
e , dont le tnanche eli garni d'or o u d'argent,
& de pierreries. Comme ils n'ont point de poc
h e s , la m ême ceinture leur lert à porter leurs
m o u c h o i r s . Ils mettent tout dans leur fein, bourf
e à tabac, porte-lettres , &c. ce qui les fait par
o î t r e fort gros. L a grande vette couvr e ce dolim
a n , & pendant les chaleurs ils la por tent en
m a n i e r e de cafaque fans palTer les bras dans les
m a n c h e s ; mais ce ferait une chofe fort indécent
e de fepréfenter en cette pofture chez les gens
d e dilliuaion. Les manches de ces vertes font
a f l e l étroites & l'on ne les doubl e pas de fourr
u r e s , car outre que cette grofl'eur feroit defag
r é a b l e , c'ell qu'ils pourroient à peine s'aider
d e leurs bras ; elles defcendent jufques fur le
p o i g n e t & elles font rétrouflces avec un parem
e n t aifez large, qui e.H d ' u n e f o u r r u r e pareille
à celle dont la velie ell doublée. Les fourrures
o r d i n a i r e s font de peau de Renard , de Martre
d e petit gris : les plus belles font , ou de queues
d e Ma r t r e Zibeline bien foncées & prefque noir
e s , ou de gorges de Renard de Mofcovie, blan-
1 é b l o u î t : ces dernieres font rtès-cheres ,
; qu'il faut un grand nottibre de queue s de
- ou de gorges de Renard pour fourrer
c i n q cens ecus
• e v i e n n e n t à qua-
' e t t e s fontde drap
e H o l l a n d e , écarc
h e s i
u n e velie ; elles coûtent depui
• j u f q u ' à mi l l e ; les plus chercs
i r e o u cinq mille livres. Les i
d ' A n g l e t e r r e , de France, on de
c o n n t i e
l a t t e , couleur d cmu f c , couleur de caffe
^ i ' o l i v e , & defcendent jufqnes au\- talons
l e s robes des anciens.
L e Turban ou Saric e(l compofé de dcu\- pièc
e s , c'eft à dire du bonnet & d e la fei f e o u linge
q u i eft autour. Les Turcs nomment le linge
'iKlbenil, d'où nous avons fait T u r b a n . Le bonn
e t ert une maniere de toque rouse ou v^h«
ñ u s bords , aflH plate , quoique arrond e .;
d e i T u s , matelallée, pour ainlî dire, avec du e ?
t o n mais elle ne couvr e pas les oreilles : „„
r o u l e autour de cette toque un linge de cotton
f o r t cia r , lequel fait differens totfrs en di cr
f e n s . Ily a de la f c e n c e à favoi^r donner le bo
a i r aux 1 urbans, & c'ell un mitier en Turouie
c o m m e chez nous de vendre des chapeau'
L e s Emirs qui fe vantent de defcendre de li
r a c e de M a h ome t , portent le T u r b a n tout vetii
c e l u i des autres Turcs eli ordinairement routi
a v e c la feife blanche. Il faut changer foimS,
d e Tni-ban pour être propre : à tout ptcniirc
c e t habit ne lailfe pas d'être affez c ommo d e , & -e
m ' e n accoimnodoi s mieux que d e m o n habit à li
F r a n ç o i f e .
L e s Tur c s prennent beaucoup de foin h font
g r a n d cas des belles barbes. Chez eux une do
p l u s grandes marques d'amitié , c'elt de fe bjif
e r en fe prenant la barbe ; comme auiîî c'eft
u n e injure atroce d'attacher le poil de labirlu
à quelqu'un , ou de la lui couper. Quand ils
j u r e n t , c'ert par leur bapbe. Les gens de Loi
l e r o i e n t :mépiifez s'ils n'avoient pas de la barbe.
G e n s qui s'attachent aux armes fe contentent de
p o r t e r une belle m o u l l a c h e , & fe piquent d'avoii
^ beaux crochets. La maniere de faluer chei te
T u r c s , c'eft d e faire une legere inclination dt
t e t e , & de porter en m ême temps la main fur
l e coeur en fouhaitant mille benediaions , 4
a p p e l l a n t frétés ceux que l 'on falue. Quandc'til
u n homme de diftinflion , on s'avance jnfque!
-à lui f ins fe courber ; & quand on eli -à p c r i ie on
f e baiffe pour prendre l'un des bouts du deïjiil
d e fa velie , que l'on leve à la hantent d'env
i r o n un pied & denri ; on baîfe par refpeci,
o u bien on laillé totnber ce bout de vefte , fiiv
a n t la qualit é des perfonnes : lors qu'on a fiit
f o n compliment , ou qu'on a parlé d'affiiîres
o n fe retire après avoir obfervc la même cirér
n o n i e .
D a n s les (impies vilîtes on ne fait que port
e r la mai n fur le coeur ; on fe place les piej!
c r o i f e z fur le fopha , qui eft une elirade un pen
é l e v é e ; on prefente ordinairement des pipes tont
e s allumées très-propres , & dont les tliyin!
o n t deux ou trois pieds de long , lefqucls p.u
c o n f e q u e n t ne lailfeiit monter à la bouche que
la f umé e la moins acre, déchargée de cette huile
f oe t i d e qui brûle la langue & enfliime le p.ilais
l o r s q u ' o n fume avec des pipes cour t e s d'aill-iurs
o n fume dans le Levanf l e plus agréable tabac
d u monde ; ordinairement c'eft du tabac deSil
o n i q u c , mais celui des côies d'Alîe eli encore
m e i l l e u r , & fur tout celui de Syrie, qu'on app
e l l e tabac de VAtaxi ou {"Ataqiiia , parce qu'on
D U L E V A N T . Lettre X l K
5 5
fe cultive autour de l'andcnnc ville de Laodicée.
Les Turcs mclent du bois d'alocs ou d'autres
parfums parmi_ce tabac, mais cda legate. Le.
ioix de leurs pipes font ^ u s groiTes & plus commodes
que les nôtres. Celles de Négrepoiit &
de Thebes font d'une terre naturelle que l'on
c o u t e a u en fortanc de la carrière,
is la fuite. Après le tabac on
raffé & le forbet; le caffé eit
taillL
& q u i f e d u r c i t d;
preferite auflì le
;is n' y mettent jamais de fucre,
o u parce qu'ils le t rouvent meil-
, Outre le tabac , che?. les gens
m e aulTi le parfum. Unefcl;
foie par avarice,
leur tout naturel
de qualité o n dor
fait brûler des d rogue s fc
d'autres tiennent un linge
empêcher qoe la fumée ne
il faut ¿tre fait à ces odeur
IniiTent pas d'être nuilibles.
La plupart des vifites fe paiTent en pareilles cérémouies.
ò c r e nez , tandis que
f u r vôtre tête pour
f e diiTipe t rop vite ;
, autrement elles ne
U n e faut pas avoir beaucoup d'efprit
pour fe t irer d'affaire; la bonne mine & iaj g r a -
vité tiennent lieu de mérité parmi les Orientaux
, & t rop de brillant gâteroit tout : ce n'efl
pas que les T u r c s ne foient gens d'efprit, mais
iij parlent p eu, & fe p iquent plus de iincerire'&
¿cmodeÛie que d 'éloquence. Il n'en eft pas de
mcine parmi les Grecs qui font dés parleurs impitoyables.
Quoique ces deux nations naiffent
fous le m ême climat, leur humeur eft plusdifFemiteque
fi elles étoient bien éloignées les unes
des autres ; & l'on n'en faiiroit rapporter lacaufe
qu'à la differenre éducation qu'on leur donne.
Les Tur c s ne difent point de paroles inutiles :
te Grecs au contraire ne ceffent d e parler. En
Hiver ils paifent des journées entières dans les
W s f t r / ; c'eft là où fe tiennent les grands caquets
& le prochain n'y cft pas épargné. Ces
Tendeurs font des tables garnies de bois par les
côtez, dans lesquelles ils s'enferment jufques à
la ceinture, hommes & femmes , tîlles & garçons,
après y avoir fait mettre un petit poile
pourcciiaufferlelieu. Nos MilTionaires ont beau
(icclamercontre lesTei idours, l'nfage en efttrop
commode pour être fapprimé. Les Turcs praci-
««eut ce que leur Religion leur o rdonne ; les
Grecs au contraire n'en ont gueres, & lamifere
1« oblige à faire bien des fottifes que le mau-
^•ais exemple autorife . & perpétue de pere en
•ils dans les fami l les. Enfin les T u r c s font prol
e f T i o n c i e c a n d e u r & d e b o n n e foi , au lien que la
foi des G r e c s e i l f u f p e a e depuis long-temps; on
naqu'à lire leurs Hiftoriens.
L ' u n i f o r m i t é regne dans, toi"
«i-cs; ,1s ne changent jama,
'le faut pas s'attendre à de <
d e chof e les fatistait
*• ÎBWf hi: ptifaiwiH!» Or^z.1. Holit.
•s les aérions des
d e genre de vie.
m d s feftins chez
& l'on n'entend
pas dire qu'un T u r c fe foit ruiné par trop de
b o n n e chcre. Le ris eft le fondement de leurs
c i i i l i n e s ; ils l'aprétent de trois difîcrentcs man
i è r e s . Ce qu'ils appellent Pilau eft u n ris fee,
m o i l e u x qui fe fond dans la bouche , à qui eft
p l u s agréable que les poules & les queues de
m o u t o n avec quoi il a bouilli. On le laiOe cuire
à petit feu avec peu de bouillon fans le remuer
n i le d é couvr i r , car en le remuant & en l'eïpof
a n t à l'air il fc met t roi t en bouillie. L a fécondé
m a n i è r e d'apprêter le ris s'appelle L a f p a , il cil
c u i t & nourri dans le bouillon , à la m ême coni
i f t a n c e que parmi noiis , & on le mange avec
u n e cueillier, au lieu que les Turcs font fauter
d a n s leur bouche avec le pouce le pilau par petits
p e l o t o n s , & que le creux de la main leur tient
l i e u d'ailiette. L a troiiiéme eft XtTchorba-. * c'eft
u n e efpéce d e crcme de ris qu'ils avalent comm
e un boui l lon: il femble que ce foie la prépar
a t i o n du ris dont les anciens nourriiToient les
m a l a d e s . ^
L e s poules font merveilleufes dans le Levant,
m a i s ia viande de boucheri e n'y eft pas bonne en
bien des endroits. On y vend fouvcntdu buffle
p o u r du boeuf , & la chair du buffle eft fort cor
i a c e . Le mouton y eft t rop gras & fent le fuif,
f u r t o u t la queue qui ii'eft qu'un peloton de
g r a i f l è d'tine groiTeur prodigieufe ; les-Turcs ne
l o r s qu'on veut mettre
i l s n 'aiment que le potai
n d e par morceaux fort
t u e n t îes moutons qu
le pot au feu. Comn
g e , ils coupent la '
m e n u s avant que de 1
& la font bouillir a
Q u a n d ils la veulei
e n c o r e plus menu, & enfilent tous les morceaux
d a n s des broches fort longues , mettant altern
a t i v e m e n t un morceau de viande & un oignon.
A Conftantinople on mange de bon boeuf &
d ' e x c e l l e n s lièvres. Sur les côtcs-d'Ai î e les franc
o l i n s font merveilleux, & les perdrix exqiiifes.
L e meilleur poillbn du monde fe pèche dans le
L e v a n t . Outre les efpéces que nous connoiiTons,
l a mer Noire leur en fournit quantité d'autres
qui nous font inconnues. Les Tur c s fe régalent
q u e l q u e f o i s d'un ragoût de viande hachée avec
u n peu de graiïïc , & parfemce de ris tout crud;
o n en f o rme des pelotons que l 'on envelope dans
d e s feuilles de vigne, ou de choux fuivant la faîf
o n ; après cela on les fait cuire dans une terrin
e couverte. Par tout le L evan t on fait de mauvais
l a mettre dans la marmite,
v e c toute forte de gibier,
f a i r e rôt i r , ils la coupent
pain avec pourtant^ d'excellent grain ; leur
pâce n'eft ni battue ni levée , mais cela n'empêc
h e pas qu'on n'y trouve fouvent d'affev. bonn
e patifferie & de la pât e feuilletée très-délicate.
L e u r vaiiTelle eft de porcelaine , de fayence ou
d ' é t a i n . La plus c ommu n e eft de cuivre étamé,
car
¡I
. Il m
| l t I 'S
T • Mil