
D U L E V A
Pour revenir aux chevaux de Candie , les Dames
Turques ou Gréques, qui ne fçauroient le
ftrvir dlutre voiture , à.amfe de la difficu té des
hemins, ne defcendent jamms & I on n'entend
( ms dire qu'il leur arnve. d'accidents fâcheux par la
chûte de leurs chevaux r ces petits chevaux lonc
merveilleux pour courre le lièvre; cette chaile &
Il chaire à l'oifeau , font celles que les Turcs" ai-
1 ment le plus; il el^ vrai que leur oifeaux font exccllcns
& bien drelTez : on en faifoit nne efpéce
de commerce du temps que l'Iilc appartenoit aux
I Vcniriens ; on en porte encore quelques-uns en
Allemagne par la voye de Vernie ; la plûpart
l font deitinez pour Conilantinople , de meme que
i ceux qu'on élevedans quelques autres liles de l'Ar-
^'^^ous les chiens de Candie font des lévriers, bâtards,
malfaits, fort élancez, & qui paroiiTent tous
de même race : leur poil eft aiTez vilain, & par
leur air il femble qu'ils tiennent quelque chofe du
loup & du renard. Ils n'ont rien perdu de leur
ancienne fugacité , & naturellement ils font tous
grands preneurs de lièvres & de petits cochons :
lorfque ces chiens fe rencontrenfentre eux, ils ne
fuyent pas, mais ils s'arrêtent tout court, 6c commencent
à gronder en fe montrant les dents , qui
! ne font pas les pins laides parties de leurs corps ;
après quoi- ils fe féparent de fang froid : on ne
' voit pas d'autre efpéce de chiens dans ce pays ; iî
I femble qu'elle s-y foit confervée depuis la belle-
Grèce : il n'eft parlé cheî les anciens que dès chiens
I de Grèce, & de Lacedemone, quoique'inférieurs
I à nos lévriers, lefquels-font fort communs en Afie
I & aux environs de Conftantinople, où ils trouvent
i bien à exercer leurs talcnsdaus ks plaines de Tiirace
&-d'i\natolie.
N T. Lettre II. 3 7
Nous avions à nôtre fervice un de ces chiens-de
Candie , qui pourroyoit quelquefois à nos befoins'
dans les-endroits les plus éloignez des villages:-
Arab, c'étoic le nom de nôtre lévrier, avoit une
fi grande averfionpour toutes- les perfonnes coiffées
avec des turbans ou des bonnets, qu'il s'étoit luim^
mc rétiré dans un des coins du vellibule de la
maifon de nôtre Confuí, où il attendoit tranquillement
qu'on lui donnât à manger, fans- ofer entrer
dans la cuiline : dès que quelqu'un fe'préfentoit en
chapeau, il venoit lui faire mille careiTes : nous
prîmes amitié pour ccf automate quand nous fçû--
mes les avantages qu'on en-pouvoir retirer, & parce
qu'il s'attacha plus à nous qu'aux autres Fnín-^
çois : à la-campa^ne on n'avoit qu'à lui faire le
lignai; c'eil-à-dire"frappcrdes mains &: l'appcller
trois ou quatre fois par fon nom : il partoir d'abord'
pour aller- à la challe , & ne revenoir jamais-fans
nous rapporter quelque lièvre eu quelque cochon.
Du temps de l'ancienne Crète les cochons n'étoient
pas expofez à ces fortes d'infultes , on les regardoit
comme des animaux facrcv,, iliivant un 'fragment
d'A^atocles le Babylonien que a Athénée
nous a coniervè : cette vénération pour les cochons
n'étoit fondée pourtant que fur une fiible, laqucller
aifûroit que non feulement Jupiter étoit né furmont
Diâé, mais qu'il y avoit été allaité par untf
truye : Arab & fes amis auroient fait mauvaife
chère dans ce temps-là; il nous fuivit jufques à la
marine, lorfque nous allâmes nous y embarquer,
mais il n'entroit jamais dans aucun • bâtiment, &'
il les fuyoit avec autant de précaiitron- que les turbans,
comme s'il avoit voulu reiîer dans rifle,pour
y chailèr & fournir des lièvres ou des cochons aur'
autres François qui y demeurent. J'ai l'honneur
d'i2trc, avec un profond refped, &c= .
L E T T R E 111.
STJT PRESENT HE L'EGLISE GRE'^E.
M O N S E I G N E U R ,
Comme j'aurai l'honneur dans la fuite de vous
parler fouvcnt des Patriarches, des Papas, des Caloyers_,
& des autres Miniftres de TEgllfe Gréque-,
je crois qiie-pour éviter les répétitions , il vaut
miaix'vous entretenir dans cette lettre de tout ce
que j'ai appris de l'état préfent de.cette Eglife.
Elle eil tombée dans un defordre il atfreux depuis
la b priië de Conftantinople par Mahomet I F.
que pour peu qu'on ait de zèle pour la religion,
on ne fçauroit la confiderer fans verfer des larmes:
cependant quelque dèfir que les 7'urcs aycnt montré
d'humilier les Grecs, ils ne leur ont janîais-dé^
a D<;>H. lik. s.
fendu ni l'exercice , ni l'étude de leur Religion ; '•
au contraire le Sultan , dont on vient de parler,
pour leur marquer qu'il n'y vouloit foire aucun
changement, honnora le premier Patriarche que
l'on élût fous fon regne, des mêmes préfens que
les Empereurs Grecs av-oient -accoutumé de faire
dans ces occafions.- Ces préfens • confilloient
en mille écus argent comptant, un. bâton pañoral
d'argent uncrobbe de camelot, & un cheval
blanc.
Ce n'èfl donc qu'à l'ignorance de ceux qui gouvernent
l'Eglife Gréque qu'il faut attribuer ia déca---
dcnce,. & cette ignorance eft la fuite des miféres
de l'cfclavage. Les plus habiles d'entre les Grecs,
après la perte do la capitale de leur Empire, fe re-
• E 3 . ù,-
b. En 1453^