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y voit des Cipocitis ; des Jcfoucs , des Reco-
1ers. L;i langue Provençale y brille fur toutes
les imres, parce qu'il y a beaucoup plus de Provençaux
que d'autres nations. On citante publiquement
dans Jes Eglifes , on pfaimodie , on
prêcire , o;i y fait le iervice Divin fans aucun
t r o u b l e ; mais d'un autre côté on n'y garde pas
aifez, de niefures avec les Mahometans , car les
Cabarets y font ouverts à toutes les heures du
j o u r & de la nuit. On v joue, on y fait bonn
e chere, on y danfe à la Françoife, àlaGrecq
u e , à la Turque. Ce quartier feroit très-bean
s'il y avoir un Quai far le Por t , mais la mer
vient battre juLques au derriere des maifons, &
les batteau.t entrent , pour aiulî dire dans les
inaç^azins.
M r . Royer nôtre Confuí foûtient très-dignement
l'honneur de fa nation ; il clt dans un petit
Palais où les honnêtes gens font reçus fort
agre'ablcmcnt ; il cil avec cela fort bien tait ,
fçavant, habile, bienfaifanr, fur-tout très-applique'
à tout ce qui regarde l'honneur & l'avantage
des François. Comme il avoir eû la
complaiGince de nous loger chcî lui , nous nous
y trouvâmes lorfqne les Negoeians Anglois &
-Hollaudois vinrent lui fonhaiter les bonnes Fêtes.
Son Buffet e'toit fort bien garni , car outre
les vins du Pays , il y avoir abondamment de
cens de France, d'Italie & d'Efpagne ; les li-
( j n e u r s , & les differens fruits fuivant lafaifon,
n 'y ctoient pas épargnez : voici comment fe
palia la Fet e oiî nos principaux Marchands étoient
invitez pour foûtenir l'honneur de la nation.
Après les compl imens ordinaires , on prefenra à
boire à tout le monde , & il falut faire raifon ,
ou du moins en faire le feniblant en portant le
verre à la bouche. Mr. le Confuí fut condamné
c e jour-là à boire à plus de cent rcprifes diiier
e n t e s , de toutes fortes de vins. Quand les Anglois
& l,;s Hol landoi s fe furent retirez , les Grecs
les Arméniens & les Juifs parurent à leur tour!
N o s Marchands vont auffi faire leurs complimeus
aux Confuís d'Angleterre & de Hollande
chez qui ils font reçûs à peu près de la mém¿
maniere ; c'ell-à-dire au bruit des bouteilles &
des flacons , mais heureufement ce n'ell pas le
même jour , parce qu'ils comptent fuivant le
vieux nyle. Les Confuís ne fc viliteot pas dans
ces fortes d'occalions ; ils fe contentent de fe
faire complimenter reeiproquemcnt par leurs Interprêtes.
Après nous être délalTra pendant quelques
jours chez Mr. Royer , où l'on trouve tout ce
q u ' o n peut fouhaiter pour fe dédommager de ce
q u ' o n a foulFert dans les grands voyages, c'efià
- d i r e fort bonne chere, une converfation charmaate
, toutes les Gazettes & même uue Biblioj
theque ; nous allâmes nous promener du côlc
du Château de la Marine avec le Chancelier de
I la nation , & quelques - uns de fes amis bien ar-
1 mez , de même que leurs valets : cette pré-
I caution eli nécelTaire quand il y a des vaiiTeaux
I de Barbarie aux environs de Smjrne ; car les
I loldats & les matelots qui courent les eûtes
1 tirent fur les chalîèurs dès qu'ils voycnt qu'ils'
t ont déchargé leurs fulils fur quelque piece de
gibier.
1 Le Château de la Marine , dont j'ai l'hon.
; ueur de vous envoyer le Plan , ellun For t quart
é , dont les cotez ont environ cent pas de longflanqué
de quatre mauvais ballions , & défeiidu
par une Tour quarrée qui en occupe le milieu
; l'enceinte en eft b.ine & crenelce ; l'artillene
qui eli fans atfflt , eli auffi groilb que
celle des Chateaux des Dardanelles. Cette Place
cil entourée de marais pratiqtiables & pleins
de Beccalîincs. Après avoir pallé une petite foret
d'Oliviers , on trouve , au pied d'une des
collines dont la rade eli bordée , des Bains
d eau chaude prefque abandonnez. Peut - être
que ce font ceux dont Strabon a parlé en faifant
la defcriprion des lieui q„i fe trouvent eu
venant de Clazomenc à Smyrne : cet Auteur aff
û t e que l'on y rencontre le Templ e d'Apollon,
& les eaux chaudes. De l'ancien bâtiment des
Bains, qui étoit affez bean', s'il en faut juger par
les ruines , il ne relie aujourd'hui qu'un caveau
ou eft le refervoir dans lequel fe vuident deux
tuyaux , l'un d'eau chaude , & l'autre d'eau froide.
Ces Bains font au Sud-Eftde Smyrne, mais
1 eau nous parut moins chaude que celle de Milo.
Pour le Temple d'Apollon il ne devoir pas
etre bien loin de là , & le Chapelain de Mr. 1=
Conlu, d Angleterre m'alffira qu'il en avoir découvert
les mines. C'eft un galant homme , habile
Antiquaire , a qm je communiquai les Infcriptions
que j'avois copiées à Angora. Nous
devions à mon retour d'Ephefe avoir une conte,
r e n c e f u r nos recherches, mais il partit pendant
mon abfenee pour aller joindr e MylordPa^^et à
Condantinople, & fe retirer enfuite en Angle-
« r r e ainlî je n'ai pas appris d'autres nouvelles
du Tetnpie d Apollon, .l'efpere que Mr. Si,-
rard qui cil prefentement Confuí delà même nation
, nous éclaitcira de toutes les Antiquitez de
Smyrne & des environs, car c'eft un très-fcavant
homme, de mes bons amis, & tout plein de
zele pour la pertea.on des Sciences, il m'a communiqué
quelques lumières pour la (ituation de
CUzrmcin; & de fes Ules.
Clazm,,„,, que l'on prend pour le village de
y,mrta, etoit une ville ilinftre du temps de la
belle Grece , & elle eût beaucoup depart à li
guerre du Pcloponnefe. Les Perfes la jugcreut
li