
D U L E V - A N T. Lettre F.
ìjeau pour l'emporter. Sur la gauche & au bas
d'an roclacr vaille en plan incliné le voit une autre
iiilcription Grcquc plus ufée que la precedente.
Entre les deux piliers qui font fur la droite , eft
petit terrein en pente douce , fepare du fond
de la caverne par une muraille affé?, baiTé : on a
gi-avé dans cer endroit depuis quelques anue'es au
bas d'un roclicr, dont la croupe eli: affez plate, les
paroles fuivantes :
HOC ANTRUM EX NATURAE
MIRACULIS KARISSIMUM UNA CUM
C Ü M I T A T U RECESSIBUS EJUSDEM
P R O F U N D l O R l ß U S ET ABDITIÜ-
HIBUS PENETRATIS :SUSPICIEDAT
ET SATiS SUSPICI NON
POSSE E X I S T IMA B A T CAR. FRAN.
ü L I E R DE NOINTEL IMF. GALL
I A R U M LEGATUS. DIE NAT.
CHR. Q U O C O N S E C R A T U M FUIT.
AN. MDCLXXin.
On avance enfuite jufques au fond de la caverne
par une pente plus rude , d'environ 20. pas
de longueur : c'cft le paifage pour aller à la grotte,
& ce palfage n'eft qu'un trou fort obfcur, par
lequel on ne Içauroit entrer qu'en fe bailfanc & au
fccours des flambeaux. On defcend d'abord dans
un precipice horrible à l'aide d'un cable que l'on
prend la précaution d'attacher tout à l'entrée. Du
fond de ce précipice on fe coule, pour ainfi dire,
dans IUI autre bien plus effroyable, dont les bords
font fort gliiîàns, & qui répondent fur la gauche
Ì des abîmes profonds : on place fur les bords de
CCS gouffres une échelle, au moyeu de laquelle on
franchit en tremblant un rocher tout à fait taillé à
plomb. On continue à gliffer par des endroits un
peu moins dangereux ; mais dans le temps qu'on
fe croit en pays praticable, le pas le plus affreux
vous arrête tout court, & l'on s'y cafferoit la réte
fi l'onn'étoit averti & retenu par les. guides. On y
trouve encore le reite d'une échelle que M^. de
Nointel y avoit fait placer : comme elle s'ell pourrie
depuis ce tcmps-là, nos guides avoient pris foin
d'y en apporter une toute neuve. Pour y parvenir,
ii fallut fe couler fur le dos le long d'un grand rocher;
Ôi fans le fecours d'un autre cable que Tony
avoit accroché, nous ferions tombez dans des fondrières
horribles.
Quand on ert arrivé au bas de l'échelle , on fe
roule encore quelque temps fur des rochers, tantôt
fur le dos, tantôt couchez fur le ventre , fuivaut
qu'on s'en accommode le mieux ; car chacun
cherche la marche la pliis favorable pour fuivrc la
compagnie. Après tant de i'atigires, on entre enfin
dans cette admirable grotte que Mr. de Nointel
ue pouvoir fe laffcr d'admirer avec raifon. Les
sens qui nous conduifoient, comptoient 15-0. braffes
de profondeur depuis la caverne jufques à l'au-
Tm. L
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tel marqué Â-, & autant depuis cet autel jufques à
l'endroit le plus profond où rx)n puiiïc defcendre.
Le bas de cette grotte fur la gauche cil fort fcabreux
: à droite il eft allez uni, & c'eft.par là que
l'on paflè pour aller à l'autel. De ce lieu la grotte
paroît haute d'environ 40. brafles, fur jo. de large
: la voûte en efl aifez bien taillée, relevée eu
plulîeurs endroits de groifes malles arrondies , les
unes hériiTees de pointes femblables à la foudre de
Jupiter , les autres bofluees régulièrement , d'où
pendent des grappes, des feftons , & des lances
d'une longueur lurprenante. A droite & à gauche,
ce font des rideaux & des napes, qui s'étendent
en tour fens & forment fur les côtez des efpéces
de tours canelées, vuides la plûpart, comme
autaiit de cabinets pratiquez autour de la grotte. Ou
diftingue parmi ces cabinets un gros pavillon B^
formé par des productions qui repréfentent iî bien
les pieds , les branches, & les têtes des chouxfleurs,
qu'il femble que la nature nous ait voulu
montrer par là comment elle s'y prend .pour la vegetation
des pierres. Toutes ces figures font de
marbre blanc, tranfparent, criftallifé, qui fe caife
prefque toujours de biais & par differens lits comme
la pierre judaïque. La plûpart même de ces
pièces Ibut couvertes d'une écorce blanche & refonnent
comme de la bronze , quand on frappe
deifus.
Sur la gauche un peu au delà de Tentrée C de
la grotte, s'élevent trois ou quatre pilliers D ou
colonnes de marbre, plantées comme des troncs
d'arbres fur la crête d'une petite roche. Le plus
haut de ces troncs a lîx pieds huit pouces, fur un
pied de diametre , prefque cilindrique & d'égale
groifeur, fi ce n'eft en quelques endroits où il eft
comme ondoyant, arrondi par la pointe & placé
au milieu des aiitrcs. Le premier de ces piliers eft
double & n'a qu'environ quatre pieds de haut. II
y a fur le même rocher quelques autres piliers
naiiîàns qui font comme des bouts de corne ; j'en
examinai un aiiez gros, qui peut-être dit c-aiïe du
temps de M', de Nointel : il reprefente véritablement
le tronc d'un arbre coupé en travers : le milieu,
qui eft comme le corps ligneux de l'arbre ,
eft d'un marbre brun, tirant fur le gris de fer, large
d'environ trois pouces, enveloppé de pluiieurs
cercles de diiîerentes couleurs, ou plutôt d'autant
de vieux aubiers, diftinguez par fix cercles concentriques,
épais d'environ deux ou trois lignes, dont
les fibres vont du centre à la circonterence. Il
femble que ces troncs de marbre vegetent, car outre
qu'il ne tombe pas une feule goutte d'eau dans
ce lieu, il n'eft pas concevable que des gouttes ,
tombant de 2f. ou 30. brafites de haut , ayent
pû former des pièces cilindriques , terminées en
calote , dont la régularité n'eft point interrompue
: une goutte d'eau fe difiiperoit plutôt par ià
chûte : il n'en diitille certainement point dans cet-
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te grotte, comnae dans les caves gouttières ordi-
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