
ces prélats qui portoit un pantalon qui lui tomboit sur les talons,
et un large manteau à queue traînante. Ce personnage , d’ailleurs
très-aimable, s’entretint long-tems avec moi par le moyen
des interprètes. Sa conversation m’auroit paru plus intéressante
sans les plantes dispersées autour de son temple, et qui me
donnoient continuellement des distractions.
Le Daïri avoit autrefois la liberté de transférer sa cour'partout
où bon lui sembloit, dans toute l’étendue du royaume.
Maintenant elle est fixée à 'Miaco , ville considérable , environnée
de murs , de fossés , de bastions et de portes. Au milieu
de cette ville est situé le palais du Daïri, flanqué de hautes tours
et édifices pour loger les gens de sa maison , et tous ses officiers
supérieurs et inférieurs, L ’empereur civil y entretient un gouverneur
en son nom et une garde, autant pour sa propre tranquillité
que pour la sûreté du Daïri. Il confie ordinairement' ce
poste important à un vieillard d’une expérience-et d’une sagesse
reconnues.
Ce gouverneur , loin d’amasser de la fortune , dépense une
grande partie de la sienne , et finit souvent par. se ruiner.
C ’est le seul séculier de toute la cour du Daïri $ il entre dans
tous les détails de l’administration intérieure du palais et des
affaires ecclésiastiques , expédie les passeports pour l’intérieur
du royaume, jusqu’à la cour du Coubo. Il nous donna audience
à nôtre passage à Miaco. Enfin, on peut regarder cet officier
comme le mentor du Daïri , qui n’est plus que le mannequin de
l’empereur civil. Sa cour .est l’asyle des sciences et des arts :
c ’est l’unique université du royaume où l’on forme et l’on entretienne
les élèves ; on leur enseigne particulièrement la poésie ,
l ’histoire du Japon , les mathématiques, &c. Us se livrent aussi
à la musique , que les femmes aiment passionnément. Tous les
almanachs se font ici et s’impriment à Isie (1). Quoique le Daïri
{1) Voyez ci-dessus la description de Miaco, p. 89 et suiv.
ait perdu toute influence dans les affaires civiles, cependant
il jouit encore d’une telle considération ,que le Coubo étoit obligé
chaque année, ou à une certaine époque, de lui rendre ses
devoirs en personne, ou de lui envoyer une ambassade qui lut
offroit, selon l’usage, des présens considérables,
Ioritomo et plusieurs de ses successeurs , remplirent eux-
mêmes cette formalité ; mais les derniers souverains l’ont négligée
au point de la laisser entièrement tomber en désuétude.
Maintenant les princes du pays et les Hollandois eux-mêmes ,
en allant à Iédo , ne demandent plus d’audience au Daïri.
On comptoit soixante-seize empereurs de cette dynastie en.
1142 ; à cette époque éclatèrent des dissensions intestines entre
les princes du pays. Pour réduire les mutins et rétablir la paix
il fallut confier le commandement de l’armée à un généralissime
plein de courage et d’intelligence. Ioritomo, c’étoit le nom
de cet officier,, parvint en effet à tout appaiser; mais il retint
aussi pour lui-même.et pour ses successeurs une partie'
du pouvoir suprême, qui se trouva divise entre le Daïri et ses
généraux. Les choses subsistèrent dans cet état plus long-tems-
qu’on ne eroiroit, car ce ne fut qu’en i 585 que s’effectua la
division complète des pouvoirs (1). Taïco-Sama, fils d’un paysan,.
(2) L ’histoire de cette révolution mé- '
morable se trouve- consignée dans un
de ces recueils des lettres des- Jésuites,
d’oùf j ’ai déjà tiré plusieurs notes. Ce
précieux morceau historique, intitulé
De ïnitio et origine'discordioe inter Ta-
ciosamam et Quàbacondoneum ejas ne-
petem, contient di-x-sept pages in-8'.
Ne pouvant en donner la traduction ,
j ’en extrairai le .passage le plus utile
pour l’histoire. « L ’unique but de Taï-
cosama étoit d’assurer l’empire du Japon
à- sa postérité : mais n’ayant pas;
d’enfant , il adopta trois neveux et
leur distribua un certain nombre de pro-'
vinces. La mort enleva rapidement les-
deux premiers ; le troisième , doué de'
grandes et excellentes qualités , selon
les missionnaires , et même assez bien.
disposé pour le christianisme , avoit le
g oû t, ou plutôt la fureur de verser le'
sang humain.; son plus agréable passe-
' tems étoit de remplir les fonctions de'
bourreau. Son oncle, après avoir long