
aÔ7 1776. O B S E R V A T I O N S
C H A P I T R E XV I I I .
O b s e r va t i ons zoologiques faites au Japon.
L es Japonois élèvent peu d'animaux domestiques , ce qui les
dispense de consacrer une portion de leurs îles à des pâturages ,
qui sont autant de terrains perdus pour l'agriculture.
Il n'y a guère que les princes qui entretiennent quelques chevaux
5 mais en y joignant ceux que l'on emploie au transport des
voyageurs et de leurs bagages on ne trouvera pas autant de
chevaux dans tout le Japon que dans certaines villes de Suède.
Ils n'ont aucune idée de nos chevaux de carrosse si fringans , de
nos jolis chevaux de main, ni de ces monstrueux chevaux d'équi-
pagës militaires.
Les vaches et les boeufs sont encore plus rares , parce qu'ils
n'en mangent pas la viande , et ne savent tirer aucun parti du
lait ni du suif. On attelle quelquefois ces animaux aux charrettes,
ou bien on s'en sert pour labourer les champs qui restent inondés
pendant une partie de l'année. On ne voit des cochons (1) qu'à
Nagasaki 5 ces vilains animaux causent de grands dégâts dans
les terres cultivées, quand on n'a pas soin de les tenir enfermés :
la race en a été probablement apportée de la Chine.
Ils n'ont ni moutons ,ni chèvres 5 celles-ci dévastéroient leurs
champs 3 ils se passent aisément dé la lainë'des premiers , par
le moyen du coton et de la soie. Cependant j'ai vu plusieurs
Japonois amener dans l'île de Desima des brebis dont la garde
leur étoit confiée , ou qui leur avoient été abandonnées par des
chefs Hqllandois, prêts à retourner à Batavia.
Les chiens sont les seuls animaûx inutiles du pays, on les
(1) Sus scrofa.
nourrit par superstition (1) 5 les chats servent à l amusement des
femmes 5 elles en ont par ton et par goût.
Les Japonois n'élèvent d'autres volailles que des poules et
des canards , uniquement pour les oeufs dont ils sont très-friands.
(1) Nous n’adopterons pas l ’opinion
de Koempfer sur le profond respect des
Japonois pour les chiens , et sur le soin
tout particulier qu’ils en ont. Ces animaux
sont sous la protection spéciale
de l’empereur, puisque le meurtrier
d’un chien est puni de mort. Ce voyageur
attribue la faveur dont ils jouis-
soient de son tems, aux préjugés superstitieux
de l ’empereur, qui etoit rie
sous la constellation du chien, 1 un des
douze signes célestes des Japonois, et
raconte à ce sujet l ’anecdote suivante :
<( Un Japonois por toit son chien mort
sur le sommet d’une montagne très-
élevée , pour l’enterrer suivant l’ordre
du souvèrain. Ce fardeau aggravoit encore
les fatigues du chemin ; il maudis-
soit la naissarice de Tëmpereur et ses
ordres ridicules. Un de ses amis qui
l’accompagnoit lui d it, pour l ’engager
à la patience, que si l ’empereur étoit né
sous le signe du cheval, son fardeau se-
roit bien plus lourd ».
La vénération des Japonois pour les
(a) Le vénérable et savant Dusaulx a judicieusement
observé que Juvenal relégué
dans la haute Egypte , a peut-être ignoré
qu’à plus de cent cinquante lieues de lui
on révéroit Diane dans la basse-Egypte , où
son culte étoit si célèbre , que les Egyptiens
chiens est bien antérieure au tems de
Koempfer , et subsiste encore aujour-
d hui j j e ne puis l’attribuer qu’aux services
rendus par ces animaux, à leurs
ancêtres, à l’époque de leur établissement
dans ces îles ; c’est aussi la recon-
noissance qui leur avoit érigé une espèce
de culte dans toute l’Egypte.
Oppida toi,a canem veneranlur,nemo Vietnam (a).
« Les chiens sont vénérés par des villes
.» entières , et Diane ne l’est par per-
r~» sonne ».
En effet, il y avoit une ville et un district
qui portoient le nom de cet animal
(Cynopoliset le nôme Cynopolite); ■
Les Egyptiens portoient deux chiens
d’or dans les processions. Hérodote
nous apprend que quand un chien mou-
roil de mort riaturelle dans une maison ,
tous les habitans étaient obligés de se
raser là tête et le corps entier ; pour un
chat, on rie se rasoit que les sourcils.
« C’est que le chien , dit le savant lJArcher
> étoit corisacré à Anubis, qu’ôn représentait
avec une tête de chien (&);
lui donnèrent le nom cîe Bubastis, à cause
du temple fameux-qu’elle avoit à Bubaste.
Ilérodot. lib. 1 1 , cap. et i54-. Voyez
Satires de Juvenal, traduites par Dusaulx ,
p. 55a.de la seconde édition. Rédacteur.
(b) Biodor. Si cul. Bibl. histor.ïib.I/§. 8.7.