
elle n eut plus aucune apparence de végétation , et il y avoit
plus de trois ans qu’elle étoit privée d’eau et de terre végétale ;
elle n’eut durant ce long espace de teins d’autre aliment que
l’ air et la fraîcheur des pierres. C’est une preuve bien frappante
de la force végétative des plantes indigènes dans les déserts
de l’Afrique : combien de tems elles peuvent conserver cette
etonnante vigueur sans le moindre aliment ! J’apportai cette
planté en Europe , pour la comparer avec celles de la même
espece que j’avois déjà envoyées, et que l’on avoit plantées dans
le jardin botanique d’Amsterdam.
On avoit fait de si nombreux embellissemens à la ville du Cap
pendant mon absence , que j’avois de la peine à la reconnoîtré.
Ou avoit exhausse beaucoup de maisons, et construit une foulé
de. nouveaux édifices a deux et trois étages.
Le-Vent du sud-est avoit fait l’ete passé des ravagés immenses
■ dans ces cantons : une sécheresse excessive avoit rendu plus
active l’impétuosité du vent on manquoit de bled, et la disette
étoit générale. Dans certains cantons les bleds ensemencés
n’avoient pu germer, à cause de l’extrême chaleur; dans d’autres
, comme vers les montagnes Hottentots-Holland, les campagnes
promettoient une abondante moisson de froment • mais
iaü moment même de la recueillir, des pluies inondèrent les
campagnes ; les bleds coupés et mis en germe se pourrirent ;
ceux que l’on n’avoit pas encore sciés germèrent sur pied. Ces
fâcheux contre-tems avoient fait hausser prodigieusement le prix
de cetté denrée : la même mesure que l’on avoit autrefois pour
dix rixdalles , en coûtoit actuellement trente-deux.
Je rencontrai un Anglois , nommé M. Paterson (1) , qui étoit
venu exprès à l’ extrémité méridionale de l’Afrique, pour cher- 1
(1) Auteur d’un Voyage au Cap de
Bonne-Espérance , dans le pays des
Hottentots et dans la Caffrerie, traduit
et imprimé à l,a suite de celui de
B r u c e aux sources du Nil, N o t e d u R é d
a c te u r .
cher dans l’intérieur des terres les graines et les racines des
plantes rares qui y croissent. J’appris qu’il voyageoit aux frais
d’un particulier opulent. Il avoit -quelques notions fondamentales
de botanique ; mais sa principale occupation étoit la culture
des jardins.
La Compagnie accordé à tous les officiers des vaisseaux le
transport gratuit d’une caisse longue de quatre pieds et demi
et large de deux et demi, qu’ils peuvent remplir de toutes les
marchandises qui leur conviennent, et qu’ils vendent ensuite
pour leur compte à la folle enchère. Ceux qui n’avoient pas fait
leur pacotille dans les Indes, achetèrent au Cap des pièces très»
grosses de toile de coton , des épices et autres marchandises
non prohibées, et dont la Compagnie ne s’est point exclusivement
réservé le débit.
Le i 5 mai 1778, je quittai le Cap pour la seconde fois, et sans
doute pour n’y plus retourner. Nous appareillâmes avec quatre
autres navires hollandois, qui voguoient de conserve avec nous ,
ce qui formoit une petite-flottille. Un bâtiment danois qui vouloit
aussi nous accompagner , nous eut cependant bientôt devancés,
car il étoit beaucoup meilleur voilier que nous : il fil oit avec une
rapidité extrême; en peu de tems nous le perdîmes de vue.
Nos matelots avoient acheté un grand nombre de babouins
pour les revendre en Hollande ; ces vilains animaux sont méchans
et irascibles ; ils mordent ceux qui les attaquent ou les chagrinent
, c’est pourquoi il faut les tenir à l’attache : on avoit beaucoup
de peine à rattrapper ceux qui s’échappoient ; ils grimpoient
aux agrêts et sautoient de mats en mats.
Jusqu’au 25 mai le vent nous fut si contraire , que nous né
pûmes prendre la haute mer , et nous n’avions pas encore perdu
de vue les côtes d’Afrique. Pour comble de disgrâce, des brouillards
d’une épaisseur étonnante nous enveloppèrent et nous
empêchèrent de rien découvrir à quelque distance ; tant qu’ils
durèrent le vaisseau vogua au hasard. Le 26 au matin le tems