
précautions redoublent encore dans les endroits où le courant
ne permet pas l’usage des bateaux ; alors les porteurs sont en plus
grand nombre : ces hommes, qui connoissent bien le fond, vous
portent, et répondent de vous sur leur tête. Le prix du passage
varie suivant la profondeur et la longueur du courant ; mais ils
ne demandent jamais une-somme exorbitante.
Les préparatifs de notre transport m’inspirèrent-quelqu’ effroi ;
il étoit difficile .de se voir tranquillement porté dans un no-
rimon par des hommes qui avoient de l’eau jusqu’à la ceinture,
et que d’autres, soutenoient pour les empêcher d’être renversés
par la force du courant, qui n’étoit pourtant pas extrêmement
haut. On prit les mêmes précautions pour faire passer les
chevaux et nos bagages ; plusieurs hommes conduisoient un seul
cheval. J^ous donnâmes à chacun des passeurs qui avoient porté:
notre norimon, deux chapelets de ces seni de cuivre enfilés.
Après cette: heureuse traversée,,, il ne nous, restoit plus qu un
demi-mille pour nous rendre à notre, couchée de Simada, village
long d’un quart de lieue,, - ■
Nous nous y reposâmes pendant deux jours,,et deux nuits,
et le 23 avril, nous fîmes plus de dix milles pour aller coucher
à Ieseri, en passant par différons villages , tels que Cetto-
Fousida-Avoumi, Okabe , Outsnoïa, Mariko où nous dînâmes
ensuite la rivière d’Abikava, .Foutcho et Gouribara.
Le 24 avril, notre journée devant être de treize milles, nous
fûmes sur pied de très-grand matin ; dîné à Kambara , a quatre
milles de notre couchée, en passant par Ieseri-Noakits , Okits-
nofrasava et Ioui. L’après-midi, nous traversâmes •.en bateau la,
grande rivière de Fousikava ; les endroits remarquables sont,,
Mito-Itsiban ou Siro-Sakki, losivaro , Kasivabara, Iponmats ,
Farra-Noumatso, Kisigava et Misim'a.
Nous longeâmes le rivage de la, mer jusqu’à, Farra , où nous
nous engageâmes dans une contrée-vaste et montagneuse , abondante
en sapins et autres arbres. La rivière de Fousikava est
très-dangereuse ; d’après les ordres éxprès du Gouvernement,
on ne la passe qu’à un seul endroit, où nous trouvâmes en effet
des bateaux qu’il est très-difficile de gouverner ; car les rameurs,
malgré leurs efforts , dérivèrent considérablement , tant à cause
de la largeur et de la profondeur, que par la force du courant.
Depuis plusieurs jours nous voyions le sommet de la montagne
de Fousi; le plus près que nous en approchâmes fat à losivara.
Gette montagne , la plus haute de toute l’île , es't continuellement
couverte de néigés. Sa cîme, d’une blancheur éblouissante,
brille à travers les nues dont elle perce le flanc. Large par le
bas , et terminée en pointé:, elle représente assez bien un pain
de sucre ou la corne d'un rhinocéros. Les Japonais qui vont y
faire des pèlerinages au dieu dés vents, comptent six milles
du pied au sommet, et mettent trois jours à y monter. La
descente en est aisée , mais rapide; c’est l’ affaire de quelques
heures :*on se sert pour cela de traîneaux de paille que l’on
s’attache autour du corps.
Plusieurs enfans des environs vinrent nous divertir en faisant
la roue sur les pieds et sur les mains , le long du chemin , qui
étoit très-sablonneux. Du fond de nos chaises-à-porteurs , nous
leur jèttâmes quelques petites pièces de cuivre.
Nous prolongeâmes notre marche si avant dans la nuit, qu’il
fallut allumer des flambeaux et des lanternes pour éclairer nos
porteurs.
La journée suivante devoit être encore bien plus fatigante ,
car nous avions à franchir la montagne nommée Fakonie'* La
matinée fut consacrée à monter sur le sommet de la montagne,
et l’après-dînée à la descendre.
Je marchai pendant cette journée beaucoup plus long-tems
que je ne me fis porter. Je descendois souvent de mon norimon,
et je côtoyois les arbrisseaux et les arbres sauvages qui Couvrent
la croupe de la montagne. C’étoit mon premier pèlerinage botanique
depuis notre départ de Nagasaki : si d’une part je sou-
I 2