1778. V O Y A G E D E L ’ A U T E U R
Conradi ; nous y arrivâmes le lendemain. Je vis une petite place
bien fortifiée avec un port garni de pierres de taille et des
remparts : un enseigne commandoit la garnison.
Le ig , tandis qu’on emballoit la cannelle, je fis mes excursions
à cheval dans l’intérieur du pays aveC nn Chingulais. Je
voulois. examiner un endroit disposé pour traquer les éléphans.
C’ etoit une enceinte triangulaire formée de gros pieux de cocotiers
; la partie qui regardoit la forêt étoit très-large , et garnies
d’arbres moins forts et de branchages qui s’étendoient assez loin.
L’ extrémité opposée , qui alloit en diminuant, n’étoit pas moins
solide par le moyen de ces pieux gros et drus, retenus encore par
des cordages ; elfe s’étrécissoit au point de ne laisser passagé
que pour un seul éléphant.
Le gouverneur ordonné de toms en tems une chasse aux élé- .
phans , pour lé compte de la Compagnie; cette chasse s’exécute
de la même manière à peu près que celles des Tatars et autres
nations septentrionales de l’Asie, qui chassent aux loups, aux.
ours'J fkc.
.Xié Gouvernement rassemble un grand nombre d’Européens,
et de Chingulais, qui se rendent dans la forêt. Tous ces traqueurs
environnent la partie que l’on sait être la plus fréquentée- par
les éléphans. Ils avancent et -resserrent l’enceinte qu’ils forment
en poussant de grands cris ; l'eS' éléphans effrayes n’ont
qu’un côté pour fuir, et gagnent naturellement l ’endroit où sont
tendus les pièges : pour achever de les épouvanter on allume des
flambeaux , alors ils se précipitent dans le traquet , qu’on ferme
sur eux. Dans la dernière battue on en prit cent,; les'précédentes
en avoient produré cent trente.
Les éléphans pris de cette manière se vendent , pour.la plupart,
à Jaffanapalnam , pour les princes de la côte de Coromandel.
Le premier soin , après la capture, est de les apprivoiser. On
y parvient en plaçant un ou deux éléphans domestiques auprès ■
de l’issue par où l’on fait sortir les éléphans sauvages ; un lie
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ceux-ci aux autres avec des cordes ; la faim et les coups de
trompe de leurs dociles compagnons leur ont bientôt inspiré la
même docilité (1).. Il s’agit ensuite de les mesurer. On les conduit
dans un endroit pavé en pierres de corail; un homme monté
sur un éléphant avec une longue règle, les mesure, et détermine
au juste leur taille. On examine ensuite bien attentivement le
corps de l’animal -, on fait son signalement, sans oublier les défauts
qui peuvent le gager. On les mesure des pieds de devant
aux épaules et par covidos, dont trois équivalent à deux aunes
suédoises ; la taille ordinaire e,st de dix covidos , environ six
aunes, et demie. La valeur des éléphans varie suivant leur taille
et leurs qualités..Un éléphant apprivoisé-se vend communément
deux cents rixdalles ; mais s’il a quelques défauts., soit la queue
coupée, l’oreille arrachée, un ongle du pied de moins, chacun
de ces défauts diminue cinquante, .et même quatre-vingts rixdalles
de sa valeur, Ceux.qui sont parfaitemënt beaux et exempts
de ,tout défaut, vont de cinq cents à mille rixdalles. Quand on
procède à la vente, plusieurs marchands se réunissent pour en
acheter un certain nombre., quelquefois .cent; ils les revendent
ensuite séparément, et gagnent très-gros, .Avant d’exposer ces
animaux en vente, on les marque du chiffre de la Compagnie
avec, un fer rouge. Il faut avoir.soin , pour cette opération., de
les-attacher à un arbre bien ferme sur ses racines.
L’éléphant est incontestablement le plus intelligent et le. plus
doux des quadrupèdes; malgré sa force prodigieuse et sa monstrueuse
grosseur, on l’apprivoise aisément, .et l’on en tire les
plus grands services. Il entend parfaitement la voix de son gouverneur
et comprend ses ordres. Quand il souffre., ,on le voit * 1
. ^
(1) V o y e z dans le tome V du b el ouvrage
de François Va lentyn , intitulé :
R è n t ly k e b e s c k r y v in g v a n C h o r om a n -
d e l , P e g u , Airakaii, B e n g a l e , M o c h a }
hel cyland Ceylah, Sc. la planche 14,
représentant une chasse aux éléphans
faite en l’année 1717 (.de dépliants Jagl
gedaan in ’ t jaar 1 y iy .) Rédacteur.