
neurs comme Nagasaki, des bourgmestres et des. commissaires
(1) pour chaque rue.
Outre son palais dans la citadelle situé tout près de celui
de l’empereur, chaque seigneur a un ou plusieurs hôtels en
ville , où sa famille peut se réfugier en cas d’incendie, ou
dans toute autre circonstance désastreuse.
On voulut vendre ici à l’ambassadeur un petit meuble garni
de plusieurs tiroirs , haut d’un quart d’aune et large d’une
demie , en vieux lacque bien supérieur à celui qu’on fait
aujourd’hui , tant pour le vernis que pour le fini des fleurs
qui étoient bien relevées en bosses. Mais le prix étoit aussi bien
différent, il nous parut même exhorbitant ; on ne vouloit pas
le donner à moins de soixante-dix kobangs ou quatre cent
Vingt rixdalles.
Les deux’médecins de la cour, mes fidèles disciples, ne
manquoient presque pas un seul jour de venir me voir. Leur
assiduité aux leçons que je leur donnois avec un vrai plaisir,
leur procura une foule de connoissances que n’ont pas les médecins
japonois. Ils savoient déjà discerner les symptômes d’une
foule de maladies, et les traiter d’après les mêmes procédés que
nous suivons en Europe : ils commençoient à prévoir et même
à prévenir les accidens. Ils soignèrent différentes personnes sous
ma direction, et je leur indiquois les remèdes qu’ils dévoient
administrer. On vint un jour me consulter sur un malade du
premier rang dans le palais .de l’empereur. Je demandai le
sexe-, l’âge du m a lad e e t autres circonstances dont un médecin
doit être instruit ; et comme on s’obstina à ne répondre à
aucune de mes questions, je crus d’abord ne devoir ordonner
aucun remède. .
Les grands seigneurs se montrent rarement à leurs vassaux,
encore moins aux étrangers. Les personnes du sang impérial *
(1 ) Des otlona.
*
sont presque invisibles, et l’on ne sait le nom de l’empereur
qu apres sa mort. Ainsi je ne pouvois jamais espérer de voir
mon illustre malade ; cependant le danger croissant de jour
en jour, on m’avoit permis de lui adresser la parole , à condition
que je ne le verrois pas, ni que je ne lui tâterais pâs le
pouls, mais que je me tiendrois dans un appartement voisin,
et séparé de sa chambre â coucher par une portière de tapisserie
et les rideaux fermés : tant de gênes auroient rendu ma
présence parfaitement inutile. Je me déterminai donc à charger
mes eleves qui se formoient de plus en plus, à me donner
tous les renseignemens qu’ils pourroient obtenir, les re-
medes furent bientôt administrés ; et la malade , qui étoit
probablement une princesse du sang, ne tarda pas à recouvrer
la santé.
J’avois apporté de Hollande du mercure préparé pour les
maladies vénériennes; mais les médecins qui ne savent pas
administrer ce remède aussi sûr que dangereux, ne vouloient
pas m’en prendre. Ils ont bien quelqu’idée de ses effets, relativement
à la salivation qu’il excite, mais ils le .croient pernicieux
: j’entrepris de les désabuser. Je donnois donc aux médecins
du pays et aux interprètes de petites dosés de sublimé
en leur indiquant comment ils dévoient le faire dissoudre dans
l’eau et l’administrer mêlé avec quelques sirops. Ils firent prendre
de cette solution à plusieurs malades avec beaucoup de
précaution, -et me rendoient journellement un compte bien
exact des effets qu’il produisoit. Ils furent bientôt-en état de se
passer de mes instructions ; la célérité des cures excita autant
leur étonnement que leur reconnoissance , et ils paroissôient
tout disposés à les attribuer à une puissance surnaturelle ; mais
je me gardai bien d’abuser de leur crédulité , et me félicitai
d’avoir appris à cette nation le moyen de se délivrer d’un fléau
dont elle éprouve les ravages autant qu’aucun autre peuple
de la terre.