
Par-tout où nous mouillions , les Japonois sehâtoient d’ aller
à terre pour se baigner. En voyage ou chez eux, ils ne manquent
pas un jour de se laver. On trouve, non - seulement dans les
villes, mais encore dans les villages, des bainspublics , où les
pauvres même sont admis moyennant quelques liards. Mais par
une coupable économie de la part des baigneurs , et par une insouciance
étonnante des particuliers, ce qui entretient la propreté
chez les autres peuples devient ici une source intarissable
de maladies contagieuses, telles que la galle , &c. La même
eau servant souvent à plusieurs personnes , on devine aisément
les inconvéniens qui doivent en résulter.
Nous continuâmes notre navigation jusqu’à Miterai', à travers
une quantité innombrable- d’ îles et par un canal étroit qui sépare
deux provinces^
Le port de Miterai est vaste et sûr ; c’est pourquoi on y voit
quelquefois un grand nombre de vaisseaux qui viennent s’y
réfugier dans les teins orageux.
Enfin, nous profitâmes du vent qui venoit de s’élever pour
continuer notre pénible et dangereuse navigation, et nous mimes-
vingt-six jours pour nous rendre à Fiogo.
Je vis , dans les intervalles de beau tems , dés troupes innombrables
de can ard s, particulièrement de l’espèce nommée sarcelle
de la Chine, (1)', qui n’étoient pas même épouvantés des
coups de fusil. Ils ressembloient de loin à de petites îles." Loin de
fuir à notre approche , ils ne paroissoient pas s’ appereevoir
qu’il y eût parmi nous un de leurs plus implacables ennemis.
J’en faisois en effet un assez grand carnage, autant par friandise
que par amusement.
Fiogo est situé dans la baie et en face même d’Osakka, à dix
ou treize milles de mer. Cette ville a un port très-vaste et ouvert
du côté du midi.-Cette exposition le rendoit très-dange-
( i ) Jnas galericulata. Sarcelle de la Chine. Buff.
renx, et l’on ne venoit y mouiller qu’ en tremblant, jusqu’à ce
que l’empereur Féki eût fait construire une digue qui rompt la
violence des vagues. Cette digue a coûté des sommes incalculables.
Une foule d’ouvriers y ont perdu la vie. Elle s’élève
très-peu au-dessus de la surface de la mer : je l’aurois prise
volontiers pour un banc de sable lorsque nous la tournâmes
pour entrer-dans le port où nous trouvâmes plus de cent vaisseaux,,
qui, comme nous, venoient y surgir et déposer diffé-
rens objets pour Osakka. Comme lé bras de mer qu’il faut traverser
pour se rendre .à cette dernière ville est peu profond,
et conséquemment impraticable pour lès grands bâtimens , on
sent toute l’importance du port de Fiogo. Cette ville s’étend ,
comme Nagasaki, le long du port, du rivage et sur les montagnes
voisines. Elle est grande , belle, et sur - tout très-
peuplée.
Koempfer raconte qu’il s’embarqua ici pour Osakka dans-
de petits bateaux (1). Pour nous, nous quittâmes notre grand
Vaisseau , et prîmes le chemin de Kansaki, où nous nous embarquâmes
de nouveau pour Osakka, qui n’en est qu’à trois
milles.
Le 8 avril au matin , nous dînâmes à Isinomia. Nous allâmes
ensuite à Amagasaki, grande ville bien fortifiée, située sur le
bord de la mer : deux milles plus loin nous nous reposâmes et
nous fîmes encore un mille pour arriver à Kansaki, village
bâti, auprès d’une grande rivière. Des bateaux nous transportèrent
de-là.jusqu’à l’embouchure de la grande rivière, qui
vient se décharger dans la baie d’Osakka, après avoir traversé
la ville.
Le maître de la maison où nous devions loger, vint au-devant
de nous en bateau , et nous remontâmes avec lui la rivière à travers
les faubourgs qui la bordent des deux côtés. De nombreux
(î) Histoire dit Japon? t. I I , p. 4o4. Rédacteur.