
Japon , pour prendre le thé que l’on fait même en marchant,
pour en avoir de prêt à toutes les heures de la journée. Les
Européens préfèrent un bon verre de vin ou de bière à ce
breuvage , qui délabre l’estomac. Nous avions toujours sous nos
pieds, dans le norimon, une bouteille de vin et une autre de
bière , avec des tartines de beurre dans une boîte oblongue
vernie.
Comme tous les voyageurs sont obligés de porter aveo eux
leurs lits, nous avions aussi les nôtres qui étoient composés
de couvertures , de coussins et de matelas en'étoffes de'soie
ou en velours ciselé. On -affecte ,’ dans tous ces objets , une
magnificence capable d’inspirer une haute idée de l’opulence et
de la puissance de la Compagnie des Indes.
Nos Japonois alloient à pied ou à cheval ; chacun d’eux avoit
un chapeau de forme conique, attaché avec un cordon sons
le menton , un éventail, un parasol et quelquefois un vaste
manteau de .papier huilé , aussi léger qü’une plume. Ceux qui |
alloient continuellement à pied, comme les cochers ; et les
domestiques du dernier étage , avoient pour chaussure des brodequins.
très-rninces, et s’ étoient pourvus de plusieurs paires de
souliers de paille. Ils avoient soin de retrousser leur robe pour
être plus agiles. .
Cette nombreuse taravane, composée d’une multitude d individus
de tout rang, les uns à pied, les autres a cheval ou en
litières, offroit un spectacle très-gai et sur-tout très-curieux pour
des étrangers. Partout nous recevions les mêmes honneurs que
les seigneurs du pays. On nous gardoit si soigneusement, qu’il
ne pouvoit nous arriver aucun accident 5 nous étions servis
avec une exactitude et même une recherche qui ne nous laissoit
rien à desirer : on alloit au-devant de^tous nos besoins , de manière
que nous n’ avions d’ autre occupation que de boire, dç
manger, de lire, d’écrire pour notre amusement, de dormir,
et de nous placer dans nos litières.
La première journée, nous passâmes auprès' de Fimi, à deux
milles de Nagasaki, à une lieue, ou plutôt, un mille. Plus loin
nous trouvâmes Jagami, et nous allâmes coucher à Isafaja, qui
est à quatre milles de Jagami.
Nous dînâmes à Jagami, et nous y fûmes meme traites avec
une affabilité dont je n’avois pas encore trouvé d’exemple dans
le cours de mes voyages. Suivant la coutume générale du pays ,
l’hôte vint au-devarit de nous’ sur la route, et nous pria avec
toutes les démonstrations imaginables de respect, de descendre
chez .lui, en nous protestant que nous serions les bien-vénus.
Après que nous eûmes accepté son offre , il s’empressa de: nous
devancer ; et quand nous arrivâmes , il nous; présenta une
bagatelle sur une petite table ; bientôt on’ servit le thé et tout
ce qui étoit nécessaire pour fumer : nous-ne touchâmes à rien :
on nous conduisit ensuite dans les chambres qui nous étoient
■ destinées , et où nous trouvâmes la table mise. Après avoir pris un
verre de liqueur pour nous Ouvrir l’appétit , nous durâmes ,
prîmes notre café, et songeâmes à continuer notre route , dès
que nos fumeurs eurent chargé et allumé leurs pipes-.
Nous reçûmes ici cinquante thaëls japonois ,' ou à-peu-près
autant de rixdalles 'de Hollande. C’est la Compagnie qui accorde
cette petite gratification pour subvenir aux faux-frais de la
route. Tout est si bien calculé, qu’il ne vous’ reste rieir de
cette somme; c’éloit la première monnoie japonoise que j’eusse
vue. Nous avions déjà fait des dépenses’ sur cette' gratification ;
Jes.étrennes que j’avois données!pour la nouvelle année âmes
domestiques de Desima et à mes porteurs de norknon , se montaient
à plus de dix rixdalles.
Le lendemain 5 mars nous continuâmes notre marche : nous,
fîmes trois milles pour aller dîner a Omoura, et.noüs allumes
coucher à Sinon gu i, à cinq milles plus loin. Dans son premier
voyage à la cour de l’ empereur en 1691 , Koempfer s.e rendit à
, Tome I I . F