
courage. Ils ne connoissent point cette ridicule coquetterie, si
générale parmi les autres nations de l'Asie et celles de l’Afrique.
Je n’ ai pas retrouvé sur eux les coquilles, les perles de verre et
les plaques d’acier poli de mes Hottentots et de mes Caffres, ni
toutes les bagatelles d’or et d’argent d’Europe. De bonnes étoffes
de leurs manufactures, des habits propres , des mets sains et
savoureux, des armes excellentes , voilà ce qu’ils recherchent.
Ils ne sont pas même étrangers aux idées de liberté. Je ne
prétends point que cette divinité, si chérie et si peu connue,
ait fixé chez eux son séjour ; mais il me suffira de dire que la
justice et la sévérité de leurs loix , les préservent des -maux
de la licence. Le despotisme même auquel ils sont soumis, n’exclut
pas entièrement la justice, et l’on a eu tort de prétendre que
la dernière classe du peuple étoit esclave. On pourroit donc en
dire autant de nos domestiques et de nos soldats, que l’on traite
plus durement que la populace du Japon. La meilleure preuve
que l’on puisse donner de l’amour des Japonois pour la liberté,
c’est leur horreur pour le commerce des esclaves, dont les
prétendus républicains Hollandois tirent un profit si considérable,
et qu’ils traitent si indignement. Tous les Japonois sont
égaux devant la loi , elle protège le petit comme et même
contre le grand. La sévérité des peines et la prompte exécution
des arrêts, préviennent bien des crimes.
Quant à leurs relations avec les étrangers, il n’y a pas, dans
toute l’Asie, de nation qui les surveille d’aussi près , et qui se
soit aussi sagement préservée de leurs ruses et de leurs violences.
A la vérité ils ont pris des mesures dont on ne voit d’exemple
nulle part, mais que la conduite des Européens justifie plei-
nemènt (1). Il est défendu aux naturels , sous peine de mort, 1
(1) Les Hollandois ont sans doute
leurs raisons pour se plaindre de ce
qu’ils appellent la méfiance des Japonois
; mais le petit nombre de voyageurs
qui ont fréquenté cette nation ,
Beniowski, entre autre, déposent en
de sortir du royaume, ou de s’écarter des côtes, et aucun
étranger, excepté un très-petit nombre de Chinois et de Hollandois
que l’on garde encore soigneusement à vue comme des
prisonniers d’état, n’a la permission de séjourner au Japon.
L’égalité règne dans le costume , et l’on ne reconnoît chez
eux les gens de distinction ou riches que par le nombre de
domestiques qui servent dans l’intérieur de la maison , et accompagnent
leur maître lorsqu’il sort, pour porter sa canne ses
souliers , son parasol , sa lanterne et tout ce dont il a besoin.
Il ne faut pas conclure de ch que je viens de dire, que les
Japonois sentent la dignité de l’homme, et leur croire quelques
notions d’égalité ou de liberté. Au contraire , il n’y a peut-être
pas de nation sur la terre aussi-bien façonnée au joug de ses
maîtres, et qui tienne autant à toutes ces vaines formalités
de petitesse hiérarchique : on leur inculque dès leur plus tendre
enfance les principes de soumission à leurs princes et à leurs
parens. L’exemple des aînés sert de guide aux plus jeunes, et
cette docilité leur épargne les réprimandes et les châtimens
dont nous accablons nos enfans. Les inférieurs témoignent leur
respect envers leurs supérieurs par de profondes inclinations •
ils exécutent leurs ordres avec une ponctualité surprenante. Les
personnes de même rang se saluent en s’abordant et en se quittant,
Ce salut consiste généralement à incliner le corps et la tête
en, avant, en posant les mains sur les genoux et même sur les os
des jambes ou sur les pieds. Ils se baissent en proportion de
leur respect pour la persqnne qu’ils saluent. Quand on leur
adresse la parole, ou qu’ils présentent quelque chose , ils ne
manquent jamais d’incliner la tête. Si un homme du peuple
faveur de sa loyauté , de 6a généro- entre, les mains de tous les amateurs
site et de son hospitalité envers les de ce genre de littérature. Mémoires de
étrangers. On nous dispensera de trans- Beniowski} t. I , p. 251. Note du îiRécrire
le passage d’un ouvrage qui est docteur.