On 'peut diviser ce tableau en trois époques ; la première ,
de 1714 à 1733, a été la moins funeste à l’humanité; en 1733,
on entreprit de creuser un canal pour conduire les eaux du
fleuve dans l’intérieur de la ville de Batavia : cette opération
coûta la vie à un grand nombre d’ouvriers , tant Javans qu’indiens
et Européens. Depuis ce moment la mortalité a toujours
été en augmentant. En 1761 , on transféra dans l’autre hôpital,
construit hdrs de la ville, plus de deux cents convalescens. En
177Ô, on établit dans la rade un vaisseau uniquement consacré
à recevoir les malades nouvellement arrivés. La mortalité a encore
augmenté cette année-là et la suivante.
Je sus qu’un bâtiment destiné pour Ceylan alloit bientôt mettre
à la voile ; je demandai d’y être admis en qualité de premier
chirurgien , et je me préparai à partir, malgré les invitations de
MM. Radermacher et Hoffman , qui vouloient absolument me
retenir à Batavia. La chaleur du climat rie m’incommodoit pas ,
et.je m’y étois assez bien accoutumé ; mais il m’ en eût trop coûté
de renoncer à mes occupations favorites, et de m’exiler peut-être
pour toujours de ma patrie. .
Je profitai du retard occasionné par la cargaison du bâtiment
pour parcourir les environs de Batavia, et prendre de nouveaux
renseignemens sur. cette île.
Je visitai Jaçcatra, place assez jolie à quelque distance de Batavia.
C’étoit autrefois la capitale de cette partie-de l’île. Les
Hollandois s’en emparèrent en 161g; ils n’y entretiennent maintenant
qu’un piquet de soldats, pour garder la citadelle qui
s'ert de poste avancé à Batavia.
Quoique les Portugais soient les premiers Européens qui aient
débarqué à Java, ils ne parvinrent pas à s’y fixer. Les Anglais se
présentèrent après eux et ne furent pas plus heureux. Les Hollandois
s’y installèrent en i 5g6. Cette'îlè peut avoir cent quarante
lieues d’Allemagne de long de l’orient à l’occident, et trente de
large du midi au nord.
Trois religions très - differentes entre elles sont egalement
admises, et jouissent d’une entière liberté dans 1 île de Java. Le
paganisme, qui est commun aux Chinois (1) et à une foule de
Javans ; la religion musulmane , que professent beaucoup de
naturels; enfin le christianisme , qui est suivi non-seulement
par les Européens,, mais encore par plusieurs Javans, Malais
et autres Indiens.
Je n’ajouterai rien aux observations que j ai déjà faites sur
le commerce et les productions de cette île. Le riz y est excellent
; les cardamomes de l’espèce à capsules arrondies .(2) y sont
abondans. Il est fâcheux que le gros-bec orysivore (3) cause tant
de dommage au riz; il en dévoré considérablement. 1
(1) En décrivant le costume de cette
nation, t. I I , p: 464 , f a i oublié une
partie curieuse , c’ est leur chaussure.
Elles ont d’épaisses semelles avec des
talons; dans l’intérieur, iis mettent
plusieurs morceaux de feutre , de manière
que l ’eau ne pourroit les percer,
et qu’ils ont toujours le pied sec ; mais
ces pantoufles, ainsi que leurs bottes,
sont prodigieusement lourdes. Rédacteur.
(2) Cardamum compactum. Cette espece
, que M. Thunberg ne désigne pas
suffisamment, est peut-être mon amo-
mum racemosum. Dict. nQ. 5, et Illustr.
t. 2,-fig. 2. L ’espèce enfin que M: Sonnerai
a nommée, Amomum repens.
( Voyage aux Indes, vol. I I , p. a4o ,
t. i 36. ) Lam.
(3) Loxia orizyvora. Legros-bec cendré
de la Chine. Bujf. pl. enl. n°. i 5a ,
f. 1.