
On peut entrer dans les auberges» , et même dans les cabarets
, sans craindre d’y être insulté ou querellé ; car il est
rare d’y rencontrer de ces ivrognes, .si communs dans les pays
les plus policés de l’Europe. On n’oublie aucun moyen de prévenir
les malversations des magistrats et de tous les gens en
place : outre les sermens qu’on exige d’ eux , on a soin de les
changer et de les renouveller presque tous les ans.
Je ne sais si c’ est à la rigueur des châtimens et à l’inflexibilité
des loix , qu’il faut attribuer la rareté des exécutions ; mais il y
en a au Japon beaucoup moins que dans d’autres pays d’une
population égale à celui-ci. On prétend , à la vérité , que beaucoup
de coupables trouvent les moyens de s’évader,, et même
qu’on les leur procure (a).
Lès interprètes m’étonnèrent beaucoup en m’apprenant que
certaines loix ne désignoient pas le châtiment à infliger au
crime contre lequel on les avoit faites; conséquemment beaucoup
de forfaits peuvent rester impunis (2).. Est-ce. oubli qui
prudence de la part du gouvernement ? Pour que personne ne-
puisse alléguer cause d’ignorance, non - seulement on publie
les loix en pleine chaire, comme cela se pratique dans plusieurs
états catholiques de l’Europe , mais elles, sont écrites en
gros caractères et exposées publiquement sous des grillages „
aux portes des villes et au milieu des villages, sous la surveillance
de tous les citoyens. Les loix prohibitives, sont courtes,
ne parlent pas du châtiment, et n’ont rien de ces formules
menaçantes qui hérissent les nôtres.
(1 ) Voyez ma note au commencement
de ce chapitre, page 233-. Ici le teste
■ de notre auteur me paroît plus conforme
à la vraisemblance , et vient à
l ’appui de la profonde observation de
Montesquieu , citée dans ma note de
la page i 55 de ce volume. Rédacteur.
(2). Solon'n’avoit pas fait de loix contre
le parricide, parce qu’il ne pouvoit
pas supposer la possibilité de ce monstrueux
forfait. Est-ce dans ce sens qu’il
faut interpréter le silence des loix ja -
ponoises ? J;en doute. Rédacteur.
1776. MA I SONS DE DÉBAUCHE. a3g
Auprès des villes et des villages , du côté du couchant, on
rencontre 'beaucoup de croix ( 1 ), de poteaux et autres ins-
trumens patibulaires , qui ont plus servi autrefois qu’aujour-
d’hui.
C H A P I T R E XVI .
1
I
C o u r t i s a n t e s . Maisons de débauche.
D ans les moindres villages , comme dans les plus grandes
villes , on trouve des maisons. publiques de débauche; elles
sont très-belles , d’une superbe apparence , et situées en. général
auprès des temples. Il y a deux de ces maisons à Kaminoski’,
lesquelles renferment en tout quatre-vingts prostituées , et
quatre à Mitérai. J’ignore le nombre des habitantes de celle-ci,
mais je sais qu’on en compte cent dans la petite ville de Djeno-
Kamerou.
Surpris .de la multitude de ces établissemens, et de la protection
spéciale dont ils sembloient jouir parmi du peuple aussi
délicat et aussi policé que celui-ci, je cherchois tous les moyens
de résoudre ce problème. A force de recherches et dè questions ,
j’appris qu’ils ne datoient pas de très-loin ; ils ne remontent
qu’aux guerres que le Coubo ou empereur civil, alors simple
généralissime , fit au Ddiri ou empereur ecclésiastique , pour
lui enlever l’autorité suprême , et pour ne lui laisser que celle
qu’il conserve encore dans les affaires ecclésiastiques.
(i)Lespatiens sont liés et non pas
cloués sur les croix , et on leur perce
le flanc avec xïiie piquet Le lecteur
n’exigèra pas <pie nous nous appesantissions
sur des détails aussi révcrltans.
Les amateurs et les érudits en ce genre
peuvent consulter les Observations de
Caron sur le Japon, t. II du recueil des
Voyages de Melchisêdech Thévenot • ils
y trouveront la description et la représentation
des principaux supplices
usités au Japon. Note du Rédacteur.