
apothicaires de la Compagnie chargés de la distillation, n’altéreront
point la qualité de l’huile et n’en soustrairont pas. Mais
l’opiniâtreté de ceux-ci à ne pas vouloir m’apprendre la quantité
d’huile que rend un quintal de cannelle, me prouve qu’ils ont
des moyens dè tromper leurs surveillans. Au reste, je suis persuadé
que la cannelle rend beaucoup plus d’huile qu’aucune autre
épice. Cette huile se vend quelquefois neuf écus trois quarts
de Hollande l’once. La bonne est d’un jaune pâle , et conséquemment
aisée à distinguer de l’huile de la grosse cannelle , qui
est d’un brun obscur.
L’ écorce est la seule partie précieuse du'eannéllier ; le bois
n’en est pas vilain, mais il manque de consistance. On en tiré
des planches pour faire des coffres et autres meubles. Son odeur
ne le préserve pas des vers.
La tasssole diffuse (1) se nomme ici janlopes, et i f ne faut
pas la confondre avec la racine de lopes (2), qui a été transportée
ici de la côte de Malabar. La Compagnie a expédié
cette année-ci, pour la première fois , trois cents livres de cette
radix lopes par ses vaisseaux , qui retournoient en Europe. 1
(1) Boerhavia diffusa. L. Talu-dama. Hort. malab. 7. t. 56, Plante de la famille
des nyctages.
[a) Radix lopes. Qu’est-ce que/c’e?t ?
C H A P I T R E VI.
D e s c r i p t i o n des arbres et plantes qui croissent dans
le jardin du gouverneur de Ceylan à Pass et dans les environs.
J ’a l l a i voir la campagne du gouverneur, nommée Pass. Elle
consiste en une maison assez élevée , et un vaste jardin , où
l’on avoit planté depuis peu des cannelliers, quoiqu’ils viennent
spontanément dans les forêts , où les oiseaux se chargent de
leur plantation. Après avoir mangé le fruit, ils en rendent le noyau
dans leurs excrémens, sans l’avoir digéré. Ce noyau germe, et
produit un arbre. Les naturels avoient persuadé aux Européens
qu’ il n’y avoit que les cannelliers sauvages qui vinssent à bien,
ceux que l’on cultive ne réussissant pas. Ce préjugé subsista
jusqu’en 1769, que le gouverneur Iman-Guillaume Falk essaya
d’élever de jeunes cannelliers dans son jardin de Pass. On y
planta des noyaux qui germèrent très-bien, mais bientôt ces
jeunes plants se fanèrent et périrent. On chercha soigneusement
la cause de cette destruction aussi prématurée qu’inattendue
: on la découvrit. Les Chingulais, qui tirent un certain profit
de l’ écorcement des cannelliers sauvages, craignirent de le voir
diminuer par la culture et la propagation des individus. Ils résolurent
donc de faire manquer les essais des Hollandois , et
réussirent en versant pendant la nuit de l’eau chaude sur les
jeunes tiges. Leur ruse fut découverte , et l’on planta un beaucoup
plus grand nombre de noyaux que la première fois. On
surveilla très-attentivement cette nouvelle plantation qui est
maintenant magnifique , et l’on a déjà fait plusieurs récoltes
d’écorces. On cultive maintenant des cannelliers avec un égal
succès à Sitouvaka, endroit situé sur les confins du territoire
de la Compagnie, du côté du royaume de Candy. Je vis aussi