
plus heureuse position pour la perspective. Quelques-uns ont
des viviers dans lesquels les moines nourrissent des tortues
noires (1) pour leur amusement; le plus beau et le plus digne
de fixer l’attention des curieux à Miaco, est le temple de Dài-
bout. Il est soutenu par quatre-vingt-seize colonnes avec des
vestibules très-élevés , mais en même tems très-étroits. L’édifice
semble avoir deux étages qui rentrent l’un dans l’autre avec
un double toit, dont le supérieur est soutenu par des piliers
peints, et qui ont plus d’une brasse de circonférence. L’intérieur
du temple est pavé en carreaux de marbre blanc, ce que
je n’avois encore vu dans aucun édifice public ou particulier
du Japon. L’unique défaut de celui - c i , étoit de n’etre pas
suffisamment éclairé à raison de son immensité.
La statue de Dàibout est au milieu : elle me parut également
propre à inspirer de l’ effroi et du respect par sa grandeur vraiment
colossale ; les épaules touchent les deux piliers entre
lesquels elle est placée , et peuvent avoir quinze ou seize aunes
suédoises de largeur ; néanmoins elle m’ a paru assez bien proportionnée,
et les interprètes m’assurèrent que six hommes
pouvoient s’ asseoir commodément à la manière japonoise sur
la paume de sa main : cette statue est assise elle-même comme
les statues indiennes, les jambes croisées sur un piédestal haut
d’une brasse; elle a de longues oreilles, les cheveux crépus et
longs ,1e corps couvert d’une draperie , la main droite élevée ,
la gauche placée sur l’estomac. Cette idole, aussi-bien que ses
adorateurs, tirent leur origine de l’Inde. Ils sont venus au Japon
par la Chine ou par Siam, dans le tems où tous les marchands
étrangers avoient un libre accès dans ce royaume, et pouvoient
y venir trafiquer avec leurs propres bâtimens (2).
( 1) Testudo Japonica. pouvoir, et où l’idolâtrie est plus en
(3) Miaco, dit le jésuite Pigneyra, règne. L é Daïri est lui-même le chef
est la ville où le diable a le plus de de ses bonzes et de ses temples. Il y
Je n'étois pas encore revenu de l'étonnement que m'avoit
causé la vue de ce colosse, quand nous entrâmes dans un autre
temple qui ne le cédoit pas au précédent en grandeur ni en
magnificence. Sa prodigieuse longueur sembloit compenser ce
qui lui manquoit en largeur et en hauteur. Il étoit consacré à
Quanvon : sa statue, à trente-six mains, étoit environnée de
celles des innombrables dieux et esprits qui lui sont subordonnés.
Auprès de lui on voyoit six héros d'une taille gigantesque ,
mais moins grands que l'idole. Ils sembloient avoir une place
particulière. Les autres statues étoient disposées sur douze
lignes que l'on distinguoit bien aisément par la différence de leur
taille. Celles qui remplissoient les deux lignes intérieures les
plus voisines du dieu étoient dorées , et avoient chacune vingt
mains $ derrière celles-ci on en voyoit d'autres de grandeur
ordinaire et debout, et celles des derniers rangs étoient plus
grandes que les premières. Chacune d'elles en portoit de plus
petites sur la main et sur la tête 9 de manière qu'il me fut
impossible de les compter : on me dit qu'il y en av.oit trente-trois
mille trois cent trente-trois (i).-
Mais il est tems de sortir de ces monumens trop durables
dé la stupidité humaine. Reprenons notre route pour admien
a bien dans Miaco plus de cinq cents
en tout , sans compter une infinité de
petites chapelles de camis dispersées
à l’enlour de ces temples. Cette ville
renferme une des six grandes universités
du Japon, dont quatre sont situées
aux environs de la ville ; on comptoit
dans chaque université plus de trois
mille cinq cents étudians, vers i 54o.
Les Jésuites ont eu long-tems une maison
à Miaco. Selon un missionnaire,
cette ville est à quatre-vingt-dix milles
ou deux Cent soixante-dix lieues d’Italie
de Nagasaki ; et selon un autre , à
six cents milles. Voyez De rebus Ja-
ponicis , Indicis , Peruanis, & c. p. 116
et 33o , Rerumà soeietate Jesus in oriente
gestar, i 568 , p. 65; Nouvelle Histoire
du Japon j par Pigneyra, p. 3g , 4o ,
&c. Note du Rédacteur.
(1) C e nombre mystique de trois
multiplié par trois, se retrouve dans les
principales religions anciennes de l’A sie.
Voyez le chapitre de la Religion.
Rédacteur.
M 2