
Le Daïr i, qui étoit alors en bas âge , fut obligé de se ré fugier
à Simonoseki avec sa nourrice et toute sa cour, laquelle
n’étoit composée, comme aujourd’hui encore, que de femmes.
Il paroit que dans cette triste conjoncture le vice-dieu japonois.,
dont aucun homme ne peut approcher (i ) , avoit un peu perdu
de la vénération qu’il inspire; car il s’enfuit, ou plutôt sa nourrice
qui l’emmenoit courut avec tant de précipitation, qu’ils
tombèrent tous deux dans l’eau et se noyèrent. Les suivantes
arrivées à Simonoseki sans leur maître , ne savoient plus comment
subsister ; elles eurent recours à un genre d’industrie peu
décent pour toutes autres que les compagnes du représentant
d’un dieu créateur. Telles furent l’origine sacrée et les augustes
fondatrices des temples de volupté si communs au Japon.
Les prostituées sont rangées sous différentes classes qui portent
des noms particuliers , et elles ne jouissent pas toutes
d’une égale considération.
Celles de Simonoseki se nomment encore Ioroussi, nom qui
leur est commun avec les douze concubines du Daïri sans
compter sa légitime épouse'; les autres Keise ou Kese ou
Simonoseki : ce dernier mot désigne une forteresse renversée
de fond en comble , emblème assez juste de la vertu de ces
femmes.
La dernière classe de ces prostituées s.e nomme Faifats,
mot dérivé de Faiguin,.ancienne monnoie d’argent de bas aloi
de la valeur d’un konderyn : elles se taxent elles-mêmes à huit
kondervns (2).
Je ne sais s’il faut placer parmi les prostituées ou les men(
1) A l ’ ezcepüon, jecro ia, desprê- faveurs; ainsi fo n d it , nous souparone
très attachés à son service. Rédacteur. avec la Vingt a'bbâcy, avec la Cent
(2 ) EnPerse,lesprosütuéesduhaut cherify. Rédacteur.
parage portent le nozn du prix de leur«
diantes
diantes les Ojiakv, qui portent le nom et suivent l’ exemple
d’une femme qui étoit folle et débauchée.
Au reste, malgré la publicité de ces maisons de débauche,
et l’espèce de sanction que leur donne le gouvernement, les
Japonois sages et honnêtes conviennent de leur indécence et
de leur immoralité.
Il est inutile de dire qu’une ville aussi commerçante , aussi
fréquentée par les étrangers que Nagasaki, ne manque pas de
ces mauvais lieux : les Hollandois et les Chinois y vont dépenser
des sommes considérables , dont l’acquisition leur coûte
tant de peines et de dangers.
L ’etranger ou le célibataire qui desire charmer les ennuis
de sa solitude, s’adresse à un mercure qui vient tous les jours
dans l’île pour des commissions de cette espèce. Avant la fin
du jour, il vous amène une jeune fille avec sa petite suivante,
que l’on nomme ordinairement Kabro. Celle-ci va chercher
chaque jour à la ville la nourriture de sa maîtresse , et la lui
prépare ; elle fait son thé , a soin de sa toiletté, et s’acquitte
de toutes ses commissions.
Vous pouvez garder votre compagne aussi long-tems que bon
vous semble , même <Jes années; vous avez aussi la liberté.de la
changer quand vous le jugez à propos, mais il faut rester au moins
trois jours avec elle. Cellè-ci est obligée de se présenter chaque
jour aux Banjos des portes de la ville, de leur dire si elle veut
rentrer ou rester. Le louage de cette beauté vénale est de huit
mas, que l’on paie a son maître, sans compter sa nourriture
et les présens qu’il faut lui faire de tems en tems , comme des
robes de soie, des ceintures, des ornemens de tête et autres
bijoux.
Les Européens secouent ici tous les préjugés de leur pays et
de leur religion , et s’accoutument très-bien à vipre à la japonaise.
Loin de regarder la continence comme une vertu , les
naturels n’attachent aucune honte au vice opposé, et ne se font
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