
i 775. O B S E R V A T I O N S
ques Japonois , dans une solitude séparée du reste du monde ,
et resserrés dans l’étroite enceinte de l’île de Desima.
L ’Européen condamné à passer le reste de sa vie dans cette
solitude,; seroit réellement enterré vif: Le bruit des grandes révolutions
des empires ne retentit jamais jusqu’ ici; Les gazettes
du Jhpon, et encore, moins celles des pays, éloignés , n y parviennent
pas.. Etranger à tout ce qui se passe sur la scène.du
monde , on peut végéter ici dans la nullité morale la plus absolue.
L’ esprit n’a point d’ aliment,. là volonté est nulle , et le p us
sage parti est de se dépouiller de toutes ses facultés impératives
pour s’identifier, pour ainsi dire, avec celles des.naturels , qui
vous épargnent la peine de. commander , et ne vous laissent
que le soin d’obéir. Au reste , telle est. à-peu-près la marnera
d’ être, de tous les Européens dans la plupart dés comptoirs de
l’Inde. lis se dédommagent de cette gêne perpétuelle, par un
luxe ridicille et sans bornes.
On a i c i , comme à B'atayia , l'habitude d’ aller passer tontes
les soirées chez le chef, après avoir fait le-tour de l’Me et
quelques promenades dans les deux rues. Ces visites durent
depuis six heures jusqu’à onze et même minuit r ce qui fait un
genre de vie bien monotone, et bon seulement pour des automates,
dont toutes les jouissances, sont renfermées dans une
pipe et dans leur sac à tabac.
LeS Hollandoisn’ ont ici des esclaves que pour le service intérieur
et domestique de leur maison, car les Japonois font, le
reste. Ils procurent tous les comestibles nécessaires et tous
les ustensiles du ménage. Les uns sont cuisiniers et accommodent
très-bien à la manière hollandoise ; on mange ici beaucoup de
riz-, comme à Batavia ; cependant on fait tous les jours à Nagasaki
du pain de froment,, qu’on apporte aux Européens dans leur
île • d’autres sont domestiques et parlent assez bon hollaudois-,
quoiqu’ils ne fassent pas le service d’interprètes. On en donne
quatre au chef, un au secrétaire ,. et un au médecin pour les
accompagner dans leur voyage à la cour. Quant aux ouvriers
dont les Hollandois peuvent, avoir besoin, le gouverneur leur
donne une permission particulière pour aller dans l’île de. Desima.
Lorsque le froid- devient piquant, et que le vent souffle avec
violence de l’est et du nord , on allume du feu dans les chambres.
Les. portes, et les fenêtres des: appartenons n’en-..sont
pas mieux fermées.. Nous avions pour notre chauffage du charbon
qu’on nous apportait de. la ville , et que nous placions
tout allumé dans une grande marmite, de cuivre à larges: bords
au milieu de la chambre, où cette chaleur se consentait pendant
quelques: heures..
Le médecin, le secrétaire , les assistans et autres officiers
de la Compagnie , ont chacun deux ou trois..b elle® chambres ,
sans compter les magasins où ils peuvent également se loger.
Mais, ils- sont obligés, dè les tapisser et de les meubler à leurs
frais... Leur couvert- est mis chez le chef à midi .et au soir, aux
dépens de la Compagnie. Ainsi leur dépense., comme on le
voit, -ne peut être considérable , à moins, qu’ils ne se constituent
en frais pour des femmes, ou qu’ils ne fassent entre eux des
soupers fins..
Pendant le séjour du vaisseau auprès de Papenberg:, on y
apporta beaucoup de cuivre , de camphre , et toutes, les- marchandises
appartenant aux particuliers. Cependant on ne char-
geoit que de deux jours-l’un. On embarqua aussi, les provisions
de voyage, comme de l’eau, &c.
Les officiers de tous grades et les interprètes , sont obligés de
faire un mortel mille par eau pour assister au chargement. On
place aussi des vaisseaux de garde , mais à une assez grande
distance pour observer les Hollandois. Ceux-ci peuvent alors
profiter de leurs chaloupes , qu’on leur a rendues, pour se promener
dans plusieurs îles du. voisinage. Les officiers japonois, qui
les accompagnent, ne les empêchent pas-de s’y amuser et d’aller
par-tout où il leur plaît. Quand ils. restent un peu trop long