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C H A P I T R E IL
V ot a a E à Ceylan : du S juillet au 21 août.
L e 5 juillet 1777 Ie montai à tord du Mars, destiné pour Ceylan.
Je portois avec moi plusieurs lettres de recommandation
pour le gouverneur et les officiers de cette île.
Le 7 on leva l’ancre, et nous quittâmes avec un bon vent
une des plus belles et des plus riches contrées du globe.
Le 11 nous mouillâmes auprès d’Anjer pour y faire de l’eau.
Le Stockholm sloot ( château de Stockholm ) , vaisseau appartenant
à la Compagnie des Indes suédoise, qui cingloit vers la
Chine, avoit relâché quelques jours avant nous dans cette.rade ,
pour faire également de l’eau. Je fus ravi de trouver plusieurs
de mes amis., tels que le capitaine Petersen, et quelques autres.
L ’eau que l’ on puisoit ici étoit très-douce et.assez bonne -, mais
comme il étoit difficile d’approcher du ruisseau d’où on la tiroit,
et qu’il falloit rouler les tonneaux assez loin dans l’eau pour
les remonter à terre, le courant étoit bientôt troublé, de manière
qu’on puisoit autant de bourbe que d’eaü. Nos matelots et tous
ceux qui burent comme eux de cette eau pure sansyfaire infuser
du café ou du thé , furent attaqués de dyssenteries terribles.
Je trouvai ici la plus grande espèce de bananier ( 1), qui produit
des grains plats et de la grandeur de ceux du lin.
Les Javans établis dans ce village nous vendirent beaucoup
de cannes à sucre. Les Suédois en achetèrent aussi 5 et sachant
la langue malaise, j ’eus le plaisir de leur servir d’interprète et de
leur être utile dans ces petites acquisitions.. 1
(1) Musa troglodytarum. C’est le ba- iroglodytarum de Gærtner , v oir 1
nanier à grappe droite , n°. 3 de mon p. 29 , t. 2? Lam. '
Dictionnaire. Mais est-ce bien le musa
Secondés par un vent favorable , nous poursuivîmes heureusement
notre navigation. Le 9 août nous passâmes la ligne , et e
28 nous nous trouvâmes auprès de Cochin, et reconnûmes a
côte de. Malabar. En longeant le rivage , nous doublâmes le
Porca, Coilan et le cap Comorin.
Le 20 nous découvrîmes Ceylan , et le jour suivant nous
longeâmes la côte etpénsâmes faire naufrage, par l’mexpenence
du capitaine. Quoique nous n’ avancions que la sonde a la main ,
nous nous apperçûmes que le navire alloit donner contre des bas-
fonds très-avancés hors du canal qui sépare l’ile du continent.
Le vaisseau étoit près d’échouer quand le. sous-pilote, marin
•courageux et expérimentéI profitant de la stupeur et de 1 effroi
du capitaine pour saisir le commandement, embouche le porte-
voix , et ordonne aux matelots de virer de bord. Cette manoeuvré
nous sauva. Le vaisseau étoit excessivement chargé, et je doute
que nous , eussions jamais pu échapper: s’il eût donné contre urt
bas-fond, ou si nous eussions été accueillis d’une tempete. Cette
surcharge souvent | fatale, est un effet de Pavidité mal entendue
des employés delà Compagnie. Le capitaine et tous les officiers
ont lé droit de trafiquer de certaines, marchandises, et on
leur laisse exprès la placé de plusieurs tonneaux dans le W
ment Ils abusent de cette permission pour entasser des ballots
de marchandises outre mesure. Le capitaine et le premier pilote
sont ordinairement les premiers prévaricateurs. Les particuliers
avoient embarqué pour leur compte beaucoup de riz, de sucre
en poudre et d’arrack. I , . , r .,
Le lendemain de notre arrivée le vaisseau zelandois le Guillaume
V , venant d’Europe , et le Hoo d Amsterdam , vinrent
mouiller dans la. rade. . ■ . ■
J’envoyai d’abord les lettres de recommandation quea .avois
apportées de Batavia, aux personnes à qui elles étoientadres-
■ et peu après j’allai faire visite au gouverneur nomme
M. Falk, homme plein de science et de mérite ; il me parut aussi