
C H A P I T R E XXI .
F ê t e s solemnelles amusemens et jeu x des Japon ois.
L ’ h u m e u r grave et sérieuse de cette nation ne l’empeche
pas de se livrer par fois au plaisir , et d’avoir des divertissemens
et des fêtes périodiques ou de circonstance.
Les fêtes périodiques font partie, du culte, et reviennent
chaque année à une époque fixe. J’en connois deux principales
'5 celle des lanternes 5 la seconde se nomme matsouri. On
pourroit les comparer à des drames.
La fête des lanternes ou des lampes, nommée houg, se célébré
à la fin d’aout ; elle dure trois jours 5 mais la plus grande solem-
nité a lieu le soir et la nuit du second jour : elle a été établie en
l’honneur des morts qui viennent, disent-ils, visiter leurs
parens et leurs amis 5 le soir ils s’installent dans leurs anciennes
maisons , d’où il faut les chasser le lendemain. Pour les recevoir ,
on dresse sur tous, les tombeaux des perches, de bambou
auxquelles sont suspendues des lanternes avec des, chandelles.
Ces lanternes placées très-près les unes des autres, forment
illumination sur les montagnes où sont ordinairement situés
les cimetières. On les - allume entre neuf et dix heures du
soir. Après avoir fait tous ces préparatifs pour recevoir les
âmes des ancêtres, on a l’impolitesse de les éconduire la soiree
suivante avec toutes les précautions imaginables.. On construit
de petits bateaux de paille avec des lanternes-et des chandelles
allumées. A minuit on porte ces bateaux en procession au son
de la musique et avec beaucoup de pompe , jusqu’au bord de la
mer 5 on les abandonne aux vents et aux flots, qui ne tardent
pas à les engloutir 5. quelquefois le feu les consume avant que
l’eau les ait pénétrés (1).
/1) La même fête a été décrite par un ~ échappés à notre voyageur. Je tradui-
missionnaire, qui donne des détails rai ce passage d’autant plus volontiers >
On célèbre le matsouri le jour d’une fête consacrée à quelque
divinité. A Nagasaki, par exemple , je la vis célébrer en l’honneur,
de Sceva, dieu tutélaire de la ville, le neuvième jour du
neuvième mois, qui est, dit-on , le jour de la naissance de ce
que le jésuite Cliarlevoix n’en a pas
profité pour son Histoire du Japon. Au
reste , ce 'n’est pas la seule pièce intéressante.
qu’il ait négligée pour de fastidieuses
no tes uniquemen t relatives aux
travaux apostoliques des moines de son
ordre dans le Japon.
« Les Japonois, dit Villeta, consacrent
deux jours du mois d’aout a révérer
les mânes des morts. A l’approche de
la nuit ils allument aux portes de leurs
maisons des lampes de différentes couleurs
, et ils parcourent la ville pendant
toute la nuit, les uns par dévotion, les
autres par curiosité. Après la chute du
jour, une grande multitude' sort de la
ville pour aller au-devant des mânes
de leurs ancêtres. Arrivés dans l’endroit
où ils croient les rencontrer , ils
leur adressent les plus, tendres compliment.
— « Soyez les bien-venus , leur
» disent-ils , il y a long-tems que nous
» sommes privés du bonheur de vous
» voir : asséyez-vous un peu , reposez-
» vous des fatigués de la route, en pre-
» nant la nourriture que nous vous
y> avons apportée » . Alors ils mettent à
terre du r iz , des fruits et d’autres ali-
mens. Ceux qui n’ont pas le moyen de
préparer un repas , apportent au moins
de l ’eau chaude. Ils restent dans cet endroit
une heure entière , comme pour
attendre que les mânes de leurs ancè 1res
aient fini de manger. Ils les invitent enA
suite à venir chez eux, et leur disent
qu’ils vont devant eux pour disposer la
maison, e t apprê ter le repas. »'. ;
« Les deux jours étant écoulés, on
allume des lanternes , le peuple sort de
la ville avec des flambeaux, de peur
que les mânes ne se blessent ou ne s’égarent
dans lès ténèbres. De retour chez
eux , ils jettent des pierres sur les toits-
pour chasser les mânes qui pourroient
S’être cachés et dont ils craignent les
importunités. Quelques-uns cependant
en ont pitié, en disant que ce sont de
pauvres petits infortunés. Je demandai
à des Japonois pourquoi ils donnent à
manger aux morts; ils me répondirent
que c’étoit pour ranimer les' forces de
ceux qui vont à leur paradis, lequel
est éloigné de la terre de dix milliards
de mille lieues ; il ne leur faut pas
moins de trois ans ( ce qui est très-probable,
et encore les voyageurs doivent-
ils ne pas s’amuser en route ). Pendant
la fête des lanternes, ils nettoient les
sépultures" , et c’ est un tems de récolte
pour les bonzes. Il n’y a point de famille
, quelqu’indigente qn’elle soit ,
qui ne leur offre quelques présèns pour
appaiser les mânes de ses ançê très ». •
Pour les autres fêtes des Japonois,
on peut consulter Koempfer, Histoire
civile} Ctc. du Japon, t. I I , p. 20 et suiv.