
io6 1777.' P R O M E N A D E S
Tous ces frnits sont Bons à manger depuis le mois de mai
jusqu’à la fin de l’année, et forment pendant tout ce tems la
principale nourriture des Malabars.
Le 28 octobre et jours suivans, je fus occupé à examiner la
cannelle livrée par le roi de Candy. On me donna plusieurs médecins
pour aides, car il y en avoit une grande quantité. Cettë
cannelle étoit généralement de très-mauvaise qualité : il fallut
en jet ter plus de la moitié. La meilleure fut expédiée pour Batavia.
Nous sondâmes aussi cinq paquets de cannelle nouvellement
plantée j on en avoit déjà porté un essai en 1776 , qui s’étoit
trouvé d’une qualité bien foible au débarquement, quoiqu’on
l’eût reconnue pour bonne et même fine avant de l’ emballer.
Celle-ci avoit une odeur exquise , mais peu de goût; elle l’aura
sans doute perdu entièrement dans la traversée. Cette fâcheuse
altération provient de ce que l’huile de cette cannelle est trop
volatile.Lé tissu des jeunes branches , les tiges, ainsi que l ’écorce
à trois ans, ne peuvent retenir cette huile essentielle. Il ne faut
pas cependant attendre plus long-tems quand on veut avoir de la
cannelle de bonne qualité. En outre, en empaquetant et en
emballant cette cannelle, on n’y avoit mis qu’une seule enveloppe
de toile. En 1776 on en exporta quarante-sept balles en
Europe.
On sait que c’est le principal article du commerce de la Compagnie
avec cette île. La plus belle et la plus fine cannelle nous
vient de Ceylan. On n’en trouve nulle part de comparable à
celle-ci;-on la tire- du laurier cannellier (1) , arbre d’une
(1) Laurus cinnamomum. Voyez dans
mon Dict. au mot Laurier - cannellier
( vol. I I I , p. 441 ) , la synonymie, la
description , les productions elles usages
de cet arbre intéressant. On le cultive
depuis quelques années à l ’île de
Francë ,:à Cayenne et dans les Antilles,
où il réussit parfaitement. C’est la seconde
écorce de cet arbre qui constitue
cet épice, si connu par son odeur et
hauteur et d’une grosseur médiocres. Les feuilles sont plus larges
et plus obtuses que celles du laurier-casse (1) : celui-ci donne
aussi une espèce de; cannelle plus grossière que l ’autre, et me
paroît n’êtrè qu’une variété du laurier-cannellier (7);; je serois
même tenté de croire que. cette variété de cannelle fine et de
cannelle grossière, est un effet du climat et du sol. Cette supposition
est d’autant plus probable , que dans l’ île de Ceylan, qui
paroît être le pays par excellence pour cette production végétale,
elle varie en bonté selon les, sites. La plus exquise croit dans
la partie sud-ouest. Celle-ci a une; vertu admirable pour corroborer
l’ estomac et donner du ton aux esprits. Les endroitsAçs
plus fertiles sont les cantons de Negumbo , Colombo, Coltere,
Barbary, Galle et Malouré, tous situés.le.Ipng de la côte. La
cannelle qu’on tire de l ’intérieur du pays est beaucoup plus
grossière, plus épaisse', âcre ; elle pique même la langue.
Voici les qualités requisgà dans la bonne cannelle. ^ -
1°. Qu’elle soit mince et malléable ; elle ne doit guère être
plus épaisse que du papier royal. ^ ' A , _ .
V: 20• Sa couleur doit être un jaune foncé-, son goût a la lois
doux et piquant, qui cause une certaine douleur- ^ _
Ainsi elle est d’autant moins estimée qu’elle est plus épaisse
et plus dure ; quand elle est d’un brun- trSo bs cu r , et qu’elle
a un goût de clou de gérofle si fort qu’elle semble vous brûler
le palais, lequel ne tarde pas à se dessécher; enfin, quand elle
sa saveur agréable , qu’on nomme cannelle.
J’ai fait usage de colle déjà récoltée
à l ’île de France ; elle m’a paru ne
le céder presqu’en rien à la meilleure
cannelle de Ceylan. Lam.
(,i)Lauruscàssia. J’ai essayé de prouver
, dans mon Dictionnaire, que ce
laurier est une véritable espèce et non
une variété du laurier-cannellier, comme
le pense M. Tbunbérg. Lam.
(2) Laurus cinnamomum. Gærtner
( de fruct. t. 92.) , a figuré le fruit du
laurier-cannellier et celui du laurier,
casse ; niais il a représenté le premier
si obtus au sommet, que j ’ai pu à peine
le reconnoitre. Lam.