
Ce jeune homme , d’un caractère aimable et enjoùA, m’amenoit
■ souvent son ami NagaVa-Sounnan, un peu plus âgé que-lut ,
et médecin d’un prince du pays. Tous deux , le dernier surtout
, parloient passablement le hollandois, et avoient puise
dans des ouvrages écrits en cette langue ou en chinois, quelques
notions d’histoire, naturelle , de minéralogie , de zoologie
et de botanique :(i).' A l’amour de la science ils joignoient
celui d’être utiles:, et une docilité peu commune. Je secondons
d’autant-mieux leurs bonnes dispositions , que je trouvois
en eux des connoissances bien importantes qui manquaient
aux autres. • . ’
Les interprètes avoient bien voulu prendre la peine d emboucher
pour moi la trompette de la renommée, de manière-
qu’une réputation supérieure à mon mérite m’avoit devancé
dans cette capitale ; tout le monde attendoit avec impatience
un docteur Hollandois beaucoup plus savant que les ehirur
giens ordinaires de la Compagnie, qui sont à la vérité ppur
la plupart très-ignorans. La brillante collection d instrumens
de chirurgie que j’avois apportée de Paris et d’Amsterdam,
me.donnoit encore un nouveau relief à leurs yeux. Quoique
leur assiduité me devînt quelquefois importune, .elle • me
procura souvent des . heures agréables et même dé l’instruction;
ils m’apportoien't des drogués, des minéraux, des plantes
, et des fleurs’ , que je faisais; sécher pour les .conserver
dans mon herbier; ils m’apprenoient les'noms japonois.. de
ces végétaux , et je leur donnois en échange les noms hollandois
et latins- : je joignois à cette nomenclature une notice de leurs
vertus et des usages auxquels les Européens les emploient.
( l) Les Hollandois leur ont apporté
plusieurs tons livres de botanique , de
médecine et de chirurgie, tels que
Jonston• hislorianaturalis, Dodoneï herbarium,
le Gazophylàcium dé W o y t ,
la traduction hollànâoisè de l’ouvrage
de Heister, et un bel exemplaire des
plantes de Munting. ( Tliunberg. )
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On reconnoît aisément les médecins, parce qu’ils se rasent
entièrement la tê te , ou qu’ils portent tous leurs cheveux (1).
Nous ne sommes pas-encore installés à Iédo , que me voici
déjà enfermé dans ma chambre, soutenant des thèses avec
les docteurs. Il est teins de nous déprisonner et de promener
le lecteur dans les rues de cette belle ville; elle m’auroit encore
paru plus charmante, sans la crainte continuelle du feu et les
fréquens incendies auxquels - elle est exposée-, malgré les pré-
cautions de la police. Il y en eut plusieurs pendant notre séjour,
mais ils furent promptement éteints. Celui de i 772 fut terrible,
et fait une- bien triste époque ; notre chef, qui en avoit été
témoin, nous en fit une description déchirante. Le feu se
manifesta vers midi, et brûla sans interruption jusqu’au lendemain
huit heures du soir ; il s’étendit sur six milles de longueur
ët trois milles de' large.
L’hôtél des Hollandois1 fut consumé, et les Hollandois qui
l’habitoient changèrent trois fois de. logis pendant la nuit : ils
se réfugièrent enfin dans un temple.
Les maisons d’Iédo. ont, comme toutes celles des autres
villes du Japon, deux étages, dont le premier est rarement
. habité : elles sont couvertes de tuiles.
Nous distribuâmes, eu arrivant, de légères gratifications à
ceux qui nous avoient accompagnés.,! Les domestiques re çurent
quatre rixdalles, les porteurs de norimons trois, les valets
de norimons autant, et trois rixdalles sept mas et cinq konderins
à deux domestiques particuliers ou valets-de-ehambre.
On nous annonça notre audience publique pour le 18 mai.
On ne fixe le jour qu’après l’arrivée de l’ambassadeur, dont
le voyage dure plus ou moins long-tems. Ce jour-là nous fûmes
.( i ) Les Japonois ne conservent met delà tête, à-peu-près comme les
qu’une touffe de cheveux sur le soin - Tatars et les Chinois. Rédacteur.
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