
La route longe les côtes; elle est en general tres-mauvaise,
sablonneuse et pénible. Toutes ces cotes sont couvertes de forets
de cocotiers , qui s’étendent de Negoumbo jusqu’à Matouré, et
même au-delà. Elles contiennent aussi une foule d’arbres dont
les naturels tirent la plus grande utilité. Au reste, elles ne pénètrent
pas très-avant dans l’intérieur du pays; elles aiment surtout
les rivages sablonneux et l’air de la mer .J ’ai vu plusieurs
cocotiers dont le pied étoit baigne par les vagues. Le sable dans
lequel ils âvoient cru étoit sans liaison, et ne présentoit aucune
particule végétative. Je remarquai souvent qu on avoit lie des
feuilles de cocotier autour du tronc d’espace en espace, de
manière à former une ,écbelle pour monter au sommet et cueillir
les fruits. Dans d’autres endroits, Les naturels avoient tendu une
corde entre plusieurs arbres pour passer, de l’un à l’autre, sans
descendre. Iis se servent, pour leurs transports, de charrettes
traînées par des taureaux extrêmement maigres, et gros au
plus comme un veau d’Europe âgé de deux mois.
Comme i l n’y a point de pont sur les rivières, nous fumes
obligés de traverser celles que nous rencontrâmes ■ sur des canots;
on en lia trois ensemble et bn les couvrit de planches,
ce qui formoit une espèce de radeau. Ces rivières sont larges ,
profondes , et même très-rapides.
Les habitans de la campagne plantent beaucoup de jarrack
ou médicinier (1) ,-pour en faire des haies qui environnent leurs
propriétés.
Nous trouvâmes sur la route plusieurs édifices construits aux
frais de la Compagnie pour servir d’asyle aux voyageurs; plusieurs
de ces édifices étoient grands et beaux ; l’intérieur étoit
tapissé pn toile., on en ét.endoit aussi sur les sièges et les tables
aussi-tôt que nous arrivions ; il y avoit même des bouquets eom-
(1 )Jatropha cure as,>
poses
A M A T O U R É .
posés de fleurs' de méthonique (i-)<, d’arec (2)-; de lycopode
penché (3) , et d’ixore (4). A l’extérieur s’élevoient deux rangs
de colonnes garnies de feuilles de cocotier avec des fleurs sur
une draperie en toile. Quand nous arrivions dans l’avenue d’une
de ces maisons,, on dérouloit, depuis l’endroit où notre palenkin
s’arrêtoit jusqu’à l’entrée de la maison, de longues pièces de
toile, sur lesquelles nous marchions. C’ est un honneur qu’on
rend ordinairement aux Européens en mission pour les affaires
de la Compagnie. .
Le 5 novembre nous arrivâmes à Kolteré, où l’on a construit
une forteresse commandée par un lieutenant.
Dans l’après - midi nous partîmes pour Barbary , où l’on
apporte de la cannelle des .environs ; on la dépose dans des magasins
en brique construits exprès.. On y ,fabrique aussi avec du
caire ou écorce filandreuse de coco, une étoffe qui porte le nom
de la matière première. Les vaisseaux peuvent mouiller en toute
sûreté dans le port, qui a un fond de bonne tenue. Ils y restent
tout le teins néôessaire pour recevoir leur cargaison de cannelle.
Le 6 on compléta trois cent dix-neuf balles de cannelle, parmi
laquellè il s’en trouvoit de cultivée. Le 7 nous .continuâmes notre
(1) Gloribsa. Cette liliacée est siTe-,
marquable par sa forme et la beauté de
ses fleurs, qu’on l ’a appellée la superbe
des.Malabares. Yoyez=-en la figure dans
mes Illustrât, planche 2.57.
(2) Areca. Espèce de palmier dont
les Indiens font beaucoup d’usage ; ils
ont sur-tout l’habitude journalière de
mâcher le noyau de son fruit coupé par
morceaux, avec du bétel, qui est une
espèce de poivre. Cette mastication,
qui est une sorte de régal parmi eux ,
sur-tout dans les visites qu’ils se ren-
Tome I I .
dent, teint la salive en rouge, et a une
saveur aromatique d’abord un peu âcre,
mais qui finit par être très-agréable.
Elle fortifie les gencives , l’estomac ,
procure une haleine agréable à la bô'u-
ch e , et communique aux lèvres et même
au visage, de vives couleurs, ce qui
passe pour un agrément dans l’Inde.
Voyez Arec de l’ Inde dans mon Dict»
vol. I , p. 20g. Lam.
(3) T-.ycopadi.um cernuum.
(4) Ixara. Illustr. planche 66.
G S S