
M. Radermacher ayant un jour à sa table le cbef de la factorerie
de Désima , M. Feitb, que fayois accompagné à la cour
d’Iedo, le questionna sur l’ empereur du Japon, et lui demanda
entre autres choses le nom de ce prince. ;
Il avoua qu’il n’avoit pu l’apprendre pendant quatorze ans qu’il
étoit demeuré au Japon , et quoiqu’il eût été quatre fois en
ambassade à la cour. Le lendemain je fus invité chez M. Radermacher
, qui me fit la même question qu’à M. Feith ; je me
trouvai en état de satisfaire complètement sa curiosité, avec tous
les détails qu’il pouvoit desirer ; je lui donnai les noms et surnoms
de l’empereur, du prince héréditaire, enfin de tous les
Coubo et Daïri qui ont occupé le trône du Japon depuis le commencement
du siècle. M. Radermacher en-fit une note qui fut
insérée dans les Mémoires de la société de Batavia (1). Au reste,
je n’ai pas exagéré les difficultés que j’ai éprouvées pour obtenir
cette note , qui sert de continuation à la table chronologique des
empereurs ecclésiastiques et civils du Japon donnée par Kcemp-
fer. Je ne l’aurois même jamais obtenue, sans les bons offices de
deux Japonois de mes amis , un interprète et un médecin , avec
qui j’ ai entretenu depuis une correspondance suivie : j’ai même
eu occasion de leur être utile par le moyen de M. Burmaun >
d’Amsterdam et je leur ai adressé et recommandé un de mes
disciples chéris, le docteur Stuizen , qui est allé au Japon.
Après avoir à-peu-près épuisé toutes les productions des environs
de Batavia, je résolus de m’enfoncer dans l’intérieur de
(1) C’est cette note que j ’ai extraite
du tome II des Verhandelingen van hçl
Bataviaasch genootschap, Sc. (Mémoires
de la société de Batavia), et que j ’ai
placée page i 53 du tome I I de ces
Voyages. On y trouvera quelque différence
avec le texte même de M. Thun-
b erg, par qui cependant elle a été faite.
Il faut attribuer ces différences à
l’inexactitude de l’éditeur de^Verhan-
deling. car j ’ai suivi les deux textes originaux
avec fidélité. Note du Rédacteur.
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Fîle. Je montai sur le vaisseau Vreedelust, qui devoit longer la
côte septentrionale de Java pour se rendre à Samarang.
Nous levâmes l’ancre le a3 mai, et le 3i nous étions a la hauteur
de Gheriboun , 1’un des plus forts comptoirs de la Compagnie.
Elle y entretient un gouverneur, dont on évalue le revenu
annuel à 70,000 rixdalles de Hollande.
Une montagne voisine de Gheriboun jette souvent des flammes.
On ressentit il y a deux ans un tremblement de terre , durant
lequel la montagne vomit une prodigieuse quantité de cendres
qui couvrirent des milliers de plantations de café dans 1e. voisi-
Le 2 avril, nous doublâmes le mont Tagal dont le sommet est
souvent enflammé ; il n’ en sortoit alors qu’une colonne de fumée
grosse comme le corps d’un homme.
Pendant cette navigation que le changement continuel des
vents prolongea plus long-tems que je n’aurois voulu, je vis des
serpens qui venoient de la terre en flottant et sautant sur 1 eau;
il y en avoit de la longueur d’une aune. ■ •
J’observai que la chaleur est plus accablante et le calme plus
profond quand le vent va changer. Nous touchions à la saison
où les vents de l’ouest cèdent la place à ceux de l’est. Le capitaine
me communiqua à ce sujet une observation qu’il avoit
faite • ainsi que plusieurs autres navigateurs. Les vents d est
viennent plus tard et les vents alisés sont plus foibles, depuis le
grand tremblement qui renversa la ville de Lisbonne et se fit
ressentir dans presque toutes les parties du globe.
J’eus occasion de lui faire à mon tour une autre observation
aussi intéressante pour l’humanité , mais d’un tout autre genre.
Quoique l’île de Java produise beaucoup de; cannes , et que le
sucre y soit conséquemment à très-bon marché , on ne nous en
avoit donné'pour notre voyage que de très-sale et très-bis. Je
m’ en plaignis à cet officier ; il me répondit que l’administration
le payoit sur le pied de la meilleure qualité ; mais les admi