
sence , à la vérité après que j’eus vivement insisté auprès de
notre chef et des officiers qui nous conduisoient. Les procédés
de cette fonte sont beaucoup plus simples que je ne l’ avois imaginé.
La fonderie peut avoir dix à douze aunes suédoises ' de
large ; une niche semblable à une cheminée , s’élève contre
une 'des murailles : dans le fond de cette niche et au niveau
du plancher, est un foyer dans lequel on avoit déjà fondu de ce
métal avant notre arrivée, avec des soufflets a la main. Dans
une portion du fond de cette même salle, on avoit supprime
le plancher pour y creuser un trou oblong d’une demi-aune de
profondeur , lequel contenoit dix barres de fer quarrees, posées
à un doigt l’une de l’autre et sur un de leurs angles, de manière
qu’elles présentoient un autre angle en dehors , et non
pas un de leurs côtés plats. On étendit sur ces barres une
toile à voile, que l’on arrêta sous les barres par leur propre
poids; on couvrit ensuite cette toile d’eau à la hauteur de deux
pouces , et l’on versa, avec des cuillers de fe r , le métal dans ces
espèces de moules hydrauliques. Chaque jet produisent dix à
onze barres longues d’un quart d’aune ; on s’empressoit de les
retirer pour en couler d’autres, et l’on renouvelloit 1 eau de tems
en tenÏ6.
Nous ignorions jusqu’à présent en Europe que les Japonois
coulent leur cuivre dans l’eau , à-peu-près de la même manière
que nous autres Suédois coulons dans l’ eau du plomb fondu
sur la tête des petits enfans malades. C’ est à ce procédé qu’il
faut attribuer la belle couleur brillante du cuivre du Japon.
Grâces aux bons offices de quelques interprètes de mes amis ,
. j’ eus le bonheur d’obtenir une caisse qui renfermât du cuivre
dans différens états , depuis la pyrite (x) jusqu au dernier
degré de raffinement, des restes..de fonte et du minerai brut
(1) Matrix.
DE LA COM PAGN IE H O L LA N D O IS E . 95
du même-métal avec sa terre , enfin le résidu de la. première et
de la seconde fonte.
Cette caisse est déposée dans le cabinet minéralogique de
l’académie d’Upsal; j’ai eu la satisfaction de voir qu’elle a fixé
l’attention de mon ancien maître et respectable ami le professeur
Bergman ; ce savant a paru'charmé d’apprendre la manière
de fondre le cuivre dans l’eau, que-je lui détaillai comme on
vient de la lire.
On nous montra ensuite beaucoup de cuivre fondu en barres ,
comme on le vend aux Hollandois (1) , et en gâteaux ronds
ou quarrés, plus ou moins grands , selon l ’usage auquel on
le destine , soit pour faire des chauderons , des casseroles et
autres ustensiles de ménage.
Je remarquai ici une distinction entre les valets d’auberge ;
les petits garçons se nomment kodom, les grands domestiques,
todokos. Tous les domestiques portent sur leurs habits la marque
ou les armes de leur maître , qui sont aussi empreintes sur tout
son mobilier. Cet usage , généralement répandu dans tout le
Japon , prévient les vols , car chacun reconnoît aisément ce qui
lui appartient, et les larrons ne tardent pas à être découverts.
Le i 5 juin nous partîmes pour Fiogo , c’est-à-dire , que nous
nous disposâmes à faire la traversée. Nous montâmes le bâtiment
destiné à nous conduire à Simonoseki. Ce voyage-ci fut
(1) Voyez ci-dessus, p. i 3 et suivantes.
L e cuivre du Japon renferme beaucoup
d’or , et les naturels ont appris ,
depuis quelque tems, des Européens
sans doute, l’art d’extraire cet or ; ce
qui chagrine beaucoup les Brahmanes
de la côte de Coromandel, qui ne
croyoient pas déroger à la dignité de
leur caste sacrée , en s’occupant du
départ de ces métaux. Au reste , tous
les détails que nous donne ici notre
voyageur sur la fonte du cuivre , sont
d’autant plus précieux , qu’on ne trouve
rien de semblable dans Koempfer, ni
dans Charlevoix , ni dans les différens
recueils de lettres la Lines des missionnaires
au Japon , que j ’ai compulsées
avec la plus grande-attention. Note du
Rédacteur.