
C H A P I T R E X.
P o u t r a 1 t , caractère des Jajponois.
I ls sont généralement bien faits, alertes et bien dispos, forts,
musculeux. Cependant ils ne pourroient lutter avec les habitans
du nord de l’Europe. Les hommes sont d’une taillé ordinaire,
d’un embonpoint raisonnable ; j’en ai vu meme plusieurs d’une
assez vaste corpulence; leur teint est tantôt basane, cuivré , brun
ou blanc. Les babitans de la campagne, qui ne se couvrent
pas la partie supérieure du corps en é té , sont tres-hales. Mais
les femmes aisées, qui ne sortent presque jamais sans voile,
ne le cèdent pas pour la blancheur à nos plus belles Européennes.
Les Japonois ont, ainsi que les Chinois, des yeux d’une configuration
toute particulière ; au lieu de former un ovale plus
ou moirfs ' arrondi comme ceux des autres peuples , ils sont
oblongs', très-enfoncés, et tbujours clignotans, avec une prunelle
brune ou plutôt noire, et un sourcil très-haut. Une autre
marque caractéristique dans le' même organe , c’est que la fontaine
de l’oeil chez les deux nations n’ est pas ronde comme
chez les autres hommes, mais étranglée et pointue, ce qui rend
leur regard perçant; ils ont la tête grosse et emmanchée sur un
col très-court, les cheveux noirs, épais et luisans, à cause de
l’huile dont ils les oignent : leur nez, quoiqu’applati, est gros et
épatté.
Le moral de cette nation est moins original que leur physionomie,
et, comme celui de toutes les autres, un mélange de
bonnes et de mauvaises qualités. Cependant, somme totale ,
les premières l’ emportent sur les dernières. Us allient l’esprit
à la prudence, la docilité à l’amour de la justice , et à une
certaine indépendance. Actifs, sobres , économes., loyaux et
pleins découragé , ils rachètent par ces qualités et ces vertus,
la superstition , l’orgueil et la méfiance , souvent bien fondée,
qu’on pourroit leur reprocher (1).
, La nation Japonoise a constamment déployé dans toutes ses
entreprises beaucoup de fermeté, et autant d’intelligence qu’il
est possible d’en avoir avec des sciences encore au berceau.
D’après la légère esquisse que je viens de tracer, on ne sera
pas tenté de les classer parmi les nations sauvages : quant à
moi, je ne les croirois point déplacées auprès de bien des nations
policées. La forme de leur gouvernement, leur manière de se
conduire à l’égard des étrangers, leurs arts, la culture de leurs
terres, l’abondance qui règne dans le royaume, enfin mille autres
circonstances, prouvent à la fois leur esprit, leur fermeté et leur 1
(1) On ne sera peut-être pas fâché
de trouver ici le portrait des Japonois,
tracé par lé' jésuite François-Xavier,
qui a séjourné assez long-tèms dans ces
îles. «Les Japonois, autant que j ’ai pu
» en juge r, dit-il, surpassent en vertu
» et en probité toutes les autres nations
» découvertes jusqu’ici. Ils sont d’une
» humeur douce, ennemis des fo'urbe-
» ries, passionnés pour les honneurs ,
» et les préfèrent à tout. L ’indigence
» est très-commune parmi e u x , mais
» nullement déshonorante , quoiqu’ils
» la supportent avec peine. Les Grands
» n’en sont pas moins respectés par le
» peuple, et le plus pauvre d’entre eux
» peut, sans dot, obtenir en mariage
» une roturière, tant ils préfèrent les
» dignités aux richesses. Ils se traitent
» respectivement avec beaucoup d’é-
» gards y ils estiment infiniment le mé-
» tier des armes. A peine ont-ils atteint
. » quatorze ans, qu’on les voit s’exercer
» à manier l’épée et le poignard. Ils
n n’endurent aucun geste ni aucun pro-
» pos offensans. Tempérés dans leman-
» ger, ils le sont moins pour la boisson.
» Faute de connoître l ’usage du raisin ,
» ils font du vin ( du sakki) avec du
)> riz ; ils n’aiment ni les dés , ni aucun
» jeu intéressé > persuadés qu’il est
» honteux de prendre des passe-tems
» qui nous inspirent des idées de ra-
» pacité. Je ne me rappelle point d’a-
» voir vu dans les pays chrétiens , ou
» barbares, aucune nation qui ait au-
» tant d’aversion pour le vol» . Voyez
Rerurn à societate Jesu in Orient, gestar.
ad an. usque 4 568 commentarius. Di-
lin g ce, i 5yA, p. 65 et 66. Note du Rédacteur,