
cupations. Ce qui fixa le plus leur attention, ce fut notre
manière d’écrire ; ils nous prièrent de tracer quelques mots
sur des morceaux de papier ou sur leurs éventails, et nous
montrèrent des fragmens d’écriture des Hollandois qui nous
avoient précédés, et qu’ils conservoient comme un objet extrêmement
rare et précieux. v
,Enfin arriva l’heure de l’audience. Les cérémonies furent
toutes différentes de celles qui eurent lieu du tems, de Koemp-
fer (1). L’ ambassadeur seul fut présenté à l’empereur, et nous
attendîmes qu’il vînt nous retrouver. Le cérémonial de l’audience
est peu de chose : en entrant dans la salle, l’ambassadeur
tombe à genoux, baisse la fête jusqu’à toucher la
terre , en posant ses mains sur les nattes : c’est la manière
dont les Japonois témoignent leur soumission et leur respect.'
Il se relève ensuite et on le ramène dans l’antichambre. Il
fallut, après son retour, que nous restassions encore assez
long-tems dans cet antichambre pour recevoir les visites- et
répondre aux questions de plusieurs courtisans, parmi lesquels
on prétend que l’ empereur se mêla, pour voir de plus près
les Hollandois: il est de moyenne taille, d’une forte com-
plexion, et peut avoir quarante ans passés. Le silence de l’assemblée
nous annonçoit la dignité de ceux qui venoient nous
entretenir ; nos officiers et nos interprètes tâchoient de- les
connoître par le moyen de leurs amis, et nous faisoient part'
des indications qu’on leur avoit données.
Quand la curiosité de nos illustres importuns fut satisfaite,
on voulut bien accorder quelque chose à la nôtre , et nous
eûmes la permission de parcourir une partie des appartemens
du palais; nous vîmes la salle d’audience où notre ambassadeur
avoit été admis. On l’avoit reçu d’abord sur un plancher non
,(1) Voyez Histoire du Japon, t. I I I , p . 9 1 , Rédacteur.
couvert de nattes qui conduisoit à la salle d’audience , dont
les: portes s’ouvroient par le moyen d’un ressort. Le plancher
étoit divisé en trois compartimens élevés d’un degré les uns
au-dessus des autres, et larges d’environ dix pas chacun, de
manière qu’à vue d’oeil l’ambassadeur étoit à trente pas de
l’empereur, qui, pendant l’audience, s’étoit tenu debout, ayant
le prince héréditaire aussi debout à sa droite; à gauche étoient
placés les présens de l’ambassadeur : ils avoient l’air d’être
.empilés les uns sur les autres. A droite en sortant de cette
salle, on.trouve la, salle aux cent nattes , ainsi nommée à
cause du nombre de nattes qui en couvrent le plancher. Elle
étoit remplie de tous les Grands du royaume, des sénateurs,
des. princes, de toutes les personnes que leur emploi appelloit
à cette cérémonie : elle a trois cents aunes suédoises de cir-
, conférence , et cent cinquante de large.
Les.autres appartemens que nous visitâmes n’avoient aucuns
.meubles.; des nattes de paille blanche couvroient les planchers;
des portes et les linteaux étoient bien vernissés , et toutes les
. ferrures. dorées.
En sortant des appartemens de l’empereur, nous passâmes
au palais du prince héréditaire, qui n’en .est séparé, comme
je l’ ai déjà dit, que par un pont-levis. Quoique le prince ne fut
pas encore de retour, nous fûmes reçus et complimentés de
sa part; ensuite on nous conduisit à nos norimons.
La journée étoit déjà' très-avancée , et notre déjeûné-avoit
.eu tout le.tems de passer; mais l’ étiquette exigeoit que nous
.visitassions de suite les six sénateurs ordinaires et les six sénateurs
extraordinaires., chacun dans son hôtel. Heureusement
qu’ils n’éloient pas encore revenus du palais impérial ; leurs
officiers nous firent l’accueil le plus agréable. Leurs femmes
et leurs enfans nous considérèrent avec beaucoup d’attention.
Chaque visite fut l’affaire- d’une demi-heure ; on nous introdui-
soit ordinairement dans une grande salle où les femmes pouvoient