
I S68 1777- S É J O U R DE L ’ A U T E U R
nistrateurs faisoient, pour eus , une masse'du produit résultant
de cette différence de qualité et de prix.
J Le 9 avril j’abordai à Samarang, ville d’uné grandeur médiocre
, mais belle , bien fortifiée ; c’est la plus considérable de
toutes celles qui sont situées sur la côte de Java. Tous les comptoirs
de cette île , excepté celui de Cheriboun, en relèvent. Les
Hol'landois s’ en emparèrent en 1708.
Je fus logé chez le médecin de l’hôpital, homme très-expérimenté
en médecine et en chirurgie; il me témoigna beaucoup
d’amitié, et me fit les offres les plus obligeantes. Mais à peine
arrivé , je tombai malade d’une fièvre tierce, que j’attribuai à une
transpiration interceptée. Pendant la traversée , j’avois passé
plusieurs nuits les fenêtres de mon cabin ouvertes ; je parvins à
3 couper la fièvre avec de l’extrait de Chine, pendant que le vaisseau
attendoit un vent favorable pour se rendre à Juana , où il
devoit prendre une cargaison de poutres et autres bois de charpente.
Samarang est bâti sur le bord d’une rivière à peu de distance
de la mer. Quoique la factorerie emploie au moins mille hommes,
la garnison n’est composée que de cent cinquante soldats. Le
gouverneur tire 80 et même 100,000 rixdalles de sa place,
par année 5 c’est pourquoi elle ne s’accorde ordinairement qu’à
quelque parent du gouverneur-général de Batavia; on ne les y
laisse au plus que pendant trois ans, et on les élève ensuite à
la dignité-de conseiller , pour qu’un autre .puisse s’enrichir à son
tour.
A peine eus-je recouvré la santé, que je demandai au gouverneur
la permission de parcourir l’intérieur de la contrée jusqu’aux
montagnes , à la distance de soixante milles.
En accédant à ma demande , ce magistrat eut l’honnêteté de
me donner des passe-ports et des lettres de recommandation
pour les oommandans des postes fortifiés de la Compagnie; il me
donna même pour compagnon de voyage le médecin de l’hôpita
l, M. Boeucken, en nous recommandant à tous deux d’examiner
avec un soin particulier les plantes auxquelles on a voit
déjà reconnu une vertu médicinale.
Le 23 avril, nous partîmes à cheval pour nous rendre au poste
de la Compagnie, nommé Ounarang, qui est gardé par un
sergent et vingt hommes.
Le 24, à Salatiga, autre poste assez bien fortifié, et gardé par
un officier décoré du grade d’enseigne, et vingt hommes.
Le 26, à Kopping, village Javan, situé sur le penchant de la
montagne. L’air est ici froid et sain, mais la' terre moins fertile
que dans les environs. Je remarquai une espèce particulière de
figuier (1) d’Inde, qui croît dans les forêts et parvient à une hauteur
prodigieuse ; ses longues branches fléchissent , et lorsqu’elles
touchent à terre, elles y prennent racine et forment
des rejettons qui sont bientôt métamorphosés en gros arbres.
Ainsi un seul de ces figuiers avec toutes ses branches , peut
former un bosquet considérable.
On nomme Kamada des feuilles qui piquent comme des orties
, et sont beaucoup plus venimeuses, car leur piquure produit
une assez forte inflammation. Chaque côte est terminée par
un aiguillon acéré, transparent et rempli d’une liqueur vénéneuse
qui cause l’inflammation. Il faut bien se garder de lavër les
ampoules avec de l’eau, car elles deviennent plus cuisantes ; le
meilleur remède est l’huile ou des grains de riz bouillis et bien
crevés. Comme cette plante a été inconnue jusqu’à présent, je
la rangeai parmi les orties, et la nommai urtica stimulons (2). Un
homme de notre suite, qui ue savoit pas le danger qu il y avoit
à porter la main à cette espèce d’arbuste , essaya d’en rompre
une branche, et paya chèrement sa curiosité. Les Javans la
( 1 ) Ficus Indien. Voyez dans mon (2) Voyez le Supplementum planta-
Diction, vol. II, p. 4g4, Figuier des In- rum de Linné fils, p. 4i8.
des, n \ 8. Lam.