
 
        
         
		La  déification  de  la  carapace  des  tortues,  en  les  
 empêchant  de  plonger,  donne  aux  pêcheurs  plus  de  
 facilité  pour  les  prendre.  Lorfqu’elles font très-près  du  
 rivage  où  l’on  veut  les  entraîner,  elles fe  cramponent  
 avec tant  de force ,  que quatre hommes ont  quelquefois  
 bien  de  la  peine  à  les  arracher  du  terrain  quelles  
 faifilfent : &  comme  tous leurs doigts ne font pas pourvus  
 d’ongles, &que n’étant  point  féparés les uns des autres,  
 ils ne peuvent pas  embrafler  les  corps, on doit fuppofer,  
 dans  les  tortues,  une  force  très-grande,  qui  d’ailleurs  
 eft  prouvée  par  la  vigueur  de  leurs mâchoires, &   par  
 la  facilité  avec  laquelle  elles  portent  fur  leur  dos  autant  
 d’hommes  qu’il  peut  y  en  tenir  (v ).  On a même  
 prétendu que, dans  l’Océan  Indien,  il  y  avoit  des  tortues  
 aflej  fortes,  &   affez  grandes ,  pour  tranfporter  
 quatorze  homipes  (x)  :  quelqu exagère  que  puifle  etre  
 ce nombre,  l’on doit  admettre,  dans  la  tortue  franche,  
 une puiflance  d’autant  plus  remarquable,  que, maigre  
 fa  force  ,  fes  habitudes  font  pailibles. 
 Lorfqu au  lieu  de  faire  faler  les  tortues  franches,  
 on  veut  les  manger  fraîches, &   ne rien perdre  du  bon  
 goût  de leur  chair,  ni  de  leurs  propriétés bienfaifantes, 
 ( y )  Linnoeus, Jÿfema Naturoe ,  amphibia  reptilia.  Tefludo Mydas,  
 (% ) Voyez  ce  que  dit  à  ce- fujet Ray ,  dans  fon  Ouvrage, intitulé 1  
 Synopfu  animalium, page 255. 
 d e s   Q u a d r u p è d e s   o v i p a r e s .  79  
 on  leur  enlève  le  plaftron,  la  tête,  les  pattes  , <Sc  la  
 queue,  &   on  fait  enfuite  cuire  leur  chair  dans la  carapace, 
   qui  fert  de  plat.  La   portion  la  plus  eftimée  
 e ft  celle  qui  touche  de  plus-  près  cette  couverture fu-  
 périeure,  ou  le plaftron. Cette  chair,  ainfi que  les oeufs  
 de  la tortue  franche, font principalement très-falutaires  
 dans  les maladies  auxquelles,  les  gens  de  mer  font  le  
 plus  fujets  :  on  prétend  même  que  leurs fucs  ont  une  
 aûèz  grande  aclivité,  au  moins  dans les  pays  les  plus  
 chauds,  pour être  des remèdes  très-puiffans  dans  toutes  
 les maladies qui demandent que  le  fang foit  épuré  (y )  „ 
 Il  paroît  que  c’eft  la  tortue  franche  que  quelques  
 peuples  Américains  regardent  comme  un  objet  faeré,  
 &   comme  un  préfent particulier  de  la Divinité j  ils  la  
 nomment poiJJ'on de Dieu ^ à  eaufe  de  l’effet merveilleux  
 que  fa  chair  produit,  difent-ils,  lorfqu’on a avalé quelque  
 breuvage  empoifonné. 
 La  chair  des  tortues  franches  eft  quelquefois  d’un  
 vert  plus  ou  moins  foncé  &   e’ eft  ce  qui  les  a  fait  
 appeiler, par quelques.Voyageurs,  Tortues-V’.nés; mais  
 ce  nom  a  été  aufli  donné  à  une  fécondé  efpèce  de  
 tortue  marine 5  &   d’ailleurs  nous  avons  cru  devoir  
 d’autant  moins  l’adopter,  que  cette  couleur  verdâtre  
 de  la  chair  n eft  qu’accidentelle  elle  dépend  de-  la 
 (y)  Barrère,  ejjai fu r l’HiJt.  naturelle  de  la France  équinoxiale.