expofés aux impreffions de ces odeurs exaltées, leur
organe s’endurcit, pour ainfi dire, & perd de fa fen-
fibilité. Or le plus grand nombre de Quadrupèdes
ovipares vivent au milieu de l’odeur infede des rivages
vafeux, & des marais remplis de corps organifés
en putréfadion ; quelques-uns de ces Quadrupèdes répandent
même une odeur, qui devient très-forte lorf-
qu’ils font raifemblés en troupes. Le fiège de l’odorat
eft auffi très-peu apparent dans ces animaux, excepté
dans le crocodile; leurs narines font très-peu ouvertes.;
cependant, comme elles font les parties extérieures
les plus fenfibîes de ces animaux, & comme les nerfs
qui y aboutiffent font d’une grandeur extraordinaire
dans plufieurs de ces Quadrupèdes (g ) , nous regardons
l’odorat comme le fécond de leurs fens. Celui du goût
doit en effet être bien plus foible dans ces animaux:
il eft en raifon de la fenfibilité de. l’organe , qui en
eft le fiège ; & nous verrons dans les détails relatifs
aux divers Quadrupèdes ovipares, qu’en général leur
langue eft petite ou enduite d’une humeur vifqueufe,
& conformée de manière à ne tranfmettre que difficilement
les impreffions des corps favoureux.
A 1 égard du toucher, on doit le regarder comme
bien obtus dans ces animaux. Prefque tous recouverts
(g) Mémoires pour fervir à l’HiJtoire naturelle des animaux, art.
de la Tortue de terre de Coromandel,
Q u a d r u p è d e s o v i p a r e s . I l
d’écailles dures, enveloppés dans une couverture offeufe,
ou cachés fous des boucliers folides, ils doivent recevoir
bien peu d’impreffions diftincles par le toucher. Plufieurs
ont les doigts réunis de manière â ne pouvoir être appliqués
qu’avec peine à la furface des corps, & fi quelques
lézards ont des doigts très-longs & très-féparés les uns
des autres, le deffous même de ces doigts eft le plus
fouvent garni d’écailles affez épaiffes pour ôter prefque
toute fenfibilité à cette partie.
Les Quadrupèdes ovipares préfentent donc, à la
vérité, un auffi grand nombre de fens, que les animaux
les mieux conformés. Mais, à l’exception de
celui de la vu e , tous leurs fens font fi foibîes, en
çomparaifon de ceux des vivipares, qu’ils doivent recevoir
un bien plus petit nombre de fenfations, communiquer
moins fouvent & moins parfaitement avec
les objets extérieurs, être intérieurement émus avec
moins de force & de fréquence ; & c’eft ce qui produit
cette froideur d’affeétions, cette elpèce d’apathie, cet
inftinél confus, ces intentions peu décidées, que 1 oa
remarque fouvent dans plufieurs de ces animaux.
La foibleffe de leurs fens fuffit peut-être pour modifier
leur organifation intérieure, pour y modérer la
rapidité des mouvemens , pour y ralentir le cours des
humeurs, pour y diminuer la force des frottemens,
& par conféquent pour faire décroître cette chaleur
interne, qui, née du mouvement &. de la vie, les
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