La Salamandre étant dépourvue d’ongles, n’ayant
que quatre doigts aux pieds de devant, & aucun avantage
de conformation ne remplaçant ce qui lui manque,
fes moeurs doivent être & font en effet très-différentes
de celles de la plupart des lézards: elle eft très-lente
dans fa marche ; bien loin de pouvoir grimper avec
vîteffe fur les arbres, elle paroît le plus fouvent fe
traîner avec peine à la furface de la terre. Elle ne
s’éloigne que peu des abris quelle a choifis. Elle paffe
fa vie fous terre, fouvent aux pieds des vieilles murailles
; pendant l’été, elle craint 1 ardeur du foleil, qui
la deffécheroit; & ce n’eft ordinairement que lorfque la
pluie eft prête à tomber, quelle fort de fon afyle fecret,
comme par une forte de befoin de fe baigner & de
s’imbiber d’un élément qui lui eft analogue, Peut-être
auffi trouve-t-elle alors avec plus de facilite les in-
feétes dont elle fe nourrit. Elle vit de mouches , de
fcarabées, de limaçons & de vers de terre. Lorfqu’elle
eft en repos, elle fe replie fouvent fur elle - même
comme les ferpens ( i ) . Elle peut refter quelque tems
dans l’eau fans y périr ; elle s’y dépouillé d une pellicule
mince d’un cendré verdâtre. On a même confervé
des Salamandres pendant plus de fix mois dans de
l’eau de puits ; on ne leur donnoit aucune nourriture ;
on avoit feulement le foin de changer fouvent 1 eau,
( i ) Laurçnti fpecimen medicumt page i$3<
On obferve que toutes les fois qu’on plonge une
Salamandre terreftre dans l’eau, elle s’efforce d’élever
fes narines au-deflus de la furface , comme fi elle
cherchoit l’air de l’atmofpère, ce qui eft une nouvelle
preuve du befoin qu’ont tous les Quadrupèdes ovipares
de refpirer pendant tout le tems où ils ne font point
engourdis ( k ) . La Salamandre terreftre n’a point
d’oreilles apparentes; & en ceci elle reffemble aux
ferpens. On a prétendu qu’elle n’entendoit point; &
c’eft ce qui lui a fait donner le nom de Sourd dans
certaines provinces de France : on pourrait le préfumer,
parce qu’on ne lui a jamais entendu jeter aucun cri,
& qu’en général le filence eft lié avec la furdité.
Ayant donc peut-être un fens de moins, & privée
de la faculté de communiquer fes fenfations aux animaux
de fon efpèce, même par des fons imparfaits ,
elle doit être réduite à un bien moindre degré d’inftinél;
auffi eft-elle ftupide, & non pas courageufe , comme
on l’a écrit ; elle ne brave pas le danger, ainfi qu’on
l’a prétendu, mais elle ne l’apperçoit point ; quelques
geftes qu’on faffe pour l’effrayer, elle s’avance toujours
fans fe détourner de fa route ; cependant, comme
aucun animal n’eft privé du fentiment néceffaire à fa
confervation, elle comprime , dit - on, rapidement
fa peau lorfqu’on la tourmente, & fait rejaillir contre
( k) Voyez le Difcours fur la nature des Quadrupèdes ovipares.