La facilité avec laquelle il les faifit le rend utile
aux Indiens, qui voient avec grand plaifir dans leurs
maifons cet innocent lézard. Il eft en effet fi doux ,
qu’on peut, fuivant Alpin, lui mettre le doigt dans
la bouche, &. l’enfoncer très-avant, fans qu’il cherche
à mordre ( l) , & M. Desfontaines, favant Profeffeur
du Jardin du Roi , qui a obfervé les Caméléons en
Afrique, & qui en a nourri chez lui, leur attribue la
même douceur qu’Alpin.
Soit que le Caméléon grimpe le long des arbres ,
foit que caché fous les feuilles il y attende paifible-
ment les infeétes dont il fe nourrit, foit enfin qu’il
marche fur la terre, il paroît toujours affez laid : il
n’offre pour plaire à la vu e , ni proportions agréables„
ni taille fvelte, ni mouvemens rapides. Ce n’eft qu’avec1
une forte de circonfpeétion qu’il ofe fe remuer. S il
ne peut pas embraffer les branches fur lefquelles il
veut grimper, il s’aflure, à chaque pas qu il fait, que
fes ongles font bien entrés dans les fentes de l’écorce;,
s’il eft à terre il tâtonne ; il ne lève un pied que lorf-
qu’il eft sûr du point d’appui des autres trois ; par toutes-
ces précautions, il donne à fa démarche une forte de
gravité, pour ainfi dire ridicule, tant elle contrafte
de papillons 8c d’autres infeétes. Hajfelquifl , Voyage en PaleJHne r
page 349.
{/) P r o f p e r A lp in , tome 1 , Chapitre y , page %ig.
avec la petiteflé de fa taille & l’agilité qu’on croit
trouver dans un animal affez femblable à des lézards
fort leftes. Ce petit animal, dont l’enveloppe & la
mobilité des y eu x , la forme des pieds, & prefque
toute la conformation, méritent l’attention des Phy-
ficiens, n’arrêteroit donc les regards de ceux qui ne
jettent qu’un coup-d’oeil fuperficiel, que pour faire
naître le rire & une forte de mépris : il auroit été
bien éloigné d’être l’objet chéri de tant de Voyageurs
& de.tant de Poètes; fon nom n’auroit pas été répété
par tant de bouches; & perdu fous les rameaux oit
il fe cache, il n’auroit été connu que des Naturaliftes,
fi la faculté de préfenter, fuivant fes différens états,
des couleurs plus ou moins variées n’avoit attiré fur
lui , depuis long-tems, une attention particulière.
Ces diverfes teintes changent en effet avec autant
de fréquence que de rapidité ; elles paroi fient d’ailleurs
dépendre du climat, de l’âge ou du fe x e ; il eft donc
affez difficile d’afligner quelle eft la couleur naturelle
du Caméléon. Il paroît cependant qu’en général ce
lézard eft d’un gris plus ou moins foncé (m)y ou plus
ou moins livide.
Lorfqu’il eft à l’ombre & en repos, depuis quelque
teins, les petits grains de fa peau font quelquefois
im ) Le Bruyn. Voyages au Levant.